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Appel
Date limite de soumission : lundi 5 décembre 2022
Les deux dernières décennies ont vu une augmentation de la production de littératures théoriques sur les femmes esclavisées, affranchies, et libres dans les sociétés esclavagistes du monde atlantique à l’époque moderne. Plus récemment, les chercheur·es ont également commencé à examiner la féminité et la masculinité, l’expression de genre non-binaire, les sexualités non-normatives et la famille comme des fenêtres à travers lesquelles comprendre la création et le maintien de ces sociétés. Ce numéro thématique de la revue Esclavages & Post Esclavages a pour objectif de capitaliser sur ce travail afin de le prolonger, en se focalisant sur le genre comme cadre et catégorie d’analyse dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes au-delà du monde atlantique et/ou en comparaison avec celles du monde atlantique. Nous cherchons à comprendre l’influence des études atlantiques sur celles consacrées à l’esclavage dans le reste du monde, en tenant compte de ce qui différencie chacun des contextes esclavagistes étudiés.
Éditeurs scientifiques : Sarah J. Zimmerman, Associate Professor of History, Western Washington University et Nathan Marvin, Assistant Professor of History, University of Arkansas at Little Rock
Ce numéro cherche à utiliser le genre comme catégorie d’analyse afin de comparer et de contraster les histoires globales de l’esclavage et leurs héritages. Les deux dernières décennies ont vu une augmentation de la production de littératures théoriques concernant les femmes esclavisées, affranchies et libres dans les sociétés esclavagistes du monde atlantique. Plus récemment, les chercheur·euses ont également commencé à examiner la féminité et la masculinité y compris les violences sexuelles contre les hommes et les garçons esclavisés (Vainfas 2014, Aidoo 2018, Foster 2019), l’expression de genre non-binaire (Snorton 2017), les sexualités non-normatives et la famille comme des fenêtres à travers lesquelles comprendre la création et le maintien de ces sociétés.
Dans ce numéro spécial, les coordinateur·rices cherchent à capitaliser et à prolonger ce travail en s’intéressant au genre, comme cadre et catégorie d’analyse, dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes, au-delà et/ou en comparaison avec les contextes du « monde atlantique ». L’objectif est de « raconter des histoires différenciées de l’esclavage, tout en maintenant une attention continue à l’hégémonie épistémologique du modèle atlantique » (Arondekar 2016 : 153). Nous donnons la priorité au genre afin de mieux comprendre les conventions qui définissent le statut de personne et façonnent la sexualité et la famille dans les sociétés esclavagistes et post-esclavagistes. Le genre est un élément central, voire nécessaire, pour une compréhension globale de ces dynamiques historiques et de leurs héritages. Cependant, comme le note Judith Butler, « le genre n’est pas toujours constitué de manière cohérente ou consistante dans différents contextes historiques » (Butler 1990 : 6). Ce numéro vise à attirer l’attention sur les contingences et les facteurs contextuels qui ont construit les normes, les identités et l’expérience vécue du genre (y compris de la famille et de la sexualité) dans les sociétés esclavagistes à l’échelle mondiale. Les coordinateur·rices de ce numéro attendent les articles de recherche, des biographies, des essais de revue, des essais méthodologiques et des évaluations d’archives et de sources.
Le genre a émergé comme catégorie critique d’analyse à l’intersection du poststructuralisme, du postmodernisme et de la troisième vague féministe influencée par des féministes noir.es, queers et international.es. Ces (re)cadrages théoriques ont attiré l’attention sur l’hégémonie du patriarcat, du capitalisme et de la suprématie blanche dans la production de sujets sexués. Le genre en est venu à être compris comme « un champ primaire au sein duquel ou au moyen duquel le pouvoir s’articule » (Scott 1988 : 45). Les chercheur·es ont également attiré l’attention sur l’intersectionnalité (Crenshaw 1989) et ont critiqué l’« universalisme ethnocentrique » dans la production de l’idée de la « femme du Tiers-Monde » et les hypothèses sur les relations de genre en dehors de « l’Occident » (Mohanty 1988). Oyèrónkẹ Oyèwùmía fait écho à la critique de Mohanty en faveur du découplage du genre et de la biologie afin de mieux faire comprendre comment les forces de l’universalisme, facilitées par le colonialisme et la mondialisation, ont tenté de rendre les binarités de sexe et de genre uniformes et « naturelles ». Depuis plusieurs années, les chercheur·es ont consacré une nouvelle énergie pour dénaturaliser et dissocier le genre de son « association européenne moderne unidimensionnelle avec la différence sexuelle binaire » (Sinha 2012 : 358). Mettre l’accent sur le genre comme une vaste catégorie d’analyse nous permet de reconsidérer l’histoire de la sexualité, de dénaturaliser « les hypothèses sous-jacentes sur l’universalité de la division hétéro/homo » (Mitra 2020 : 8), et d’ouvrir de nouvelles voies pour rendre compte à la fois du genre non-binaire et des sexualités dites « déviantes » et « divergentes » dans l’histoire de l’esclavage dans des contextes comparatifs et mondiaux.
