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Appel
Date limite de soumission : samedi 1er juin 2024
Ce numéro de la revue Esclavages et Post-Esclavages sera dirigé par Sakiko Nakao (Université Chuo).
L’origine de la diaspora africaine résulte de la déportation massive des personnes captives depuis le continent africain vers les Amériques et des territoires de l’océan Indien et d’Asie. Ce mouvement de migration forcée est accompagné d’un processus de racialisation de ces personnes mises en esclavages (Cottias, 2007). Ainsi certaines caractéristiques physiques et culturelles supposément communes à celles-ci sont-elles systématiquement associées à leur ascendance « africaine » et à leur condition subalterne. Envisagé comme un mouvement de résistance antiraciste, le panafricanisme qui renverse le stigmate est sous-tendu par des liens de solidarité raciale. Élément structurant des sociétés post-esclavagistes y compris sur le continent africain, la blackness et l’africanité se développent alors de façon interdépendante (Pierre, 2013). Au fil du temps, certaines luttes panafricaines ont tenté de transcender les appartenances racialisées pour envisager une solidarité transnationale anticoloniale et anti-néo-coloniale, tandis que d’autres soulignent davantage une solidarité culturaliste et ravivent son fondement racial (Apter, 2016). Comment les différents acteurs politiques et culturels du panafricanisme se sont-ils positionnés de manière explicite ou implicite vis-à-vis de l’histoire de racialisation ?
Ce numéro propose d’étudier les répercussions de la matrice transatlantique de la race sur les sociétés post-esclavagistes. Une attention particulière sera accordée aux sociétés sur le continent africain car les logiques raciales opérant au sein de celles-ci ont peu été étudiées. Nous entendons les logiques raciales comme une idée partagée selon laquelle les supposées différences physiques et culturelles entre les groupes se transmettent de façon héréditaire d’une génération à une autre (Takezawa, 2005). Si ces logiques ont pu exister dans de très nombreuses sociétés avant l’invention européenne du « racisme scientifique », les structures sociales, politiques et économiques qui exploitent ces différences se sont transformées à l’introduction de celui-ci et ont été intégrées aux processus globaux de racialisation (Takezawa & Schaub, 2022 ; Clarke & Thomas, 2006 ; Pierre, 2013). Nous questionnerons les modalités selon lesquelles les logiques raciales sont mobilisées au sein des mouvements panafricains du xixe au xxie siècle. Quels sont les impacts qui en résultent sur la vision de l’« Afrique » comme communauté d’appartenance ainsi que sur le processus d’identification et l’auto-identification de l’Être africain ?
Il s’agira d’étudier les circulations et les transformations de la pensée raciale au sein des communautés africaines du continent et de la diaspora, les forces et les limites de leur mobilisation au sein du mouvement panafricain. La mobilisation politique des idéologies raciales peut être un outil de résistance mais aussi générer des conflits internes aux sociétés africaines ou entre celles-ci. Y a-t-il une convergence dans les stratégies de résistance antiraciste et/ou panafricaine adoptées dans les différentes sociétés post-esclavagistes ? Ou, au contraire, les diverses interprétations des concepts culturels et politiques chromatiques tels que la négritude et la blackness ont-elles été sources de divergences au sein du panafricanisme ? Comment cette affinité ou divergence a-t-elle été instrumentalisée par les pouvoirs politiques nationaux et internationaux (Apter, 2016 ; Pierre, 2013) ?
Les contributions peuvent porter entre autres sur les thèmes suivants :
La dimension symbolique des traites et esclavages au sein des mouvements panafricains depuis leur origine jusqu’à aujourd’hui.
Les politiques de mémoire des traites et esclavages menées par les gouvernements africains et/ou les instances internationales (OAU, UNESCO, etc.) et leurs impacts sur les conceptions racialisées d’appartenance des Africains du continent et de la diaspora.
La question de la citoyenneté et de la nationalité des personnes issues de la communauté diasporique.
Les manifestations culturelles panafricanistes (FESMAN à Dakar, 1966 et 2010 ; PANAF à Alger 1969 ; FESTAC à Lagos, 1977 ; FESPACO à Ouagadougou depuis 1969 ; PANAFEST au Ghana depuis 1992, etc.).
Les discours et les pratiques sociales, culturelles et politiques au sein des sociétés africaines ou de la diaspora mobilisant les logiques raciales.
La place des logiques raciales dans les discours et les pratiques définissant les relations sociales notamment autour des statuts sociaux liés à l’esclavage au sein des sociétés africaines.
Les militantismes et l’afrocentrisme plaçant l’identification lignagère de la communauté africaine au centre de leur idéologie.
Les contributions portant sur les régions souvent mises en marge des discours panafricanistes, telles que l’Afrique du Nord, l’océan Indien, ou la diaspora africaine de l’Asie sont les bienvenues. Enfin, une attention particulière pourra être accordée aux études des contre-discours aux identifications chromatiques de l’Afrique comme les concepts de la créolité ou de l’afropolitanisme.
Les propositions d’articles (entre 500 et 800 mots) sont à envoyer à ciresc.redaction chez cnrs.fr pour le 1er juin 2024.
L’avis sera rendu le 1er juillet 2024.
Les papiers acceptés (45 000 signes maximum, espaces comprises, bibliographie incluse) devront être soumis en français, en anglais, en espagnol ou en portugais, avant le 1er novembre 2024 impérativement. Ils seront accompagnés d’une synthèse de 3 600 signes maximum espaces comprises. La liste complète des recommandations aux auteur·trices est disponible ici.
Les versions définitives devront être prêtes pour le 1er juillet 2025.
Références sélectives
Apter Andrew, 2016. « Beyond Négritude : Black Cultural Citizenship and the Arab Question in FESTAC 77 », Journal of African Cultural Studies, n° 28/3, p. 313-326.
Clarke Kamari Maxine & Deborah A. Thomas (dir.), 2006. Globalization and Race : Transformations in the Cultural Production of Blackness, Durham, Duke University Press.
Cottias Myriam, 2007. La Question noire. Histoire d’une construction coloniale, Paris, Bayard.
Diagne Souleymane Bachir, 2001. « Africanity as an Open Question », dans Souleymane Bachir Diagne, Amina Mama, Henning Melber & Francis B. Nyamnjoh (dir.), Identity and Beyond : Rethinking Africanity, Uppsala, Nordiska Afrikainstitutet, p. 19-24.
Glissant Édouard, 1990. Poétique de la Relation, Paris, Gallimard.
Mbembe Achille, 2006. « Afropolitanisme », Africultures, no 66/1, p. 9-15.
Pierre Jemima, 2013. The Predicament of Blackness : Postcolonial Ghana and the Politics of Race, Chicago/Londres, The University of Chicago Press.
Takezawa Yasuko, 2005. Jinshu gainen no fuhensei wo tou (La race est-elle une idée universelle ?), Kyoto, Jimbun Shoin.
Takezawa Yasuko & Jean-Frédéric Schaub (dir.), 2022. Jinshushugi to Han jinshushugi : Ekkyo to Tenkan (Racisme et antiracisme : circulations et métamorphoses), Kyoto, Kyoto University Press.
Thioub Ibrahima, 2012. Stigmates et mémoires de l’esclavage en Afrique de l’Ouest : le sang et la couleur de peau comme lignes de fracture, FMSH-WP-2012-23. Disponible en ligne : https://shs.hal.science/halshs-00743503 [dernier accès, décembre 2023].
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