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Appel
Date limite de soumission : dimanche 24 février 2019
L’objectif central du colloque sera de caractériser les différentes conceptions et manifestations des rapports entre les sociétés humaines et leurs environnements, telles qu’elles se manifestent et se révèlent dans la protection de la nature. Il s’agira d’en retracer les origines et les fondements, leur influence sur le gouvernement des choses, leur portée sociétale, leurs effets espérés et inattendus et leurs remaniements du XIXe siècle à nos jours. Le second objectif du colloque consiste à proposer aux acteurs du temps présent une mise en perspective historicisée, comparée et contextualisée pour interroger les successions supposées de paradigmes de protection de la nature ; éclairer les évolutions en cours, et mieux comprendre les tensions sociétales induites par les politiques de protection ainsi que la diversité des situations locales ou nationales.
Manifestation organisée par l’Association pour l’histoire de la Protection de la Nature et de l’Environnement, en partenariat avec le Comité d’histoire du MTES, les Archives Nationales, SNPN, AFB, SFDE, Società Italiana per la Storia della Fauna, UICN
« Désormais, les problèmes ne se posent plus seulement en termes de protection mais aussi et plus encore en termes de gestion ; les rapports des hommes avec la nature doivent être établis de telle sorte que les ressources offertes par celle-ci restent renouvelables. Cela ne concerne pas uniquement les milieux les plus sauvages mais aussi tous ceux qui sont artificialisés à des degrés divers[1](…). »
Dès la première moitié du xixe siècle en France, des voix s’élèvent pour sauvegarder certains paysages sauvages identifiés à des « monuments naturels », mais aussi certaines espèces sauvages considérées comme « utiles ». C’est le début de l’histoire de la protection de la nature. Par la suite, elle ne cessera d’évoluer, de se métamorphoser, de se diversifier, accompagnant, réagissant ou anticipant les évolutions de la société jusqu’à son institutionnalisation dans les structures de l’État et dans les politiques publiques à partir des années 1960[2]. La manière utilisée pour la nommer tout au long de son histoire est faite de glissements sémantiques successifs. Le droit de l’environnement est tantôt le fidèle reflet de ces évolutions successives traduisant différents projets pour la nature, tantôt le moteur d’évolutions déterminantes[3]. En effet, les premiers pas juridiques en direction de la protection de la nature ont concerné la protection de certaines espèces animales[4]et des « sites et monuments naturels »[5]. Parallèlement, des initiatives privées ont émergé afin de prévenir la disparition de certaines espèces[6]et les réserves de chasse ont fait leur apparition[7]. Puis, la loi du 1er juillet 1957 a introduit la notion juridique de réserve naturelle. L’article 8bis de la loi du 20 mai 1930 prévoyait auparavant la possibilité d’imposer des sujétions spéciales dans les sites classés en vue de la conservation et de l’évolution des espèces. Peu de temps après, la loi du 22 juillet 1960 institue les parcs nationaux et introduit la notion juridique de réserve intégrale pour assurer une protection plus forte de certaines zones au sein d’un parc national[8]. Au gré des apports de la loi fondatrice du 10 juillet 1976 sur la protection de la nature qui réforma le statut des réserves naturelles, et de celle du 27 février 2002, la notion juridique de réserve répond aujourd’hui à trois qualifications et statuts respectifs : les réserves naturelles nationales, les réserves naturelles régionales et les réserves naturelles de Corse. Plus récemment, le droit de l’environnement s’est intéressé à la relation aire-espèce à travers par exemple la notion juridique de trame verte et bleue[9]. Ce troisième temps, soutenu par les sciences de l’écologie du paysage et de l’écologie fonctionnelle a contribué à s’interroger sur les nécessités d’étendre le champ d’application matériel et spatial des instruments juridiques de protection de la nature. Désormais, le droit de l’environnement mobilise davantage de territoires et de communautés biotiques dans lesquels les humains évoluent.
Sans qu’il y ait bien sûr de corrélation parfaite, la substitution des notions juridiques fournit un indice de la refonte du contenu, des objectifs et des politiques environnementales, tout autant qu’elle est forte d’enseignements quant aux types de savoirs mobilisés, aux modèles techniques et aux pratiques conduites par les gestionnaires.