L’esclavage a existé sous une multitude de formes de l’Antiquité à nos jours et sur pratiquement tous les continents. La traite transatlantique et ses héritages ont longtemps dominé la recherche sur l’esclavage. Cet ensemble de travaux a élargi les débats historiographiques et a produit des cadres multidisciplinaires et intersectionnels à travers lesquels historiser les sociétés esclavagistes et mieux comprendre l’identité, le statut de personne et la sexualité. Dans les études atlantiques, le genre est devenu un axe crucial pour examiner l’esclavage en relation avec la théorie juridique, le libéralisme, la jurisprudence, les pratiques religieuses et l’économie politique, entre autres champs. Les chercheur·es ont mobilisé et complexifié ces prémisses pour décrire comment les propriétaires d’esclaves et les personnes qu’ils asservissaient ont contesté les termes et la manifestation de la domination genrée (Morgan 2004, Jones-Rogers 2019). Dans les études sur les sociétés esclavagistes, les chercheur·es utilisent l’analyse de genre pour déconstruire les études sur le travail, sur la reproduction biologique, sur la parenté, sur l’hétéronormativité, sur l’autorité religieuse, sur l’intimité, sur la violence, etc. (Aidoo 2018, Vidal 2019, Johnson 2020, Morgan 2021). La production de la connaissance historique, l’assemblage des archives et ses silences inhérents révèlent le fonctionnement de l’autorité genrée et du pouvoir discursif dans les sociétés esclavagistes (Fuentes 2016, White 2019). Le prisme du genre et de la sexualité a fourni de nouvelles possibilités pour comprendre le monde en train de se construire et d’imaginer l’avenir des populations esclaves et anciennement esclavisées (Peabody 2017, Semley 2017, Félix & Larcher 2018). L’historiographie sur le genre et l’esclavage en dehors du contexte du « monde atlantique » se développe (Chatterjee 1999, Zilfi 2010, Jones 2011, Hua 2014, Gordon & Hain 2017, Argit 2020, Herzog 2021) et de nouvelles synthèses portant sur l’histoire mondiale de l’esclavage depuis l’Antiquité ont insisté sur le rôle central du genre dans tous ces contextes (Rossi 2021, Perry et al 2021).
Les contributeurs peuvent envisager de travailler autour des sujets suivants :
Les théorisations de l’intersection dynamique du genre et de l’esclavage, ainsi que des essais historiographiques sur des sujets liés.
La production de la connaissance épistémique, autour de l’esclavage et du genre, dans et au-delà des archives.
L’analyse méthodologique des sources, qui incluent les sources écrites, les bases de données numériques, les traditions orales, l’archéologie, la production matérielle, etc.
Se concentrer sur les expériences historiques des esclaves, des ancien.nes esclaves et leurs descendant.es, avec une analyse intersectionnelle.
L’analyse des normes genrées, des rôles genrés, de la sexualité au sein des sociétés esclavagistes et post-esclavagistes.
Le genre en relation avec la reproduction biologique ou sociale dans les sociétés esclavagistes.
Les analyses de l’organisation genrée dans les sociétés esclavagistes qui se sont co-constituées par les processus violents du colonialisme, de l’impérialisme, du militarisme, de l’immigration, du génocide, de la dégradation de l’environnement, etc.
Aborder les héritages genrées de l’esclavage chez les peuples émancipés ou dans les sociétés post-émancipatrices.
Examiner la manière genrée dont les acteurs locaux, nationaux et internationaux produisent des histoires publiques et des mémoires collectives concernant l’esclavage.
Utiliser l’analyse genrée pour s’engager dans des exemples comparatifs d’esclavage à travers des chronologies et des géographies.
Modalités de soumission : Les résumés d’articles (entre 500 et 800 mots) sont à envoyer à ciresc.redaction chez cnrs.fr avant le 05 décembre 2022.
