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Colloque
21-22 juin 2017 (Centre Roland Mousnier, Paris)
Colloque organisé par David Chaunu et Séverin Duc (Centre Roland Mousnier, UMR 8596, Université Paris-Sorbonne)
L’Europe constitue un espace au sein duquel les imaginaires et les pratiques de domination sur les populations sont multiples et composites. Son histoire est le fruit de processus de reconquêtes intérieures, de conquêtes extérieures et de projections américaines. Ces processus répondent tant à des logiques d’intensification sur un territoire déjà dominé qu’à des processus d’expansion. Puisque les logiques de domination sont plus facilement repérables dans une dynamique de (re)conquête, nous proposerons une archéologie des processus de (re)mise en domination aux XVIe et XVIIe siècles.
Si l’on s’accorde généralement à dresser le constat de la capacité des Européens à imposer leur volonté à des peuples conquis, une histoire des appareils de domination européens peut s’avérer fructueuse. D’une part, afin de dépasser une séparation artificielle entre métropoles et colonies, nous souhaitons explorer la communauté d’expériences de domination de part et d’autre de l’Atlantique. D’autre part, loin de nous le projet d’une histoire de l’ « Etat moderne », moins encore de l’ « exception occidentale », nous proposons d’interroger le lien entre la multiplicité des cultures de dominationtant en Europe qu’en Amérique ; la récurrence des phénomènes de cohabitation de ces cultures à petite, moyenne et grande échelles catalysant émulation, collaboration, intrication et concurrence ; la production et le perfectionnement, sur le temps long, d’appareils de domination toujours plus à même d’être recomposés et projetés à nouveau.
Contre une histoire événementielle et positiviste, nous souhaitons mettre en évidence un mouvement récurrent au cours des XVIe et XVIIe siècles européens : l’expérimentation de formes de domination qui tendent à être réemployées et (re)projetées dans un contexte nouveau et sur des espaces à (re)conquérir. Dans cette optique, nous ne souhaitons pas isoler les expériences intra-européennes de l’émergence des empires atlantiques et le développement de nouvelles formes de domination en Amérique. Sans qu’il y ait nécessairement de cause à effet, la contemporanéité des phénomènes offre à l’historien l’étude d’un large spectre de formes de domination.
Nous considérons la domination sociale et politique non comme un invariant ou une évidence, mais comme un processus de réaffirmation quotidienne, collective comme individuelle. C’est pourquoi nous souhaitons questionner, entre macro et micro-histoire, ses différentes matrices, ses inflexions, ses variantes, ses outils et ses vecteurs. Pour ce faire, nous ciblerons les XVIe-XVIIe siècles, période-clé des projections ultramarines, de guerres inter-étatiques, de guerres civiles européennes propices à de nombreuses (re)conquêtes. Nous questionnerons la possibilité de paliers historiques et d’enchaînement des processus. Sans postuler l’existence de liens causaux directs, nous nous demanderons si ce processus de sédimentation d’expériences de la domination n’a pas été un des catalyseurs de la construction de l’Europe et de ses projections ultramarines.
Les moments et les espaces de (re)mise en domination. Nous distinguerons trois processus récurrents et permettant de circonscrire les cadres spatiaux : les reconquêtes intérieures après une crise de succession, une révolte, une dissidence religieuse, une guerre civile etc. ; les conquêtes limitrophes ; les conquêtes au long cours, sans continuité territoriale ou ultramarine. En arrière-plan de ces dynamiques spatiales, d’une part, notre attention se portera sur la convergence des facteurs qui rendent envisageable et donc possible la (re)mise en domination, entre désir, pouvoir et devoir de dominer. D’autre part, ces moments-mêmes sont porteurs de transferts et de rencontres de modèles et de pratiques, sur un sceptre large, depuis le consensus jusqu’à la violence illimitée.
Les appareils et les vecteurs de (re)mise en domination. Pour aller plus loin, nous engagerons une étude thématique de la (re)mise en domination à travers différentes réalités et catégories analytiques. D’une part, il sera nécessaire de remobiliser et de réinterroger les leviers dits « traditionnels » du pouvoir tels qu’ils sont réinvestis dans un moment de projection de puissance : diplomatie, fiscalité, justice, armée et administration. D’autre part, ces moments ne pourront se comprendre sans l’intégration d’autres logiques qui ne relèvent pas seulement de l’imperium mais aussi du corps social, des relations hommes/femmes, des confessions religieuses ou de la catégorisation ethnique.
Les jeux d’échelles : pour une micro-histoire de la domination. En outre, il sera nécessaire de faire intervenir un jeu d’échelles et d’engager des enquêtes micro-historiques. Nous envisagerons le processus de (re)mise en domination par le bas, à l’échelle de l’individu, de la famille ou de la communauté, comme autant de porteurs humains des appareils de domination à l’épreuve d’anciens ou de nouveaux espaces. Grâce à la reconstitution de parcours individuels, trans-générationnels ou collectifs, nous voulons voir comment l’homme ou la femme abordent, vivent, actionnent ou subissent des situations où il faut réapprendre les règles, les imposer ou les établir.
Le rejeu : de domination en domination. Enfin, au-delà d’une praxis, nous souhaitons étudier en dernier lieu les conséquences psychologiques, sociales et politiques d’une (re)mise en domination réussie. D’une part, il s’agira de voir comment ces moments de (re)conquêtes ont permis d’établir de nouveaux modèles de domination. D’autre part, nous souhaitons achever la présente enquête en questionnant le lien entre la réussite d’une domination et le désir de nouvelles projections.
