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Une analyse statistique, même si elle porte sur l’intégralité des textes promulgués dans le domaine judiciaire sous la IIIème République ne doit, en aucun cas entraîner des conclusions catégoriques. En effet, et ce rapport le démontre, le monde colonial est fait de nuances, de contradictions, de particularités, c’est un monde complexe, en permanente évolution et l’organisation judiciaire n’a pas échappé à ces caractéristiques.Toutefois, cette approche systématique permet de déceler des mouvements de fond, de confirmer ce que l’on supposait, de mesurer l’importance de l’implantation de la justice dans la stratégie de colonisation.
Le recensement de 1249 normes permet, dès l’abord, d’affirmer que la justice coloniale a fait partie des priorités pour l’Etat colonial. Le nombre important de textes modificatifs reflète bien les hésitations du législateur et les adaptations rendues nécessaires par les conditions d’implantation des institutions judiciaires. Les textes nouveaux, occupant une place importante même sur les dernières années étudiées, prouvent bien que, non content d’adapter des normes, le législateur métropolitain (le Président) ou local (le Gouverneur) a procédé à des expérimentations, il ne s’est pas contenté de reproduire un système.
Il ressort également de l’étude chronologique que le partage de pouvoir entre exécutif métropolitain et local a subi des variations. Jusqu’à la première guerre mondiale, le pouvoir normatif se partage à parts égales, de 1914 à 1926, ce sont les gouverneurs qui prennent la majorité des décisions en matière judiciaire. Cette tendance s’inverse complètement de 1927 à 1939 où, à nouveau, la métropole reprend le contrôle de la justice coloniale, à cette époque où priment les prescriptions économiques et le « centralisme » (voir décrets-lois de Poincaré), induits par les contrecoups de la guerre. Cette puissance des gouverneurs s’installe pendant le premier conflit mondial et il est tout à fait explicable que le gouvernement, en métropole ait d’autres préoccupations. De plus, dans le même temps, le « Parti colonial », fort influent dans les premières années de la IIIème République, perd de sa force, il est divisé et beaucoup moins actif. A la fin de la guerre, l’Etat français peut voir dans les colonies le moyen de recouvrer sa puissance, le « parti colonial », a travers de nouveaux dirigeants redevient puissant, il n’est donc pas étonnant que la métropole récupère son pouvoir législatif sur l’empire colonial.