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Appel
Date limite de soumission : samedi 15 mars 2025
Direction scientifique
Samuel F. Sanchez (Université Paris-1 Panthéon Sorbonne, IMAF),
Natalie Swanepoel (University of South Africa)
Anaïs Wion (CNRS, IMAF).
Néanmoins, les jeux d’échelles issus des analyses économiques persistent dans les années 1990. L’analyse des mobilités, des diasporas, des identités tout comme l’histoire culturelle font en effet la part belle aux liens entre les sociétés africaines et le monde global et intègrent le paradigme des mondialisations, dans un contexte géopolitique marqué par la dissolution des blocs et l’effondrement du socialisme. Le maintien de l’histoire des traites, notamment atlantiques, s’inscrit dans la continuité des grandes thèses des années 1960-1970, notamment à travers l’analyse quantitative. Un bon exemple contemporain de cette démarche est l’ensemble des travaux menés autour du Slave Voyages Consortium. L’histoire de l’esclavage et de la traite connaît un profond remaniement, s’autonomisant progressivement et s’éloignant des démarches quantitatives pour se diriger vers des approches plus centrées sur les acteurs et la notion d’agentivité (Médard, Derat, Vernet & Ballarin, 2013 ; Bonacci & Meckelburg 2017 ; Green 2018 ; Peabody 2019). Un pan important du champ s’est également orienté également vers l’analyse anthropologique des mémoires de la traite et de l’esclavage dans les sociétés contemporaines.
Les rapports marchands sont abordés de manière renouvelée dans les années 2000. La sociologie des réseaux marchands et leur organisation sociale est privilégiée, notamment dans le Sahel et les sociétés d’Afrique orientale et de l’Océan Indien (Alpers 1975 ; Lovejoy 1980 ; Rockel 2006 ; Lydon 2009) mais aussi en pensant les rapports avec d’autres espaces, occidentaux ou asiatiques (Kobayashi 2019 ; Collet et Houssaye 2021). La matérialité des échanges et les modes de consommation (re)deviennent des objets d’étude à part entière (Dubois 2003 ; Prestholdt 2008 ; Chastanet, Chouin, de Lima et Guindeuil 2014 ; Machado, Fee, Campbell 2018 ; Chaiklin, Gooding, Campbell 2020).
Le renouveau de l’histoire économique africaine s’inscrit enfin dans l’histoire de la colonisation et des fonctionnements impériaux, comme en témoignent les recherches qui envisagent la raison statistique coloniale, les transferts de capitaux, l’histoire de la monétarisation, de la marchandisation des écosystèmes et des productions agricoles, ou encore les évolutions des politiques publiques dans les empires coloniaux (Ittmann & Cordell 2010 ; Maddox 2010 ; Pallaver 2022 ; Touchelay et Sibeud 2024).
En parallèle des travaux proprement historiens, le passé économique de l’Afrique fait depuis une vingtaine d’années l’objet d’une attention accrue de la part des économistes, notamment dans le domaine de l’analyse du développement comparé (Acemoglu & Robinson 2001, 2010 ; Jerven 2022 ; Cogneau 2024). Ceux-ci cherchent des éléments historiques pour comprendre les économies africaines contemporaines. Cette démarche présentiste a généré d’importants débats entre historiens et économistes et présente des aspects intellectuellement stimulants (Jerven et alii 2012 ; Cogneau & Dupraz 2015 ; Frankema & van Waijenburg 2023).
Ce panorama de l’état de l’art permet de faire le constat que les périodes précédant la colonisation sont actuellement beaucoup moins étudiées que dans les années 1960-80, et que la tentation présentiste se fait aujourd’hui très forte, en réponse à une demande d’utilité sociale, mémorielle et économique exprimée hors des sphères académiques mais auxquelles celles-ci pourraient avoir à se plier. Or faire l’histoire des économies anciennes des sociétés africaines permet d’éclairer de nombreux points du passé de ces sociétés, sans nécessairement donner lieu à des analyses continuistes.
Nous souhaitons dans ce dossier privilégier des approches historiennes -au sens le plus large du terme- qui visent à comprendre les fonctionnements économiques en lien avec des phénomènes politiques, culturels et sociaux et au sein des sociétés africaines et dans leurs époques, sans avoir pour objectif d’envisager d’éventuels liens avec le présent. Il s’agit aussi d’envisager les enjeux documentaires qui se posent aux historiens. Nous souhaitons privilégier les processus économiques internes aux sociétés, sans exclure les interactions avec les institutions extérieures (impériales notamment) à condition que ces interactions permettent d’éclairer les fonctionnements des sociétés africaines.
La période concernée par cet appel à contribution exclut la période d’administration coloniale, dans la ligne éditoriale de la revue Afriques. Néanmoins, il faut prendre en compte le fait que ces dernières peuvent avoir préservé, dans les premiers temps de leur mise en place, des fonctionnements politico-économiques antérieurs : ainsi la documentation produite lors de l’instauration des administrations coloniales peut être utile pour comprendre les systèmes fiscaux et économiques préexistants. Par ailleurs, ce dossier entend contribuer à la discussion entre des champs de recherche parfois cloisonnés en raison de la diversité des aires géographiques (Afrique de l’Ouest, Sahel, Corne de l’Afrique, Afrique centrale, côte orientale, Madagascar et îles de l’océan Indien, etc.).
Nous invitons les personnes soumettant des propositions à bien expliciter les sources sur lesquelles elles s’appuient et qui peuvent être de nature variée (documentation issues de fouilles archéologiques, traditions orales et histoires orales, archives produites en Afrique subsaharienne ou à l’extérieur, données linguistiques, culture matérielle, iconographie, etc.). Les méthodes choisies pour produire l’analyse seront aussi décrites. Les propositions permettant d’explorer des périodes et/ou des aires culturelles moins documentées et moins connues jusqu’à présent sont encouragées, et l’aspect exploratoire sera retenu comme un critère positif dans la sélection des propositions.
Les articles pourront explorer les grands thèmes suivants :
les systèmes tributaires et fiscaux et les rapports entre structuration politique, définition des territoires et échanges économiques
les questions foncières
le rôle des monnaies (dans son acception la plus large)
les échanges commerciaux et les marchés
les échanges rituels et non marchands
les modes de production (au sens premier et pragmatique du terme)
les concepts et représentations de la valeur économique
l’impact économique de la circulation des idées, des technologies et des cultures matérielles nouvelles, du fait de la participation à des réseaux commerciaux à longue distance
Les objets d’étude peuvent être considérés à l’échelle micro-économique comme macro ou globale. Les approches quantitatives comme qualitatives sont les bienvenues, tout autant que les présentations de corpus de sources nouveaux ou revisités.
Modalités de contribution
Les propositions d’articles sont à envoyer sous la forme d’un résumé, en français ou en anglais, d’environ 500 mots, à samuel.sanchez chez univ-paris1.fr, Swanenj chez unisa.ac.za et anais.wion chez univ-paris1.fr
pour le 15 mars 2025.
La réponse d’une acceptation de principe sera envoyée le 1er avril. Les articles définitifs, d’une longueur de 10 000 mots maximum seront à rendre pour le 15 juillet 2025 pour une publication prévue fin 2026.
Évaluation
Les articles seront relus par les coordinatrices et le coordinateur du dossier, et par deux relecteur.ices anonymes.
Page créée le jeudi 30 janvier 2025, par Webmestre.