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« Identifier, administrer, protéger en contexte diasporique (époques moderne et contemporaine) »

Webinaire du réseau « La fabrique consulaire »

Depuis 2018, une directive du Conseil européen prévoit que tout citoyen de l’Union européenne puisse, dans un pays hors de l’UE où son propre pays n’entretient pas de représentation diplomatique, recourir à la protection consulaire de n’importe quel autre État membre de l’UE. Le recours à la protection consulaire d’un État tiers est en fait très ancien : au XVIe siècle, le roi de France entend par exemple placer sous sa protection non seulement ses propres sujets, mais aussi l’ensemble des chrétiens latins établis dans l’Empire ottoman. Au cours des siècles suivants, de nombreux traités bipartites prévoient, sous des conditions spécifiques, l’extension de la protection d’un État sur les ressortissants d’un autre.

La protection consulaire est un dispositif juridique qui permet à un État d’exercer une forme de souveraineté sur des populations résidant dans un autre État. Généralement fondée sur des traités ou accords entre les deux États concernés, elle prend des contours et des modalités extrêmement variés : si aujourd’hui elle est strictement limitée par l’égalité théorique entre les États dans le cadre du système international fondé en 1945, elle a pu, au XIXe siècle notamment, se traduire par des empiètements d’ordre quasi-colonial sur la souveraineté des pays d’accueil. Le régime capitulaire, que ce soit dans l’Empire ottoman, en Chine ou en Égypte, constitue à cet égard un terrain d’observation fécond, dont l’historiographie n’a pas épuisé toutes les potentialités.

La question de la protection consulaire est étroitement liée à celle de la juridiction que les consuls exercent sur des catégories de population qui ont pu varier au fil du temps et selon les territoires. Les prérogatives dont disposent les consuls sont fonction de l’étendue des pouvoirs juridictionnels qui leur sont reconnus, ou qu’ils s’arrogent ; elles conditionnent les modalités pratiques de la protection qui est accordée aux ressortissants de telle ou telle puissance. Faire l’histoire de la protection consulaire suppose donc d’être attentif aux logiques d’extension et de restriction de la juridiction des consuls – logiques négociées avec les autorités des pays d’accueil, mais également avec celles des pays émissaires, parfois soucieuses de renforcer leur contrôle sur leurs propres agents postés à l’étranger.

Pour les États qui souhaitent étendre leur protection sur de nouvelles catégories de population, il s’agit, d’une part, d’identifier les individus qui, au nom de critères juridiques, socio-économiques ou confessionnels, tombent sous la juridiction de leurs consuls à l’étranger, et, d’autre part, de mettre en œuvre les pratiques d’administration qui rendent cette protection efficiente – si possible à moindre coût. Pour les États qui accueillent les ressortissants d’autres puissances, la juridiction des consuls étrangers apparaît parfois comme une menace, ou tout du moins comme un empiètement sur les juridictions locales : il peut alors être souhaitable de réduire le champ de leurs prérogatives. Les procédures d’identification et les mesures d’administration déployées par les consulats sont alors au cœur de négociations qui, loin de se cantonner aux seuls pourparlers diplomatiques, rendent possible l’exercice quotidien de la protection consulaire.

Parallèlement, l’exercice de la protection consulaire peut se heurter au refus des « protégés » de se soumettre à la juridiction du consulat dont ils relèvent, par exemple en matière matrimoniale, successorale ou militaire. Se trouve alors posée la question de l’affiliation consulaire (ou du refus d’affiliation), dont le contre-point est l’abandon relatif ou total dans lequel certains États laissent, de manière circonstancielle ou permanente, certaines catégories de ressortissants établis à l’étranger, parfois au mépris des demandes de protection qui leur sont adressées. D’autres configurations impliquent des groupes qui, par leur surface économique et sociale, suscitent des offres de protection de la part des consuls de plusieurs puissances simultanément (c’est par exemple le cas des négociants sépharades en Méditerranée orientale au XVIIIe siècle) : la mise en concurrence de ces offres met alors les protégés en capacité de discuter eux-mêmes, et au mieux de leurs intérêts, les termes de la protection sous laquelle ils acceptent de se ranger, non sans rappeler régulièrement la possibilité d’un basculement d’allégeance qui viendrait rebattre sur le terrain des équilibres et des rapports de force qui se déclinent à toutes les échelles, du « macro » au « micro ».


Page créée le jeudi 30 janvier 2025, par Webmestre.


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