De la protection à la gestion
À partir de la fin des années 1970, le terme de gestion va occuper une place de plus en plus centrale tant dans les politiques publiques sur l’environnement que dans le domaine interdisciplinaire des sciences environnementales. Accompagnant la montée en puissance de la notion de patrimoine, la gestion est partout, se déclinant notamment en « gestion rationnelle », « gestion écologique », mais aussi et surtout à travers l’expression de « gestion patrimoniale ». En 1979, le comité « Faune et flore du ministère de l’Environnement » devient ainsi le comité « Écologie et gestion du patrimoine naturel » et lance un programme de recherche intitulé « Connaître pour mieux gérer ». Celui-ci contribue à la définition d’une conception large de la gestion intégrant les actions humaines et s’appliquant à la diversité des espaces du territoire national. Comme le souligne Jean-Claude Lefeuvre : « Cette politique de gestion plus globale prendrait en compte l’homme, ses savoir-faire, ses traditions, ses pratiques sociales, ses capacités d’innovation technologique et son environnement naturel et modifié[10]. » Si la loi sur la protection de la nature a introduit la protection réglementaire des espèces sauvages de la flore et de la faune, il est apparu néanmoins nécessaire par la suite de mettre en place des opérations de réintroduction d’espèces et de renforcement des populations de certaines autres jusqu’à l’instauration de plans d’action en faveur des espèces particulièrement menacées figurant sur la liste rouge nationale de l’UICN. Plus récemment, c’est la notion de « gestion adaptative » qui a été portée par le ministère de la Transition écologique et solidaire.
Ce passage de la protection à la gestion, souligné par de nombreux auteurs, mais qui pourra également être réinterrogé à l’occasion de ce colloque, ferait en quelque sorte sortir la protection des espaces naturels remarquables pour l’étendre aux milieux transformés par les hommes, introduisant la nécessité de prendre soin également de la nature ordinaire[11]. L’intégration des humains dans la protection de la nature rejoint l’idée directrice du programme Man and Biosphèrede l’Unesco lancé en 1971 avec la création des « réserves de biosphère », destinées à concilier des objectifs de développement humain et des objectifs écologiques. Plus tard, cette logique sera également diffusée par le réseau Natura 2000 qui dispose que le maintien de la biodiversité peut « dans certains cas, requérir le maintien, voir l’encouragement d’activités humaines »[12].
La biodiversité remplace la nature
Un autre glissement sémantique remarquable importé des USA est la substitution du terme « biodiversité[13] » à celui de « nature » à la fin des années 1980[14]. C’est un véritable changement de paradigme qui sera entériné par la convention de Rio sur la biodiversité en 1992. Selon Patrick Blandin : « Au début du xxe siècle, la protection de la nature était conçue par une poignée de visionnaires comme un problème international. Au début du xxie siècle, à Johannesburgh, dix ans après Rio, ce n’est plus la protection de la nature mais la conservation de la biodiversité qui est devenue réellement un enjeu planétaire. (…) Le terme « biodiversité » a une apparence technique. Il désigne des réalités supposées quantifiables (gènes, espèces, écosystèmes) ; les scientifiques peuvent en parler savamment, et les politiques croire qu’ils en font autant. »
L’histoire de la protection de la nature en France du xixeau xxiesiècle : entre rupture et continuité ?
La « modernisation » des politiques publiques de la protection de la nature est placée sous le signe de la rupture avec une tradition plus ancienne et plus conservatrice de la protection de la nature, centrée sur des milieux préservés des actions humaines. De « grand perturbateur » à « bon gestionnaire », la place de l’homme dans la nature serait ainsi entièrement réévaluée. Pour certains, la transition de la « protection » à la « gestion » pourrait se traduire dans le vocabulaire de l’environnementalisme américain comme un passage du modèle « préservationniste » au modèle « conservationniste ».
Toutefois, cette présentation hautement schématique est discutable et mérite d’être discutée. Comme le soulignèrent rapidement Olivier Godardet ses collègues, plutôt qu’un principe intégrateur, « s’agissant de la nature, l’idée de gestion est devenue un carrefour, un point d’équilibre instable entre des forces contraires[15] ». De ce point de vue, le dépassement du schéma trop simple de la succession de deux modèles distincts permet d’aborder la gestion de la nature comme un principe organisateur qui reconfigure, plutôt qu’il ne résout, des tensions théoriques et des conflits pratiques multiples, que l’on peut étudier de façon synchronique et diachronique.
