STRATEGIE COLONIALE ET ORGANISATION DE LA JUSTICE SOUS LA IIIeme REPUBLIQUE

 
LES TEXTES DE LA STRATEGIE COLONIALE EN MATIERE D'ORGANISATION JUDICIAIRE

AUTEURS DES TEXTES POUR CHACUNE DES COLONIES

  • · Tant sur le première période que sur la deuxième, le gouverneur général joue un rôle majeur en Asie mais cette tendance s’inverse nettement au profit du Président de la république dans le troisième échantillon (1927-1939). Pour l’Indochine, le Gouverneur général garde, toutefois, une pouvoir normatif local.
  • · En Afrique, Le Gouverneur général a un rôle prépondérant sur la première période, le Président de la République et le gouverneur agissent à parts égales dans le deuxième échantillon (1914 – 1926). De 1927 à 1939, les deux tiers des décisions en matière de justice sont prises, en A-O-F, par le Président. Au Sénégal, le pouvoir est partagé et en   A-E-F, le Gouverneur reste encore faiblement majoritaire.
  • · A Madagascar, le Gouverneur a un rôle majeur dans le domaine judiciaire sur les deux premières périodes étudiées, mais de 1927 à 1939, on peut relever une inversion de la tendance puisque 71% des règles sont alors prises par décrets.
  • L'enquête vise ici à observer le rôle de chaque institution suivant les régions et les colonies. Les tableaux suivants, s'ils paraissent un peu arides démontrent l'intérêt porté par chaque institution aux différentes colonies.
     
    Colonies et institutions de 1897 à 1913
    Président Assemblée Ministre Gouv. Gén Gouv Lieut. gouv Résident Comiss. gén Proc.gén
    A-O-F 35,0% 2,5% 2,5% 60,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Sénégal 51,4% 0,0% 8,1% 35,1% 0,0% 5,4% 0,0% 0,0% 0,0%
    A-E-F 26,3% 0,0% 5,3% 63,2% 0,0% 0,0% 0,0% 5,3% 0,0%
    Congo 30,8% 0,0% 7,7% 3,8% 0,0% 0,0% 0,0% 57,7% 0,0%
    Indochine 31,3% 2,1% 0,0% 63,5% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 3,1%
    Annam 52,6% 0,0% 0,0% 47,4% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Cambodge 36,4% 0,0% 0,0% 63,6% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Cochinchine 59,1% 4,5% 0,0% 36,4% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Tonkin 53,6% 0,0% 0,0% 39,3% 0,0% 0,0% 3,6% 0,0% 0,0%
    Laos 22,2% 0,0% 0,0% 66,7% 0,0% 0,0% 11,1% 0,0% 0,0%
    Quan-Ouen 0,0% 0,0% 0,0% 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Mayotte 75,0% 0,0% 25,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Madagascar 38,9% 2,1% 0,0% 57,9% 0,0% 0,0% 1,1% 0,0% 0,0%
    Réunion 63,2% 26,3% 5,3% 5,3% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Somalis 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Inde 87,5% 12,5% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Guadeloupe 64,3% 28,6% 7,1% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Guyane 86,4% 4,5% 4,5% 4,5% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Martinique 71,0% 25,8% 3,2% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    St.Pierre 80,0% 10,0% 0,0% 0,0% 10,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Océanie 85,7% 7,1% 0,0% 0,0% 7,1% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    N-Calédonie 59,4% 3,1% 0,0% 0,0% 34,4% 0,0% 0,0% 0,0% 3,1%

    En A-O-Fet en A-E-F,  c’est le Gouverneur général qui est la principale source normative avec respectivement 60% et 63,2% des textes à son actif. Pour l’Indochine, également, c’est le Gouverneur général qui oriente la stratégie coloniale en matière de justice (63,5% des textes). Pour le Cambodge, le Laos et Madagascar également, le rôle du Gouverneur est prépondérant.

    Pour toutes les autres colonies, le Président exerce les prérogatives de son domaine réservé et prend une part majoritaire dans la création des normes.

    Les gouverneurs exercent faiblement leur capacité normative à Saint-Pierre et Miquelon, en Océanie et en Nouvelle-Calédonie.
     
