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Colloque
6-7 février 2025 (Université Bordeaux Montaigne)
Appel
Date limite de soumission : samedi 31 août 2024
L’histoire rurale et l’histoire environnementale sont deux champs historiographiques proches par nature, mais rarement réunis dans des manifestations scientifiques collectives. Or, l’histoire rurale s’est depuis longtemps faite pionnière en histoire de l’environnement, de l’analyse des modes d’appropriation des espaces pour les cultiver, de la place des paysans et des choix agraires dans la formation des paysages, du rôle des marchés urbains dans le développement d’arrière‑pays spécialisés ou bien encore par l’intérêt porté aux forêts, montagnes et zones humides. Pensons par exemple aux travaux pionniers d’Emmanuel Le Roy Ladurie, de Marcel Lachiver ou d’Andrée Corvol, de Fabrice Mouthon, Aline Durand, ou Jean Guilaine.
Il ne sera pas utile ici de revenir sur cette abondante production historiographique mais plutôt de voir dans quelle direction une réflexion renouvelée peut s’inscrire. Par agriculture, il faut entendre toutes les pratiques agraires, qu’il s’agisse de l’élevage, de la culture de la terre, de l’exploitation de la forêt ou bien encore des formes d’agriculture urbaine et hors sol. Que l’on s’intéresse à l’élevage du gros et du petit bétail, de la volaille, des poissons, des produits de la mer ou des insectes, l’histoire de l’agriculture croise l’histoire environnementale et fait appel aux animal studies. Plus encore, le développement de l’agriculture dans ses diverses formes relève à la fois d’une manière de tirer profit des potentialités de la nature et d’un façonnement de l’environnement par l’homme, inscrivant l’agriculture comme un élément moteur de construction paysagère et sociale. On peut, par exemple, penser au sarrasin en Bretagne, au maïs dans le Sud‑Ouest, à l’élevage bovin en Normandie. Qu’il s’agisse d’agriculture vivrière, d’agriculture commerciale spécialisée ou de formes mixtes, toutes impriment leurs logiques productives sur l’environnement. Bien que le terme fasse l’objet de plusieurs acceptions selon qu’il est vu depuis le droit, l’écologie ou la géographie, on entendra par environnement la combinaison des éléments naturels (le champ de forces physico-chimiques et biotiques) et socioéconomiques qui constituent le cadre et les conditions de vie d’un individu, d’une population, d’une communauté à différentes échelles spatiales.Plus encore que les autres activités anthropiques, l’agriculture puise dans l’environnement et le modifie. Éleveurs, paysans, bergers, forestiers, agriculteurs participent à construire une bonne connaissance des sols, des plantes, des animaux et entretiennent des systèmes et des formes d’équilibres ou de déséquilibres entre hommes et milieux. Une attention particulière sera également portée sur les impacts, les problèmes et risques générés par les pratiques agricoles, qu’il s’agisse de l’épuisement des sols, des formes de pollutions liées aux produits phytosanitaires – qui sont les mieux connues et les plus documentées, notamment depuis Silent Spring de Rachel Carson (1962) – ou aux autres formes d’externalités, comme les remembrements qui ont parfois abouti à de vastes mouvements d’arrachage des haies bocagères et à une accélération des phénomènes érosifs et d’assèchement des sols ou encore les défrichements et déforestations qui ont favorisé l’érosion des sols. Plus globalement, ces questions soulignent l’importance d’une réflexion sur l’agriculture qui a toujours dû concilier l’enjeu majeur de la sécurité alimentaire et celui de la soutenabilité de ses formes et de ses modèles, que cette soutenabilité soit contrainte par les moyens à disposition, qu’elle soit volontaire et pensée.
Les liens entre agriculture et environnement doivent alors s’envisager à plusieurs échelles. Il s’agit d’abord de celle de l’espace de production ou d’élevage qui est le premier niveau de croisement de ces deux questions, la parcelle, l’exploitation, le terroir… Puis, il faut envisager l’analyse en termes régionaux, nationaux et internationaux, par les filières, les bassins d’approvisionnement ou les diverses formes d’externalité à l’échelle internationale. Une même pratique agricole peut ainsi générer des besoins à plusieurs échelles, à l’instar de l’approvisionnement en bois pour la culture de la vigne. Ainsi, en Guyenne, un bassin de proximité fournissait les piquets en châtaignier et en acacia ainsi que l’osier destiné à attacher les ceps aux échalas ou à fabriquer les paniers de vendange. Un plus large bassin, à l’échelle française, fournissait le merrain de chêne destiné aux fûts, venu du Massif Central, mais aussi de la Baltique en fret d’échange via le port de Bordeaux. En cela, l’agriculture mobilise des ressources et des énergies issues d’un environnement plus ou moins lointain et participe à sa transformation.