Vers un retour du « sauvage » et de la wilderness [16] ?
L’adoption, le 3 février 2009, au Parlement européen, d’une résolution préconisant une politique communautaire de la wildernessindique l’apparition d’une volonté politique nouvelle en matière de protection de la nature. Gyula Hegyi, le rapporteur hongrois du rapport qui a conduit à l’adoption de la résolution rapporte en ce sens que : « Nous avons le devoir moral de permettre aux générations futures de jouir et de profiter des zones européennes réellement vierges ». La résolution invite la Commission, entre autres, à définir et cartographier « les dernières zones de nature vierge en Europe », à en étudier la valeur et les services écosystémiques rendus, à concevoir une stratégie communautaire relative à ces zones afin notamment de « développer les zones de nature vierge » et à mieux articuler ces zones avec la réglementation Natura 2000 qui en réalité vise à protéger des espèces ou des habitats plus qu’à laisser librement évoluer la nature. Depuis 2009, de telles initiatives se sont multipliées. Ainsi, par exemple, la commission aires protégées du comité français de l’UICN a mis en place en 2013 un groupe de travail « Wilderness et nature férale ». Des philosophes et gestionnaires d’espaces protégés renouvellent ainsi la réflexion académique sur la nature au cœur de laquelle la question de l’axe d’interventionnisme de la gestion est profondément interrogée[17]. Dans le prolongement, avec leur ouvrage La France des friches. De la ruralité à la féralité paru en 2012, Annick Schnitzler et Jean-Claude Génot font un plaidoyer argumenté pour la nature férale ou nature « ensauvagée ».
Là encore, plutôt que d’une dynamique de succession de différents modèles, ces nouveaux objectifs témoignent de l’apparition d’une nouvelle figure de la protection de la nature qu’il s’agit d’articuler avec les précédentes. Chacun de ces modèles en tant qu’idéal-type pourra d’ailleurs, lui-même, être discuté à l’occasion du colloque. C’est de façon générale le sens de notre invitation à explorer à nouveau l’histoire de la protection de la nature du xixeau xxie siècle, à travers ses objectifs, ses pratiques, ses savoirs mobilisés, ses institutions, ses acteurs humains et non humains, afin d’en mettre en perspective les figures changeantes.
Au-delà de la France : un espace géographique ouvert
Si le colloque est destiné principalement à étudier l’histoire de la gestion de la nature en France, il n’entend pas exclure des propositions centrées sur d’autres espaces. Des communications portant sur l’histoire de la protection de la nature dans des pays limitrophes de la France, ou sur des analyses transfrontalières, seront particulièrement encouragées.
Questionnements
Les pratiques de gestion de la nature
L’idée de gestion évoque une conception progressiste et positive de la protection de la nature[18]. Elle semble ainsi prendre le contrepied de l’accusation tenace de vouloir « mettre la nature sous cloche », accompagnant d’ailleurs la relative disparition de la référence à la nature au profit d’autres notions comme la biodiversité ou les services écosystémiques. La gestion semble de prime abord être un principe d’action plutôt que d’abstention, et indiquer par conséquent un tournant vers des pratiques de plus en plus interventionnistes[19]. Cette « prise en main » de la nature ne s’oppose-t-elle pas aux ambitions revendiquées d’« écologiser » les modes de gestion des espaces naturels ? De ce point de vue, des expressions telles que « gestion en réserve intégrale » ou « gestion en libre évolution », qui ne sont pas loin d’évoquer une contradiction dans les termes, indiquent la difficulté qu’il y a à concilier une politique de protection interventionniste avec l’idée d’accorder une place plus importante à la libre expression des dynamiques écologiques[20]. Il serait intéressant de mettre à l’épreuve cette hypothèse d’un interventionnisme croissant dans les politiques de protection de la nature par l’analyse diachronique des pratiques concrètes de protection des espèces ou des espaces naturels menées depuis le début du xixe siècle jusqu’à nos jours. Plus largement, la diversité des modes de gestion faisant l’objet d’une dénomination spécifique : « gestion patrimoniale », « gestion durable », « gestion intégrée », « gestion des ressources naturelles », pourrait être examinée en accordant une importance particulière aux pratiques et aux acteurs qu’ils engagent.
