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Appel
Date limite de soumission : dimanche 1er juin 2025
Appel à collaborer à un ouvrage dirigé par Léopold Sédar EDONG, Enseignant-Chercheur en Histoire des Civilisations et Religions au Département d’Histoire et Archéologie de l’Université de Dschang (Cameroun) et Narcisse FOMEKONG DJEUGOU, Anthropologue et philologue, Institut des Mondes Africains (France).
Le concept patronyme découle du radical latin pater, qui signifie père, et du suffixe grec onoma, qui désigne le nom. Par déduction, ce terme fait référence au registre des noms hérités du père. Par extension, les patronymes africains représentent les noms hérités des lignées patriarcale et matriarcale, des familles alliées et de la collectivité. Ils constituent des legs culturels qui assurent l’identification individuelle ou communautaire des personnes au sein de la société. Les patronymes font partie intégrante du patrimoine culturel immatériel des peuples africains. Ils s’inscrivent dans le cadre généalogique, historico-géographique et religieux (Dauzat A., 1945).
Dans les civilisations africaines, la vie et la mort influencent souvent la formation des patronymes. La naissance des enfants est perçue par exemple, comme le retour d’un ancêtre (Zahan D., 1970). Toutefois, il faut préciser qu’en ce moment leur identité demeure encore incertaine. A ce sujet, les Bambara de l’Afrique de l’Ouest pensent que l’existence est précédée d’une « préexistence cosmique » (Hampaté Bâ A., 1972). Par conséquent, la naissance des nourrissons est considérée comme une preuve tangible du détachement et de la réincarnation d’une existence anonyme, en vue de l’accomplissement de sa mission sur terre. A cet égard, la dation du patronyme revêt une grande importance en Afrique (Hampaté Bâ A., 1972). Elle permet d’identifier et d’intégrer les nouveau-nés dans les couches sociales (Thomas L.V. & Luneau R., 1975). Lors de ce rituel, les anciens chargés de nommer les enfants s’efforcent à obtenir le patronage des forces spirituelles. Il va falloir attendre des jours, voire des semaines pour voir apparaître les signes d’identification (Journet-Diallo O., 2001). En d’autres termes, le rituel de dation investit les charges ontologiques aux patronymes (Foué Yogo A.M., 2015).
Les aînés de la lignée consultent des devins pour s’assurer des vertus du patronyme choisi. Ils se méfient du registre des noms qui, par le passé, n’ont pas apporté l’allégresse souhaitée à la collectivité. Entre temps, le doute plane sur le caractère humain des nouveau-nés et leur désir de vivre sur Terre. Quoi qu’il en soit, les patronymes attribués aux enfants, dont les procédés de dation varient selon la communauté, proviennent souvent de l’arbre généalogique. Ce choix est essentiel pour la préservation des liens entre la sphère invisible et le monde des vivants. Chez les Mossi de l’Afrique de l’Ouest par exemple, le rituel de dation du patronyme est considéré comme une prière au cours de laquelle les participants interpellent les divinités à veiller sur les nouveau-nés (Houis M., 1963). Au Cameroun, les Bassa pratiquent le Yaa Man, un rituel de dation. Il s’exécute quatre jours après la naissance d’une fille et cinq jours s’il s’agit d’un garçon (Foué Yogo A.M., 2015). Les Bassa n’attribuent pas des noms hasardeux aux nouveau-nés. Ils engagent le dialogue avec les forces ancestrales par le biais du ngambi, la mygale, afin de se rassurer les propriétés du patronyme répertorié (Mayi Matip T., 1983).