Ce colloque s’adresse aux historien.ne.s, de l’antiquité jusqu’au monde contemporain, pour proposer une approche sur le temps long des liens entre agriculture et environnement en Europe, et pour envisager de manière renouvelée les transformations environnementales liées aux pratiques agricoles. Il s’agira d’interroger le poids du contexte socioéconomique, le rôle des structures foncières, la place du genre et des générations dans le rapport à la terre et au milieu, l’influence des logiques de production, de transformation et de valorisation (marchés et prélèvement du local à l’international, du bourg rural aux métropoles, du commerce de proximité à l’industrie de transformation) ainsi que les modalités d’échanges et de transport dont les aspects pratiques ont un impact sur les produits agricoles autant que les environnements d’origine et de réception. Par exemple, le transport transatlantique du guano, puis du nitrate de soude au XIXe siècle a bouleversé, en moins d’un demi‑siècle, les espaces d’extraction du Pérou et du Chili avec de très forts prélèvements de ressources destinées à traverser l’océan par bateau pour lutter contre l’appauvrissement des sols en Europe. Il a ainsi participé à diversifier les sources d’approvisionnement en engrais et a préparé la voie à la fabrication et à l’utilisation des engrais chimiques, contribuant à la rupture métabolique entre campagnes et villes – c’est‑à‑dire à la rupture du lien entre les villes qui fournissaient, par leurs déchets, les engrais nécessaires au retour des minéraux indispensables à la fertilité des terres agricoles – , mais aussi entre pays développés et pays en développement.
Les communications donneront la priorité aux expériences pratiques plutôt qu’aux traités théoriques, aux observations empiriques plutôt qu’aux préconisations scientifiques et agronomiques, et si les savoirs savants seront abordés, ce sera pour mesurer la manière dont ils cohabitent et se mêlent aux savoirs pratiques.
Les propositions attendues pourront s’inscrire dans les axes suivants, qui sont des propositions de réflexion, sans être en aucune manière limitatives.
1/ Les actions volontaires pour améliorer la productivité agricole, tirer le meilleur profit des conditions naturelles et moins dépendre de ses contraintes :
– Transformation et adaptation des milieux au service de l’agriculture : amendements et engrais, écobuage et pratique des feux, surcharge pastorale, modification des cours d’eau ou du cours des eaux, modification du relief (terrassement, creusement, arasement), création d’espaces agricoles (poldérisation, assèchements, drainages, défrichements, arrachage de haies).
– Modification du vivant en fonction des besoins agricoles, alimentaires et sanitaires (processus de sélection variétale et animale, croisements, génétique), réussites et échecs.
– Réduction, voire affranchissement ou optimisation des contraintes de la nature (rythme biologique des plantes et des animaux d’élevage), qui passent par la maîtrise des cycles, l’appropriation des connaissances scientifiques, l’innovation technique mais qui reposent aussi sur les savoirs pratiques, le « bricolage » et le forçage.
– Formes de luttes (manuelle, mécanique ou chimique) contre les maladies et les animaux dits nuisibles : champignons, insectes, rongeurs, oiseaux, escargots, limaces, « grosses bêtes » (sangliers, loups, lapins…).
2/ Les impacts des pratiques agricoles sur l’environnement :
– Conséquences sur le vivant : appauvrissement génétique, fragilité aux maladies, contamination des espaces non cultivés ou espèces dites sauvages, appauvrissement de la biodiversité.
– Perturbation des sols et de la météorologie : épuisement et altération des sols (ruissellement, ravines, pollutions), eaux et pluies, vent dont la force est accélérée par la diminution des haies coupe‑vent.
– Risques pour la santé des hommes et des animaux : maladies professionnelles, cancers des agriculteurs et des riverains, maladies des animaux.
– Risques pour l’approvisionnement et la sécurité alimentaire.
3/ Les conflits, les analyses critiques et les propositions nouvelles :
– Usages et conflits d’usages environnementaux liés aux pratiques agricoles : gestion de l’inculte, droits collectifs, propriété individuelle, cohabitation entre riverains et activités agricoles.
– Information, éducation et sensibilisation : dénonciations et rôle des médias, contenu des formations et programmes d’enseignement, engagement syndical, associatif et militant, structuration et politisation des débats.
– Régulation et réglementation des pratiques agricoles pour une bonne gestion des ressources, pour une préservation de la biodiversité et de l’environnement, pour une meilleure protection sanitaire des producteurs et des consommateurs : législateurs et législations, acteurs et structures d’encadrement.
– Réflexions, expérimentations et actions nouvelles visant à limiter/modifier l’impact environnemental de l’agriculture : conflits générationnels, retour à la terre, modèles alternatifs, diversification des profils d’agriculteurs et de leur rapport à la terre, formes de résilience.
Modalités de propositions :
Les propositions de communication devront parvenir avant le 31 août 2024 avec un titre, un résumé de 2000 caractères et un court CV à frederic.boutoulle@u-bordeaux-monta... ; stephanie.lachaud@u-bordeaux-montai... ; corinne.marache chez u-bordeaux-montaigne.fr et Julien.Zurbach chez ens.psl.eu
Le colloque se déroulera à l’université Bordeaux Montaigne les jeudi 6 et vendredi 7 février 2025.
Page créée le mardi 16 juillet 2024, par Webmestre.