Ce questionnement pourrait conduire également à examiner l’actualité la plus récente du débat sur les rapports entre le concept de biodiversité et l’idée de nature, cette dernière regagnant du terrain dans différentes arènes scientifiques et politiques.
La place des hommes dans la gestion de la nature
L’intégration des activités humaines dans le champ de la réflexion environnementale apparaît comme l’un des principaux mots d’ordre de la gestion de la nature développée à partir de la fin des années 1970. Les politiques de la nature ne pourraient plus se contenter de vouloir exclure ces activités des espaces protégés, mais devraient également poursuivre l’objectif de définir des normes sociales ou socio-environnementales visant à l’établissement de coopérations plus harmonieuses entre les humains et la nature sur les espaces ciblés.
Après le temps supposé de l’exclusion des humains des espaces protégés viendrait celui de la réconciliation avec la nature[21]. Cette requalification hautement schématique de la place des humains dans la nature mérite d’être interrogée, notamment en l’examinant à l’aune de cas concrets. L’histoire de la protection de la nature ne peut se démarquer de sa dimension sociale. Ainsi, il pourrait être intéressant de mettre en relief la distribution territoriale de la gestion de la nature avec sa dimension sociale et démocratique. La justice environnementale et la conservation forment-elles nécessairement un « mariage contre nature »[22] ? Peut-on dépasser au contraire les fractures qui séparent parfois les espaces vécus, habités et gérés ?
Nature autonome
L’idée de gestion de la nature peut apparaître, en définitive, comme une reformulation du projet moderne appelant à la domination de la nature. Elle véhicule l’image d’une nature, sinon passive, au moins maîtrisable, « gérable ». « Connaître pour mieux gérer » était le titre d’un programme de recherche mené par le comité « Écologie et gestion du patrimoine naturel » évoqué plus haut. Celui-ci est révélateur du scientisme qui affleure fréquemment dans les politiques de gestion de la nature. Il serait intéressant d’analyser la façon dont la confiance sereine dans la capacité des humains à gérer la nature grâce au développement des connaissances scientifiques et des techniques est mise à mal par la nature elle-même. Des communications pourraient s’intéresser à des cas d’échec des politiques de gestion de la nature, dont la principale cause serait la récalcitrance des êtres naturels visés, animaux, végétaux ou écosystèmes.
Cette réflexion sur les résistances de la nature pourrait être accompagnée d’une interrogation sur les « perdants » de la gestion humaine des espaces naturels. Au-delà des échecs, toute pratique de gestion de la nature ne conduit-elle pas à privilégier certains types d’espèces ou d’espaces au détriment d’autres ? La gestion humaine peut-elle au contraire intégrer des objectifs de protection qui dépassent les relations de commensalisme ?
Les statistiques et les inventaires
La gestion patrimoniale est associée étroitement à l’idée d’une comptabilité nationale appliquée au domaine de l’environnement[23]. Elle appelle, par conséquent, le développement de statistiques environnementales permettant de suivre quantitativement l’évolution du patrimoine naturel national et incite ainsi à la mise en données des espèces et des milieux naturels[24], dont les méthodes et les objectifs pourraient être examinés. Il serait notamment intéressant d’analyser l’évolution des méthodes de suivi quantitatif du patrimoine naturel, des inventaires naturalistes du début du xixe siècle à la production de bases de données numériques[25]. Les finalités[26]d’une telle production, les acteurs amateurs et professionnels de ces inventaires, le rôle des sciences participatives, de même que les risques associés à l’utilisation de ces données, pourraient être interrogés à l’aide d’exemples concrets.
La professionnalisation
La professionnalisation des travailleurs de la nature est une dynamique importante de l’histoire de la protection de la nature. La figure du « gestionnaire de la nature », appelée schématiquement à succéder au savant et à l’« expert naturaliste[27] », est le produit de l’institutionnalisation de la protection à la fin du xxe siècle. Des analyses comparatives pourraient être menées avec des acteurs plus anciens tels que les gardes forestiers, de chasse ou de pêche tant sur les profils sociaux, les compétences techniques et théoriques que sur les valeurs qui guident leurs actions dans les espaces naturels. Ce volet pourrait précisément faire l’objet de communications proposées par des gestionnaires eux-mêmes dont la parole serait ici décisive.
