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Colloque
23-24 mai 2019 (Université Paris Nanterre)
Cette rencontre organisée par Mondes Américains et FRAMESPA envisage d’explorer le monde des faubourgs à partir de trois thématiques :
La morphologie urbaine, les limites physiques et juridictionnelles des faubourgs et leur évolution dans le temps long (XVI-XIXe siècle).
Policier les marges renvoie aux formes de contrôle social et policière des faubourgs.
Administrer les périphéries urbaines se centre sur la gestion quotidienne, parfois heurtée entre plusieurs juridictions, des espaces et des populations dans une dimension de gestion administrative.
Les historiens semblent parfois partager le regard des institutions urbaines de l’Ancien Régime et du XIXe siècle sur l’espace qui s’étend au-delà des murs et des portes des villes : le monde des faubourgs demeure une terra incognita et lorsqu’ils sont abordés, les faubourgs sont la plupart du temps envisagés comme l’envers de la ville. Ils sont souvent considérés comme des espaces de relégation mal ordonnés, sales et mal lotis, espace d’illégalismes où prospèrent les activités interlopes (trafics divers, prostitution, contrebande) et le crime organisé, réservoirs à fantasmes (les bas-fonds) pour les plaisirs noctambules.
L’intention de cette rencontre est de s’éloigner de cette vision réductrice de ces espaces en suivant la piste de leur administration et leur gouvernance. Nous envisageons les faubourgs non comme de simples exutoires pour les activités polluantes et les populations indésirables mais comme des espaces de vie proprement administrés avec leurs spécificités juridiques, démographiques et économiques, ce qui pose en premier lieu le problème des termes de leur définition.
Raisonner à l’échelle de l’empire espagnol permet de travailler sur les déclinaisons variées du rapport à l’espace urbain au sein d’un même ensemble politique où les logiques du pouvoir impérial jouent selon divers modes avec l’autonomie des corporations locales et avec les différents rapports au territoire. A la diversité urbaine des royaumes péninsulaires répond celle des terres américaines, enrichie des rapports contrastés avec les villes précolombiennes (Mexico, Tlaxcala) ou l’absence de ville (Río de la Plata), et avec les circuits économiques atlantiques (Potosí, La Havane, Buenos Aires). Les nouveaux faubourgs qui éclosent aux quatre coins de l’Amérique espagnole, jusqu’aux Philippines sont distincts des barrios périphériques des villes de la péninsule. Le rapport même des villes à l’espace américain où se projette la monarchie catholique y diffère de la situation en Péninsule.
D’une part, la séparation physique avec les parties centrales matérialisée par des murs percés de portes n’existe pas dans le Nouveau Monde (à l’exception notable des ports) : comment une ville pouvait-elle se définir par rapport à son environnement rural sans muraille ? Sur quelles limites se fondait alors la distinction entre faubourgs et ville principale ?
D’autre part, le gouvernement des espaces et des habitants vivant dans les faubourgs diverge franchement de part et d’autre de l’Atlantique. Au moment où, au début du XVIIe siècle, les morisques étaient expulsés des villes péninsulaires après avoir été confinés dans des morerias, à Séville, Tolède, ou à Valence, dans les Indes occidentales, les indigènes des périphéries gagnaient progressivement le cœur des villes du Nouveau Monde, intégrant la domesticité des Palais de la traza. Dans le même temps, de petits blancs et des métis s’installaient dans les quartiers périphériques alors que les populations noires serviles ou libres fraîchement débarquées, ainsi que les nouveaux métissages auxquels ils donnaient lieu venaient compliquer le caléidoscope social. Or, ni la fiction juridique d’une séparation entre les républiques des Espagnols et des Indiens, ni la segmentation sociale de ces sociétés urbaines n’avaient « de traduction spatiale » simple et évidente : le déploiement spatial des configurations sociales et juridiques américaines constitua une des dimensions importantes du problème de l’administration des marges urbaines dans la monarchie.
Cette distinction entre péninsules européennes et terres ultramarines doit cependant être conjuguée avec l’évolution commune des logiques du gouvernement impérial qui marque parfois fortement la problématique de l’administration des marges urbaines. En premier lieu, les développements du XVIIIe siècle, de la perception aiguisée des dangers urbains après les émeutes d’Esquilache aux réformes des Bourbons, tant celle des intendants que celle des municipalités, en passant par le développement des nouvelles figures des alcaldes de barrio et des alcaldes et capitanes pedáneos dessinent une évolution du regard administratif et de la problématique du gouvernement des villes qui se construit à travers une série d’aller-retours entre les terres américaines et péninsulaires. En second lieu, les bouleversements politiques du début du XIXe devront être abordés, à défaut d’être étudiés systématiquement, sous l’angle par exemple de l’autonomisation croissante du pouvoir administratif par rapport au pouvoir judiciaire et de la traduction de cette évolution sur le gouvernement de ces espaces.
Contact : Arnaud Exbalin (aexbalin [at] parisnanterre [dot] fr)
Page créée le vendredi 19 avril 2019, par Dominique Taurisson-Mouret.