Pourquoi des statistiques et sur quel corpus ?
L’étude statistique d’un phénomène juridique autorise une approche nouvelle car elle aborde son sujet de manière systématique. Tant le nombre de documents objets du traitement que la rigueur dans leur codification sont un gage d’objectivité. Dans un Etat de droit , s’il y a une stratégie, s’il y a une volonté délibérée d’installer une système, cela ne peut se faire que par des textes juridiques. En raison du sénatus-consulte de 1854, qui a été maintenu par la troisième République, il s’agit toutefois, pour les colonies, d’un régime dérogatoire.
La stratégie coloniale sous la IIIème République, en matière d’organisation de la justice, concerne une très longue période, aussi, avons nous pris le parti de la découper en trois échantillons : Le corpus se compose des textes promulgués durant trois périodes : 1897 à 1913 – 1914 à 1926 et 1927 à 1939 qui nous permettent une étude quantitative propre à chacune d’elles et une comparaison entre les échantillons mettant en relief l’existence d’une évolution ou la persistance de la politique coloniale en la matière.
Ces périodes n’ont pas été choisies de manière arbitraire. Il était difficile, compte tenu de la constance que réclame la domination coloniale, de fixer avec certitude des coupures. L’examen de circulaires relatives aux pouvoir administratif colonial permettait de retenir avant 1914, pendant 1914 et enfin après 1930. En fait, les périodes que nous avons retenues correspondent aux étapes de croissance de l’Etat et de ses interventions accrues en métropole. La première période couvre les premiers temps de la colonisation jusqu’à la première guerre mondiale. La deuxième couvre la première guerre et les séquelles immédiates jusqu’aux pleins pouvoirs confiés à Poincaré. L’année 1926 est celle de la fin de la crise monétaire et financière, du retour de la stabilité et de l’expansion économique. La troisième période - de 1927 à 1939 - correspond aux conditions nouvelles internationales et internes et à la crise de 1929-1930.
L'organisation
de la justice coloniale vue à travers ses textes
En 1897, la stratégie de conquête est bien avancée, de nombreux territoires sont, pour certains depuis peu, sous domination française. L’organisation de ces territoires conquis va alors pouvoir être mise en œuvre. La France peut remplir la mission que lui a assignée Jules Ferry : « le devoir de civiliser les races inférieures » . L’abondance des textes recensés pour chaque période démontre que la mise en place d’une justice spécifique aux colonies participe activement à la mission du colonisateur. Pendant ces périodes, ont été prises en compte les colonies ou groupes de colonies suivants : Afrique occidentale française, Sénégal, Afrique équatoriale française, Congo français, Indochine, Annam, Cambodge, Cochinchine, Tonkin, Laos, Quan ouen, Mayotte et Comores, Madagascar, Réunion, Côtes des somalis, Inde française, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Saint-Pierre et Miquelon, Océanie, Nouvelle-Calédonie.
Les
approches statistiques sont de trois ordres :
D’abord, les textes promulgués pendant les différentes années sélectionnées font l’objet d’une étude approfondie. Leur nombre, leur nature, leur objet et leur domaine nous donnent un panorama précis de l’activité normative en matière de justice coloniale.CHAPITRE I
Ensuite, l’analyse de la répartition territoriale des textes relatifs à l’organisation judiciaire permet de quantifier ces normes suivant les pays et de déceler une évolution de la « politique » coloniale propre à chacun des territoires sous domination française.CHAPITRE II
Enfin, l’examen du rôle joué par chacune des institutions dans la création ou la modification des textes et, plus encore, la part prise par certains hommes politiques dans cette stratégie coloniale, visant à mettre en place un système judiciaire, viennent compléter utilement cette recherche.