Les propositions d’articles (45 000 signes maximum, espaces compris, bibliographie incluse) devront être soumises en français, en anglais, en espagnol ou en portugais, avant le 28 février 2023 impérativement. Elles seront accompagnées d’une synthèse de 3 600 signes maximum espaces comprises. La liste complète des recommandations aux auteur·trices est disponible ici.
Comité éditorial
Le comité éditorial constitue la cheville ouvrière de la revue : composé de spécialistes français et étrangers, il est le garant de la qualité scientifique et de la ligne éditoriale de la publication. Il se réunit trois fois par an (et jusqu’à deux fois par mois dans le cadre de la fondation de la revue), examinant et statuant sur les propositions de dossiers thématiques, assurant une première évaluation des textes proposés, effectuant une veille sur les parutions récentes dans le domaine. Il décide ou non de la publication des articles soumis, fonction des avis d’expertise scientifique et technique. Des ordres du jour sont diffusés en amont des réunions, afin de permettre à chacun de faire part de ses remarques. Les décisions prises lors des réunions du comité sont souveraines. Des comptes rendus validés viennent en acter la teneur.
António de Almeida Mendes (université de Nantes, CRHIA, France)
Cédric Audebert (Centre national de la recherche scientifique, LC2S, France)
Dimitri Béchacq (Centre national de la recherche scientifique, LC2S, France)
Klara Boyer-Rossol (École pratique des hautes études, France)
Audrey Celestine (université de Lille, CERAPS, France)
Gaetano Ciarcia (Centre national de la recherche scientifique, IMAF, France)
Elisabeth Cunin (Institut de recherche pour le Développement, URMIS, France)
Ary Gordien (Centre national de la recherche scientifique, LARCA, France)
Martha Jones (Johns Hopkins University, Département d’histoire, États-Unis)
Jean-Pierre Le Glaunec (université de Sherbrooke, Département d’histoire, Canada)
Beatriz Mamigonian (université fédérale de Santa Catarina, Département d’histoire, Brésil)
Nicolas Martin-Breteau (université de Lille, CECILLE, France)
Hebe Mattos (université fédérale de Juiz de Fora / université fédérale Fluminense, LABHOI, Brésil)
Sakiko Nakao (Kyoto Seika University, Department of Global Studies, Faculty of Global Culture, Japon)
Lotte Pelckmans (SAXO-Institute - Archaeology, Ethnology, Greek & Latin, History, Danemark)
Dominique Rogers (université des Antilles, AIHP, France)
Romy Sanchez (Centre national de la recherche scientifique, IRHIS, France)
Anna Seiderer (université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, AIAC, France)
Alessandro Stanziani (Centre national de la recherche scientifique, France / École des hautes études en sciences sociales, CRH, France)
Ibrahima Thioub (université Cheikh Anta Diop de Dakar, CARTE, Sénégal)
Elvan Zabunian (université Rennes 2, Département d’histoire de l’art et d’archéologie, France)
Comité scientifique international
Le comité scientifique international regroupe des spécialistes de renom. Il est en particulier sollicité pour des évaluations et relectures de textes.
Ana Lucia Araujo (université d’Howard, États-Unis)
Mads Anders Baggesgaard (université d’Aarhus, Danemark)
Gwyn Campbell (McGill University, Canada)
Marina Candido (University of Notre-Dame, États-Unis)
Catherine Coquery-Vidrovitch (université Paris Diderot, France)
Madeleine Dobie (Columbia University, États-Unis)
Laurent Dubois (Duke University, États-Unis)
Roquinaldo Ferreira (Brown University, États-Unis)
Alejandro de la Fuente (Harvard University, États-Unis)
Chouki El Hamed (University of Arizona, États-Unis)
Aline Helg (université de Genève, Suisse)
Paulin j. Hountondji (université d’Abomey-Calavi, Bénin)
Martin Klein (University of Toronto, Canada)
Jane Landers (Vanderbilt University, États-Unis)
Paul Lovejoy (York University, Canada)
Joel Quirk (université de Witwatersrand, Afrique du Sud)
Benedetta Rossi (University of Birmingham, Royaume-Uni)
Dale Tomich (University of Binghamton, États-Unis)
Michael Zeuske (université de Leipzig, Allemagne)
Références
Aidoo, Lamonte, 2018. Sex, Power, and Violence in Brazilian History, Durham, Duke University Press.
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Page créée le vendredi 28 octobre 2022, par Webmestre.