Mercredi 21 juin 2017
9H00 : accueil des participants
9H15 - 9H30 : ouverture du colloque David Chaunu, Séverin Duc (Paris-Sorbonne, Centre Roland Mousnier)
9H30 – 12H15 : Conserver, reprendre une terre // Présidence : François-Joseph Ruggiu (Université Paris-Sorbonne, Centre Roland Mousnier)
Mario Rizzo (Università di Pavia, Italie), Una carezza in un pugno. La domination Habsbourg en Lombardie au XVIe siècle, entre force, dissuasion et consensus.
Antoine Sénéchal (EHESS et Université de Limoges), Conserver la domination aux frontières en temps difficiles. Les expériences espagnoles dans le préside d’Oran et de Mers el-Kébir à la fin du XVIIe siècle.
Lauric Henneton (Université de Versailles Saint-Quentin), L’ascendant anglais sur l’Amérique du Nord-Est au XVIIe siècle : la domination malgré soi.
Pause-cafe (10H45 - 11H) (Club des enseignants de la Sorbonne)
Juan Carlos D’Amico (Université de Caen), Révoltes siciliennes au XVIe siècle et réappropriation des espaces par le pouvoir de Charles Ier, roi de Castille et d’Aragon.
Nicolas Richard (Université Paris-Sorbonne), Reconquête militaire, reconquête religieuse : quelques remarques à propos du royaume de Bohême après 1620.
Dejeuner (12H15 – 14H15) (Club des enseignants de la Sorbonne)
14H15 – 16H45 Penser la domination //Présidence : Jean-Marie Le Gall (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Jean-Louis Fournel (Université Paris 8), Conquête, gouvernement, loi, tyrannie : la mondialisation ratée de la monarchie espagnole selon Tommaso Campanella.
Yann Lignereux (Université de Nantes, CRHIA), Une domination en suspension ? L’empire français du Canada au XVIIe siècle.
Pause-cafe (15H30 - 15H45) (Club des enseignants de la Sorbonne)
Jean-Marie Le Gall (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Autour de Les guerres d’Italie 1494-1559 : une lecture religieuse.
Brian Sandberg (Northern Illinois University, Etats-Unis), L’imaginaire de la domination mondiale. Le discours de l’empire à l’aube de l’empire français, c. 1600
16H45 – 17H30 : conference de cloture de la premiere journee Bertrand Van Ruymbeke (Université Paris 8, IUF), Conquête et domination anglaises en Amérique du Nord. De l’Amérique de papier à la Révolution américaine
Diner (20 H) (La Ferrandaise - 8, rue Vaugirard - 75006)
Jeudi 22 juin 2017
9H00 : accueil des participants
9H15 – 12H15 : (re)inventer une domination //Présidence : Béatrice Perez (Université Paris-Sorbonne, CLEA)
Jean-Frédéric Schaub (EHESS), Domination sociale dans l’empire espagnol : quelle place accorder à la ségrégation raciale ?
Laura de Mello (Université Paris-Sorbonne), Le bannissement vers le Brésil au XVIIe siècle : vecteurs et micro-histoires de la domination coloniale.
Pause-cafe (10H45 - 11H)(Club des enseignants de la Sorbonne)
Adrien Aracil (Université Paris-Sorbonne), Établir la domination monarchique dans le croissant huguenot, ou comment les protestants sont devenus une minorité dans la France du premier XVIIe siècle.
Elodie Peyrol-Kléber (Université de Poitiers), L’Irlande comme laboratoire de l’empire anglais au XVIIe siècle : domination et innovations.
Dejeuner (12H15 – 14H15) (Club des enseignants de la Sorbonne)
14H15 – 16H45 : echelles et mediations // Présidence : Lucien Bély (Université Paris-Sorbonne, Centre Roland Mousnier)
Alain Hugon (Université de Caen), Les migrations hispaniques vers le Nouveau Monde : reflet des processus d’intensification des territoires et d’expansion de la domination espagnole ? (XVIe– XVIIe siècles).
Loann Berens (Université Paris-Sorbonne), Juan de Betanzos, interprète et chroniqueur, ou la médiation comme outil de domination (Pérou, XVIe siècle).
Pause-cafe (15H30 - 15H45)(Club des enseignants de la Sorbonne)
Louise Bénat-Tachot (Université Paris-Sorbonne), Le cacique comme outil de domination au Mexique (XVIe siècle).
Alexandre Jubelin (Université Paris-Sorbonne), "Mener au combat" : le capitaine et son équipage dans le combat naval en Atlantique au début de l’époque moderne.
Conclusions Jean-Frédéric Schaub (EHESS)
Contact : Séverin Duc (europ [dot] ameriq [at] gmail [dot] com)
(Re)Lire / Écouter / Voir
Lundi 17 juin 2019
« Issus d’un colloque organisé en Sorbonne en juin 2017, les articles publiés dans cet ouvrage interrogent les imaginaires et les pratiques de la domination politique à l’époque moderne. (Re)conquêtes, révoltes, révolutions, répressions, crises de régime, expansion coloniale sont l’objet de cet ouvrage et sont envisagés comme autant d’épreuves pour les sociétés modernes, confrontées au risque de leur anéantissement et à la nécessité de leur réinvention. Ce volume propose d’étudier ces moments à la lumière des acquis récents de l’histoire politique et sociale, en interrogeant les processus de domination dans l’Europe moderne et ses prolongements ultramarins par-delà l’Atlantique. »
Page créée le jeudi 24 octobre 2019, par Dominique Taurisson-Mouret.