Des analyses complémentaires pourraient également envisager les conséquences de la généralisation de la figure du « gestionnaire de la nature » qui dès lors ne forme plus une catégorie homogène. Depuis quelques années, leur profil évolue tout autant que leur champ d’action qui vise désormais à appréhender non plus les seuls espaces naturels institutionnalisés, mais bien l’ensemble des espaces peu artificialisés. La multiplication des licences professionnelles en matière de gestion du patrimoine végétal, agronomique, pastoral, urbain, l’apparition de formations alternatives telles que celle permettant d’exercer le métier de « payculteur » ou bien encore le développement des formations en ligne ouvertes à tous (les MOOC) modèlent largement la définition de la gestion de la nature. Il serait donc intéressant de se demander si l’intégration croissante des méthodes managériales dans la formation des gestionnaires et la massification de la professionnalisation au carrefour des sciences dures et des sciences sociales ne correspondraient pas à une forme de déplacement du cœur de la profession en direction d’un rôle de médiateur entre les humains, autrement dit de gestion humaine.
Au moment où se met en place l’Agence française pour la biodiversité qui ambitionne de restructurer directement ou indirectement l’ensemble de la galaxie des acteurs publics de ce domaine d’action et qui marie en son sein des origines, des cultures et des savoirs professionnels différents, il serait intéressant de s’interroger sur la façon de mettre cette histoire de la protection de la nature en partage entre ses différents acteurs. Le projet actuel de fusion de l’Agence avec l’Office national de la chasse et de la faune sauvage renforce la pertinence de cette interrogation. Par ailleurs, sous ce volet de la professionnalisation, les rapports entre les acteurs privés et publics pourront être examinés dans un contexte de demande croissante en matière d’études d’impact, exigées par la mise en œuvre des mesures de compensation écologique.
Ouvrir un espace de dialogue entre les universitaires et les acteurs opérationnels
L’objectif central du colloque sera de caractériser les différentes conceptions et manifestations des rapports entre les sociétés humaines et leurs environnements, telles qu’elles se manifestent et se révèlent dans la protection de la nature. Il s’agira d’en retracer les origines et les fondements, leur influence sur le gouvernement des choses, leur portée sociétale, leurs effets espérés et inattendus et leurs remaniements du xixe siècle à nos jours.
Le second objectif du colloque consiste à proposer aux acteurs du temps présent une mise en perspective historicisée, comparée et contextualisée pour :
interroger les successions supposées de paradigmes de protection de la nature ;
réfléchir aux modes de gestion et à la gouvernance des espaces naturels protégés, de la faune, de la flore et des écosystèmes ;
examiner, au-delà des espaces protégés, la question de la gestion de la nature dite « ordinaire » ;
éclairer les évolutions en cours, repérer et/ou anticiper les tendances à moyen et long terme et mieux percevoir leurs ressorts ;
mieux comprendre les tensions sociétales induites par les politiques de protection ainsi que la diversité des situations locales ou nationales.
Dans cette double perspective, le colloque souhaite toucher un public volontairement diversifié. La sélection des communications, réalisée par le comité scientifique, ne se limitera pas aux seuls universitaires afin que ceux-ci puissent dialoguer avec des acteurs opérationnels.
Sur le même principe, si ce colloque donnera lieu à la publication d’un ouvrage collectif académique, réunissant sous l’égide du comité scientifique tout ou partie des communications, plusieurs travaux issus des communications et des échanges seront également adaptés pour être diffusés auprès d’un public plus large par le biais de revues, magazines spécialisés et plates-formes numériques.
Modalités de soumission
Les propositions de communication devront être adressées sous forme d’un fichier PDF avant le 24 février 2019 à remi.beau.legoff chez gmail.com ; remi.luglia chez unicen.fr ; aline-treillard chez hotmail.fr
Elles comprendront :
Un résumé d’une page, comprenant le titre, la problématique, les grands axes de la démonstration envisagée, l’indication du corpus documentaire et bibliographique sur lequel la proposition se fonde.
Une bio-bibliographie succincte (une demi-page) comprenant les principales publications de l’intervenant, ainsi que ses coordonnées, notamment institutionnelles.
Date de réponse du comité scientifique : 30 avril 2019.
Langues : français et anglais acceptés.
Le colloque sera accueilli les 11 et 12 décembre 2019 par le Comité d’histoire du ministère de la Transition écologique et solidaire (Paris, La Défense).