Ce rituel diffère de l’attribution des noms aux néophytes dans les cercles initiatiques. Les noms d’initiations établissent des liens de solidarité ou communion entre les novices, les sacras et les divinités (Mubesala L. B., 2006). Ils les plongent au cœur des connaissances profondes qui constituent des formes de lustrations et de ruptures avec le monde profane. Chez les Massa du Nord-Cameroun, les théonymes, noms de renaissance sont composés de l’ancien patronyme auquel les maitres-initiateurs y ajoutent un suffixe. Ces noms divins servent à commémorer ou rendre grâce aux divinités protectrices. La dénomination des théonymes visent aussi à imprimer les caractères et vertus de la divinité sur les novices pour les parer aux éventuels aléas de la vie (Tounsoucka Wantouang S., (2022). De cette façon, les patronymes intègrent les nouveau-nés et les néophytes dans l’espace-temps sociabilisé par le groupe.
La patronymie peut être considérée comme une source à l’historiographie africaine. Les noms des personnes, en tant que marqueurs des identités culturelles, mettent en relief les idéologies qui structurent les institutions politiques, sociales et religieuses locales. Chez les Kikuyu de l’Afrique de l’Est, « l’histoire de la communauté est retenue et transmise grâce aux noms donnés aux différents groupes d’âge » (Kenyatta J., 1967). Cette fonction mémorielle des patronymes est aussi reconnue chez les Bayangam de l’Ouest-Cameroun où, il existe un répertoire des noms liés à la guerre, au calendrier local etc. (Modjom Tchuenchié J., 2021). Ce qui revient à dire que les patronymes participent à la conservation de la mémoire et de la mémoire collective en Afrique. C’est dans cette optique que Fabre P. affirme que les noms propres désignent l’individu dans « son identité et sa continuité spatio-temporelle » (1987). De même, les patronymes sont des indices de sociabilité parce qu’ils célèbrent l’amitié et marquent l’ascension sociale. Certaines personnes en signe de reconnaissance n’hésitent pas à faire porter les noms de leurs amis à leur descendance. De ce fait, « les noms des personnes peuvent être des souvenirs à un ami, à un enseignant, à une figure marquante » (Tounsoucka Wantouang S., 2022). Cette marque d’affection renforce les liens de fraternité au sein des couches sociales.
Toutefois, l’intrusion des forces étrangères a transformé les références patronymiques en Afrique. La traite négrière, la colonisation et les missions religieuses ont dépersonnalisé le répertoire des noms des personnes en Afrique. La dénomination en contexte esclavagiste et colonial entérinée par le clergé marque l’emprise du « maître » sur les « indigènes » (Philippe C., 2008). Possoz E. relève que « Des noms mahométans et chrétiens tendent à faire perdre le souvenir de nombreux noms indigènes […] le sens si vivant des significations de l’onomastique africaine tend par ce fait à diminuer en vigueur » (1950). Le phénomène tend à s’accentuer avec les médias (Hatolong B. Z., 2016). Selon Tounsoucka Wantouang S., la conception actuelle des patronymes présage une tendance nouvelle qui s’accommode aux réalités influencées par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cela se manifeste par l’adoption des prénoms des héros des séries télévisées et stars qui font le buzz (Tounsoucka Wantouang S., 2022).
Dans un contexte international marqué par la redéfinition des identités culturelles, il est important de mener une réflexion transdisciplinaire sur les patronymes africains. Cet appel à ouvrage collectif ambitionne mettre en évidence la cosmologie, les protocoles de dations, les enjeux, les systèmes d’aliénations et les mécanismes de préservation des patronymes africains.
Axes de recherche
L’appel à contributions s’adresse aux chercheurs et aux gardiens des traditions africaines qui s’intéressent aux patronymes africains. Les propositions d’articles peuvent explorer, sans toutefois s’y limiter, les axes de réflexion suivants :
Axe 1 : Univers cosmologique ou mythique des patronymes africains
Les patronymes africains sont des forces centripètes des éléments de la nature qui permettent d’accéder au système culturel global. Cet axe est dédié à l’analyse des règnes (animal, végétal, minéral, humain etc.) qui concourent à la configuration des registres patronymiques dans les civilisations africaines. Les contributions peuvent aussi analyser la charge sémiotique des patronymes africains en insistant sur les liens ontologiques, astrologiques et cosmologiques entre le dénommé, les forces invisibles et les héros éponymes.