     
     
    Colonies et institutions de 1914 à 1926
    Président Assemblée Ministre Gouv. Gén Gouv Lieut. gouv Résident Comiss. gén Proc.gén
    A-O-F 52,3% 0,0% 0,0% 47,7% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Sénégal 42,9% 0,0% 0,0% 42,9% 0,0% 14,3% 0,0% 0,0% 0,0%
    A-E-F 38,7% 0,0% 0,0% 61,3% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Congo 18,2% 0,0% 0,0% 81,8% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Indochine 44,3% 0,0% 0,0% 55,7% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Annam 0,0% 0,0% 0,0% 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Cambodge 12,5% 0,0% 0,0% 75,0% 0,0% 0,0% 12,5% 0,0% 0,0%
    Cochinchine 0,0% 0,0% 0,0% 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Tonkin 4,2% 0,0% 0,0% 95,8% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Laos 0,0% 0,0% 0,0% 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Quan-Ouen 0,0% 0,0% 0,0% 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Mayotte 33,3% 0,0% 0,0% 66,7% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Madagascar 38,1% 0,0% 0,0% 61,9% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Réunion 66,7% 0,0% 11,1% 0,0% 22,2% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Somalis 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Inde 60,0% 0,0% 0,0% 0,0% 40,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Guadeloupe 62,5% 0,0% 0,0% 0,0% 37,5% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Guyane 84,6% 0,0% 0,0% 0,0% 15,4% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Martinique 71,4% 0,0% 0,0% 0,0% 28,6% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    St.Pierre 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Océanie 44,4% 0,0% 0,0% 0,0% 55,6% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    N-Calédonie 75,0% 0,0% 0,0% 0,0% 25,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%

    Sur la période de 1914 à 1926, pour les colonies d’Asie, c’est le Gouverneur général qui est la principale source normative, toutefois, pour l’Indochine, le Président de la République garde une influence certaine (44% des textes promulgués)

    En Afrique, pour l’AOF, l’AEF et le Sénégal, le Président et le Gouverneur général se partagent les rôles à parts égales. Au Congo français, en revanche, le Gouverneur général a pris 81% des textes promulgués de 1914 à 1926.

    Les Gouverneurs ont un moindre poids dans les territoires d’outre-mer pour lesquels le Président de la République prend les deux tiers des décrets qui organisent la justice.
     
     
    Colonies et institutions de 1927 à 1939
    Président Assemblée Ministre Gouv. Gén Gouv Lieut. gouv Résident Comiss. gén Proc.gén
    A-O-F 67,3% 0,0% 3,6% 29,1% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Sénégal 50,0% 0,0% 0,0% 25,0% 0,0% 25,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    A-E-F 50,8% 0,0% 1,6% 47,5% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Congo 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Indochine 70,7% 0,0% 1,1% 28,3% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Annam 16,7% 0,0% 0,0% 66,7% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Cambodge 20,0% 0,0% 0,0% 60,0% 0,0% 0,0% 20,0% 0,0% 0,0%
    Cochinchine 0,0% 0,0% 0,0% 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Tonkin 25,0% 0,0% 0,0% 75,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Laos 33,3% 0,0% 0,0% 66,7% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Quan-Ouen 0,0% 0,0% 0,0% 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Mayotte 100% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Madagascar 71,1% 0,0% 2,2% 26,7% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Réunion 82,4% 11,8% 0,0% 0,0% 5,9% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Somalis 46,2% 0,0% 0,0% 0,0% 53,8% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Inde 56,7% 0,0% 0,0% 0,0% 36,7% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Guadeloupe 88,2% 11,8% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Guyane 58,8% 0,0% 0,0% 0,0% 41,2% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Martinique 77,3% 9,1% 0,0% 0,0% 13,6% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    St.Pierre 60,0% 0,0% 0,0% 0,0% 40,0% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    Océanie 86,7% 0,0% 0,0% 0,0% 13,3% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%
    N-Calédonie 43,8% 0,0% 0,0% 0,0% 56,3% 0,0% 0,0% 0,0% 0,0%

    Il ressort de ce tableau que le Président de la république prend beaucoup plus de décisions que dans les périodes antérieures.
    C’est frappant sur les grands ensembles coloniaux où, tant en A-O-F qu’en Indochine, le pouvoir normatif du Gouverneur général s’est très largement amoindri, le Président décidant par décret de 67,3% des textes en A-O-F et de 70,7% en Indochine. En A-E-F, le Président et le Gouverneur général se partagent le pouvoir de décision quant à l’organisation de la justice.
    Pour l’Indochine, les applications relatives à chacune des composantes relèvent en grande partie du pouvoir du Gouverneur général.

    Le rôle du Président est encore plus marqué dans les territoires d’outre-mer.

    C’est sur Madagascar que l’évolution est la plus nette puisque avec 71,1% des textes pour le Président et 2,2% pour le ministre, le Gouverneur général perd le pouvoir qu’il détenait sur la période précédente (puisque l’on passe de 61% des textes  de 1914 à 1926, à 26,7% des normes de 1927 à 1939 ). Ce même phénomène se constate également pour la Guadeloupe, du moins en matière d'organisation judiciaire.

    Les Gouverneurs gardent encore une certaine marge de manœuvre dans la Côte des somalis, en Guyane et surtout en Nouvelle-Calédonie.

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