Informations pratiques
Repas, transport et hébergement : Les repas seront pris en charge par les organisateurs. Les frais de transport et d’hébergement seront à la charge de l’institution des intervenants, sauf demande circonstanciée exceptionnelle formulée auprès du Comité d’organisation.
Frais de participation : Aucun frais de participation n’est demandé aux intervenants. L’entrée du colloque sera libre et gratuite pour tous les participants, sous réserve d’une inscription préalable pour des raisons de sécurité.
Comité d’organisation
BEAU Rémi, Docteur en philosophie et chercheur associé à l’Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne (ISJPS, UMR 8103) de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
LUGLIA Rémi, Agrégé et docteur en Histoire. Membre associé du Pôle rural de la Maison de la recherche en sciences humaines (MRSH) et du laboratoire HisTeMé (Histoire, Territoires & Mémoires ; ex-Centre de Recherche d’Histoire Quantitative, EA 7455) de l’université de Caen Normandie.
TREILLARD Aline, ATER droit public, IUT2, Département Carrières Juridiques, Université Grenoble-Alpes, Doctorante en droit de l’environnement, OMIJ-CRIDEAU, Université de Limoges.
Un comité de pilotage réunit les partenaires de l’AHPNE afin de contribuer à l’organisation du colloque.
Notes
[1]Lamotte M., C.F. Sacchi, et P. Blandin, Écologie, Encyclopaedia Universalis, 1984.
[2]Création d’une division de la protection de la nature au sein du ministère de l’Agriculture en 1965, puis d’une direction générale de la protection de la nature en 1970 dont héritera le ministère de la Protection de la Nature et de l’Environnement créé en 1971.
[3]Marie Bonnin, Les corridors écologiques, vers un troisième temps du droit de la conservation de la nature ?, L’Harmattan, 2008, 270 p.
[4]Décret du 12 décembre 1905 pris pour l’application de la convention internationale sur les oiseaux utiles à l’agriculture du 19 mars 1902.
[5]Loi du 21 avril 1906 organisant la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique suivie en 1930 de la loi sur la protection des monuments naturels de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.
[6]Nous pouvons par exemple citer l’action de la Société Nationale d’Acclimatation de France, par sa sous-section la Ligue pour la Protection des Oiseaux, qui a permis la mise en réserve de l’archipel des Sept-Îles en 1912 afin de prévenir la disparition des macareux moines.
[7]Arrêté du 2 octobre 1951.
[8]Mais cette disposition resta inusitée jusqu’à la création de la réserve intégrale du Lauvitel en 1995 dans le parc national des Écrins.
[9]En atteste la directive Habitats du 21 mai 1992 visant à la constitution du réseau écologique européen Natura 2000, et plus encore la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 qui consacre la notion juridique de trame verte et bleue.
[10]Lefeuvre J.-C., « De la protection de la nature à la gestion du patrimoine naturel », H.P. Jeudy (dir.),Patrimoines en folie, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, coll. « Ethnologie de la France », 2015, p. 2975.
[11]Fabiani J.-L., Protection de la nature. Histoire et idéologie, sous la direction d’Anne Cadoret, Paris, L’Harmattan, 1985 ; MougenotC., Prendre soin de la nature ordinaire, Éditions Quae, 2003 ; BeauR., Éthique de la nature ordinaire : Recherches philosophiques dans les champs, les friches et les jardins, Paris, Publications de la Sorbonne, 2017.
[12]Directive Habitats du 21 mai 1992 visant à la constitution du réseau écologique européen Natura 2000, considérant n°3.
[13]En anglais, biodiversityrésulte de la contraction de l’expression biological diversity.
[14]Blandin P., De la protection de la nature au pilotage de la biodiversité, Éditions Quae, 2009
[15]Godard O., B. Hubert, et G. Humbert, « Gestion, aménagement, développement : mobiles pour la recherche et catégories d’analyse », JollivetM. (dir.), 1992, p. 321–335.
[16]La traduction validée par l’Académie française est « sauvageté » : "caractère d’un espace naturel que l’homme laisse évoluer sans intervenir ; par extension, cet espace lui-même".
[17]Maris V., La Part sauvage du monde, 2018, « Anthropocène », Seuil ; C. et R. Larrère, Penser et agir avec la nature. Une enquête philosophique, 2015, La Découverte ; R. Beau, Éthique de la nature ordinaire. Recherches philosophiques dans les champs, les friches et les jardins, Publ. de la Sorbonne, 2017.
