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Appel
Date limite de soumission : dimanche 13 mars 2022
Ce panel envisage d’explorer l’origine et l’articulation des mouvements politiques ayant agi dans les espaces du Sahara-Sahel. L’objectif est de se focaliser sur des épisodes ou des événements concrets ayant eu lieu au cours des trois derniers siècles, qui sont manifestement les signes d’une mobilisation collective, et qui pour cette raison même, permettent d’en faire ressortir la force. Par mobilisation collective ou populaire, on entend ici un processus politique relativement organisé dans le but de défier le pouvoir (tribal, régional, colonial, postcolonial) et qui, à certains moments, s’articule par une appropriation de l’espace audacieuse, voire pour la remise en question des configurations que les administrations centrales (précoloniales, coloniales et postcoloniales) essayaient d’imposer. Ce processus d’appropriation de l’espace, éventuellement prolongé dans le temps, constitue, d’une certaine manière, le prétexte analytique commun qui devrait donner une cohérence aux contributions du panel : sit-in, concentrations, manifestations, insurrections etc. Ce sont précisément ces épisodes éclatants, souvent dramatiques, de transgression, d’appropriation spatiale qui constituent la pointe de l’iceberg amenant à analyser les forces sociales qui les encouragent, les justifient et leur donnent un sens. La proposition d’un panel sur les mobilisations politiques dans la région du Sahara-Sahel paraît être importante aussi pour les représentations dont ces espaces et leurs populations ont été l’objet dans le temps.
Vaste espace traversé par des souverainetés multiples et diffuses, le Sahara-Sahel a été représenté à maintes reprises comme une sorte de terra nullius, habité par des peuples rudimentaires incapables de gouverner leur propre destin ; un espace libre, en somme, pour les initiatives impériales européennes des siècles 19e, 20e et, dans une forme différente, pour le control indirect des politiques et des économies des Etats indépendants de la région au 21e siècle. Cette représentation, teintée d’orientalisme (Said, 1978), néglige le fait que, malgré le partage d’une géographie commune, liée aux écosystèmes désertiques et pré- désertiques (du sud des pays du Maghreb et de l’Égypte jusqu’aux frontières de l’Afrique centrale), la variété des territoires et des peuples qui composent le Sahara-Sahel mérite d’être soulignée. Les peuples qui habitent cette région ont, il est vrai, certains traits communs, dont certains sont déterminés par la géographie, comme un mode de vie basé sur le nomadisme pastoral et le commerce de longue distance, dans lequel le chameau (en fait, le dromadaire) est la denrée essentielle. D’autres, en revanche, ont été imposées par l’histoire, comme l’adhésion indéfectible de la plupart de ces populations à la religion et à la culture musulmanes. Mais il s’agit de sociétés différentes entre elles, socialement et politiquement composées et structurées d’après des paramètres qui ne correspondent pas forcément à ceux de l’Etat-nation ou des sociétés civiles européennes et que missionnaires, explorateurs et colonisateurs européens ne voulurent pas reconnaitre. Ils mirent en exergue le caractère anarchique, quasi barbare de populations qu’ils représentèrent comme anhistoriques et qu’ils se devaient de « civiliser ». Cette vision coloniale arrive jusqu’à aujourd’hui, reproduite dans la presse et dans les médias occidentaux qui feignent leur stupeur quand des mouvements politiques d’envergure se présentent en toute évidence, cassant la doxa de l’infériorisation tout simplement parce qu’ils agissent sur un terrain que l’on imagine uniquement à l’apanage des sociétés civiles occidentales contemporaines.
Le but ultime de ce panel est justement de rompre, une fois de plus, cette narration emplie de colonialité (Lander, 2003) et de proposer au public de SeSaMO différents mouvements politiques de cet espace dans leur organisation, leur modalité d’action propre, leur morphologie, leur capacité d’impact sur les sociétés dont ils émanent.
Les propositions de contributions, en français ou italien ou anglais ne devront pas dépasser les 1000 mots et devront être adressées avant le 13 mars 2022 à francesco.correale chez cnrs.fr
Seront privilégiées les propositions ayant comme objet :
Les cycles de mobilisations, déterminés par une reproduction des facteurs déchainant dans le temps ;
Les analyses provenant de l’intérieur des groupes mobilisés, que ce soit par le recueil de témoignages oraux ou par une lecture transversale des archives locales et européennes ;
Les mobilisations portées par des secteurs de la société, traditionnellement marginalisés, ou dont l’action est restée jusqu’aujourd’hui occultée ou sous-estimée (femmes, anciens esclaves, migrant.es au sein des espaces saharo-sahéliens, etc.) ;
Les mobilisations déterminées par les phénomènes d’adaptation des Etats saharo-sahélien à l’économie capitaliste : sédentarisations des nomades, prolétarisations des couches sociales, marginalisations des secteurs sociaux autrefois actifs, etc.
Les mobilisations présentant un caractère éminemment religieux, que ce soit à cause d’une plus grande visibilité dans les sociétés d’origines ou, tout court, pour un renversement des équilibres sociaux.
Francesco Correale est historien au CNRS, à l’UMR 7324 CITERES de Tours. Après sa laurea à l’Istituto Univ. Orientale de Naples (1994), il a obtenu un doctorat en histoire à l’Univ. de Provence Aix-Marseille I (2003). Il a travaillé particulièrement sur la relation coloniale et l’histoire de cette période au Maroc et au Sahara Occidental. Auteurs de nombreux articles et chapitres d’ouvrages internationaux, il a publié en 2014 sa monographie « La Grande Guerre des Trafiquants. Le front colonial de l’Occident Maghrébin ». Entre 2017 et 2020 il a travaillé avec A. López Bargados à la réalisation d’un film documentaire sur la guerre d’Ifni-Sahara (1956-1958) : « Rashōmon au Sahara » et, avec le même ami et collègue, a dirigé un ouvrage collectif sur les mouvements politiques dans l’Ouest Saharien.
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