Axe 2 : Dations des patronymes dans les civilisations africaines
La dation des noms est l’un des attributs que l’homme exerce en nommant ou catégorisant les réalités environnementales. La dénomination est fondée sur le souci d’influencer la destinée des nouveau-nés ou des novices par des présages et vœux. Cet axe est dédié à l’analyse des rituels d’identification, d’acceptation ou de rejet des dénominations par les nouveau-nés. Les propositions peuvent également étudier les déterminants socio-anthropologiques et religieux de l’attribution et d’appellation des patronymes dans les aires culturelles africaines.
Axe 3 : Patronymes africains, identités culturelles et mémoire collective
Les patronymes sont également des sources de savoirs et de conservations des évènements sociaux. Ils sont riches de significations et renseignent sur les origines, les migrations, les conquêtes, les croyances des civilisations africaines. Ils établissent des liens étroits entre les faits sociaux, les circonstances de naissance, le registre et les modalités du choix des patronymes. Les noms situent les individus au cœur de l’espace géographique en rattachant aux forces chtoniennes. Ils sont considérés comme des bibliothèques qui mobilisent les faits dans la mémoire vivante. Les propositions de cet axe peuvent analyser l’apport des patronymes à l’historiographie africaine. Les contributeurs peuvent également appréhender la corrélation entre les patronymes africains et la mémoire collective ou ressortir la contribution des patronymes africains à l’enrichissement du patrimoine anthroponymique humanitaire.
Axe 4 : Procédés d’aliénations et de dépersonnalisation des patronymes africains
L’islamisation et la christianisation des communautés africaines avaient pour ambition la dévalorisation des dénominations endogènes par des prénoms coraniques et bibliques. Ceux-ci bénéficient d’une préséance au détriment des noms identitaires. L’administration coloniale française pour sa part, a imposé un registre des noms dans ses colonies. Elle les inscrivait sur les actes de naissance sans se soucier de l’avis des parents. Ce système anthroponymique a également obligé les femmes à porter des patronymes de leur conjoint. Cet axe étudie les agents de dépersonnalisation, le caractère syncrétique et hybride des patronymes africains. Les contributeurs peuvent aussi analyser leur implication sur l’identité culturelle et les structures sociales locales.
Axe 5 : Brassages, décloisonnement et remédiation des patronymes africains
Les sociétés africaines sont animées par le brassage interculturel. Les mariages exogamiques et l’homonymie ont conduit au partage des patronymes. L’identification ethnique à partir des patronymes n’est pas toujours une donnée fiable. Allant dans ce sens, Warayanssa Mawoune affirme : « Les noms que revêtent les individus ne traduisent plus forcément leur appartenance à leur groupe ethnique. Dès lors, le marquage et les frontières ethniques que ces patronymes entretenaient jadis deviennent non pertinentes » (2020). Les contributions de cet axe peuvent analyser les tensions d’attribution des patronymes dans les foyers exogamiques ; les enjeux des patronymes dans la redistribution du pouvoir politique ; la contribution de l’homonymie à l’apaisement des tensions sociales ; les actions à promouvoir pour la préservation et la sauvegarde des patronymes africains face à la mondialisation etc.
Modalités de soumission
Les propositions en français, en anglais ou en espagnol doivent être envoyées, simultanément à patronymesafricains chez gmail.com, nar6djeugou chez yahoo.com, leopoldsedaredong chez gmail.com au plus tard le 1er juin 2025}
Calendrier
1er mars 2025 : Lancement de l’appel et réception des résumés.
1er Juin 2024 : Date limite de réception des propositions
A partir du 1er juillet 2025 : notification aux auteurs retenus. -1er novembre 2025 : Date limite de réception des articles complets -1er janvier 2026 : évaluation et suggestion de corrections.
1er mars 2026 : Date limite de réception des articles définitifs après intégration des recommandations des experts.
1er juillet 2026 : envoi en édition
Septembre 2026 : parution de l’ouvrage
Page créée le mercredi 12 mars 2025, par Webmestre.