[18]Lefeuvre J.-C., « De la protection de la nature à la gestion du patrimoine naturel », op. cit.
[19]Génot J.-C., La nature malade de la gestion, Paris, Sang de la terre, coll.« La pensée écologique », 2008, vol. 1.
[20]Luglia R., Des savants pour protéger la nature. La Société d’acclimatation (1854-1960), Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2015, 434 p.
[21]Rosenzweig M.L., Win-Win Ecology : How the Earth’s Species Can Survive in the Midst of Human Enterprise, Oxford University Press, 2003.
[22]D. Lapointe et G. Gagnon, « À l’ombre des parcs : la conservation comme enjeu de justice environnementale » inD. Blanchon, J. Gardinet S. Moreau(dir.), Justice et injustices environnementales, Paris, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2011, p. 153.
[23]Voir à ce sujet les travaux (1978-1982) de la commission interministérielle des comptes du patrimoine naturel ; les collections deI’INSEE (série C 137J38)- Comptes et Planifications déc. 1986.
[24]Devictor V., Nature en crise : Penser la biodiversité, Seuil, 2015.
[25]Arpin I., F. Charvolin, et A. Fortier, « Les inventaires naturalistes : des pratiques aux modes de gouvernement », Éudes rurales, 1 septembre 2015, no 195, p. 1126.
[26]À relier à celles de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).
[27]Granjou C., I. Mauz, et A. Cosson, « Les travailleurs de la nature : une professionnalisation en tension », SociologieS, 2010.
Colloque
24-25 mars 2020 (Auditorium des Archives Nationales, Pierrefitte-sur-Seine)
Attention : colloque initialement prévu en décembre, et reporté aux 24 et 25 mars 2020
Entrée gratuite ; inscriptions à http://enqueteur.cgedd.developpemen...
Cela fait maintenant plus d’un siècle et demi que la protection de la nature s’inscrit comme une préoccupation en France et qu’elle interroge, de façon changeante, les rapports que les Français entretiennent avec la nature et les solutions qu’ils ont trouvées et mises en place pour la protéger. Au gré des époques, ces solutions et les pratiques des acteurs impliqués n’ont cessé d’évoluer, de se diversifier, en fonction des objectifs recherchés, de l’adhésion ou non de la société à ces objectifs, des savoirs mobilisés, de l’instauration de politiques publiques dédiées, de la création d’un droit spécifique, de la technicisation et de la professionnalisation du secteur, de l’influence de contextes européens (directives) et internationaux (conventions) et bien d’autres facteurs encore tel qu’aujourd’hui, le changement climatique.
De la réserve intégrale à la nature ordinaire, les figures changeantes de la protection de la nature se déclinent au gré des évolutions, souvent négatives, des composants de cette nature à protéger (milieux naturels, espèces sauvages, paysages), des acteurs impliqués et des modalités de gestion mises en œuvre. Le colloque abordera cette pluralité de formes sous l’angle de leurs trajectoires historiques, mais aussi de leur co-existence au sein d’un panorama, désormais diversifié, de la protection de la nature. Les regards croisés des chercheurs et des acteurs apporteront un éclairage actualisé sur cette large gamme de pratiques et d’objets, parfois nouveaux, de la protection. Ils proposeront des éléments de réponse aux questions suivantes. Quelle(s) nature(s) devons-nous ou pouvons-nous protéger ? Quel « pacte de non-agression » pouvons-nous établir avec la nature ? Quels partenariats les différentes composantes de la société devraient-elles nouer pour agir de concert à sa protection ?
Au lendemain de la publication du rapport de l’IPBES sur l’état de la nature et de la biodiversité mondiale et à la veille du Congrès Mondial de la Nature de l’UICN, organisé en France en 2020, le colloque poursuit l’ambition d’accroître notre réflexivité sur nos pratiques de protection de la nature afin de les adapter aux enjeux environnementaux actuels.
Coordination scientifique :
Rémi Beau, docteur en philosophie, université de Bourgogne,
Rémi Luglia, agrégé et docteur en histoire, université de Caen Normandie,
Aline Treillard, doctorante en droit de l’environnement, université de Limoges
Page créée le vendredi 28 février 2020, par Dominique Taurisson-Mouret.