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Appel
Date limite de soumission : lundi 25 mars 2024
Le renouveau de la foi chrétienne, manifesté par les « Great Awakenings » ou le « Higher Life Movement », qui s’accompagna de l’essor des moyens de transport et de communication, permit à de nombreux missionnaires catholiques et protestants, soutenus par des organisations missionnaires florissantes, de traverser les océans à des fins de prosélytisme religieux. Ces missionnaires évangéliques ont significativement influencé les sociétés où ils s’établirent. Ils furent même, à différentes échelles, acteurs majeurs des mutations sociales et culturelles qui s’y opérèrent. En envisageant leur agentivité de manière locale, régionale, nationale et transnationale, nous proposons à travers une journée d’étude une réflexion historique sur l’entreprise missionnaire européenne et nord- américaine internationale à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle. Il sera question d’élargir une première réflexion de l’agentivité locale des missionnaires dans les domaines religieux et sociaux, à leur agentivité nationale, puis transnationale. Nous valoriserons les contributions de chercheurs et chercheuses de disciplines variées (anthropologie, histoire, sociologie…), travaillant sur les thématiques des missions chrétiennes dans différentes aires géographiques, qui présenteront leurs recherches et confronteront leurs travaux durant cette journée d’étude en ligne intitulée « Missions et Missionnaires : agentivité, médiation et jeux d’échelle (1830-1920) », au terme de laquelle sera envisagée une publication dans une revue scientifique bilingue.
Bon nombre de romans tels que ceux d’Alexis Wright ou d’Abdulrazak Gurnah, invitent leurs lecteurs à s’interroger sur le passé des missions d’évangélisation et leur impact sur les communautés locales au long cours. S’inscrivant dans cette lignée, cette journée d’étude propose une réflexion historique sur l’entreprise missionnaire à la fin du dix-neuvième et au début du vingtième siècle. Le renouveau de la foi chrétienne aux Etats-Unis et en Europe de l’Ouest = manifesté notamment aux Etats-Unis par les “Great Awakenings”, au Royaume-Uni par le “Higher Life Movement” et le prémillénialisme ainsi qu’en France par le nouvel élan du catholicisme éprouvé par les Lumières et la Révolution =, s’accompagna de l’essor des moyens de transport et de communication dans ces mêmes pays qui permirent à de nombreux missionnaires catholiques et protestants, soutenus par des organisations missionnaires florissantes, de traverser les océans à des fins de prosélytisme religieux. Cette journée d’études se propose de se pencher sur la question du phénomène missionnaire et la dimension sociale des missions dans les sociétés où elles s’implantèrent.
Cette recherche s’inscrit dans un renouveau historiographique touchant aux missions et à leur rôle à différentes échelles. Les ouvrages de Brian Stanley (The Bible and the Flag, 1990), Susan Thorne (Congregational Missions and the Making of an Imperial Culture in Nineteenth-Century England, 1999), Andrew Porter (Religion Versus Empire ? British Protestant Missionaries and Overseas Expansion, 1700-1914, 2004), centrés sur les liens entre religion et empire, marquèrent un véritable tournant dans la perception des questions missionnaires. Leurs travaux ouvrirent la voie à de nouvelles études des missions (pratiques missionnaires, construction d’Eglises locales, rôle des femmes en tant que missionnaires et épouses de missionnaires (Patricia Hill, 1985), qui les resituèrent dans des dynamiques de réseaux transnationaux (Nielsen, Okkenhaug et Hestad-Skeie, 2011) tout en faisant jouer différents jeux d’échelles afin de dépasser un cadre purement impérialiste (voir par exemple le projet de recherche international MisSMO qui a pour objectif d’analyser le phénomène missionnaire au Moyen-Orient (XIXe - XXIe siècles) non seulement à l’échelle nationale ou locale, mais à l’échelle régionale).1
Les missions furent notamment acteurs des mutations sociales et culturelles des pays où ils opérèrent : l’agentivité des missions/missionnaires peut ainsi être envisagée de manière locale, régionale, nationale et transnationale. C’est par le biais de ce jeu d’échelles que nous nous proposons d’étudier les missionnaires et missions européennes et nord-américaines internationales. Nous élargirons une première étude de l’agentivité locale des missionnaires dans les domaines religieux et sociaux à leur agentivité nationale, puis transnationale de la seconde moitié du dix-neuvième siècle à la Première Guerre mondiale en dehors du territoire européen et nord-américain. Nous valoriserons lescontributions de chercheurs et chercheuses de disciplines variées (anthropologie, histoire, sociologie…), travaillant sur les thématiques des missions chrétiennes dans différentes aires géographiques de présenter leurs recherches et de confronter leurs travaux.
Agentivité locale et régionale des missionnaires
Le concept de “contextualisation” pensé par Peter Cheng-Main Wang (2007) comme les processus de réflexion mis en place par les Églises chrétiennes pour faire coïncider l’enseignement des principes du christianisme avec une situation missionnaire donnée nous invite à repenser les identités missionnaires de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle. Ces dernières ne furent pas seulement conditionnées par les contraintes socio-culturelles et climatiques de chaque “terre de mission”, mais également par la conception de l’ordre public que se faisaient, à chaque phase de la colonisation d’un territoire, les autorités de la métropole concernée. L’étude d’une entreprise missionnaire devient ainsi l’analyse dynamique de différentes interactions : interactions entre l’Évangile et un contexte missionnaire donné, entre les missionnaires et les convertis, entre les stratégies missionnaires et le contexte colonial formel ou informel dans lequel elles s’insèrent. C’est ce que se propose d’étudier le premier panel de cette Journée d’études qui s’ancre dans le microcosme des missions, afin de faire surgir de l’analyse d’événements ponctuels une compréhension globale des dynamiques missionnaires. On peut par exemple évoquer les réponses des missionnaires chrétiens aux émeutes anti-chrétiennes en Chine et en Corée, leur décision d’adopter ou non le vêtement traditionnel des pays où ils travaillèrent ou les solutions proposées aux coutumes traditionnelles autochtones qualifiées d’“idolâtres”, qui conduisirent dans le cas des missions catholiques à la “querelle des rites” et à la condamnation de l’accommodation. Les événements ponctuels ne débouchant pas forcément sur une compréhension globale, les participants seront également invités à présenter des études de cas démontrant l’échec des dynamique d’inculturation/acculturation. L’analyse du microcosme des missions se fondera sur leur action à l’échelle locale, ancrée dans les dynamiques particulières d’un champ missionnaire donné. Il conviendra dès lors de souligner les pratiques sociales des missionnaires (constructions d’églises, d’écoles, de dispensaires, d’hôpitaux, diffusion de l’imprimerie dans ses différentes formes…) et les tentatives de création et d’implantation d’Églises locales autonomes, non dépendantes d’une impulsion missionnaire, pérennisant ainsi l’administration des sacrements et la diffusion des doctrines et textes religieux. La question du rôle des femmes missionnaires, figures nécessaires à l’exportation d’un christianisme adapté aux femmes des pays évangélisés, et leur rôle dans la transformation interne des missions y est incontournable. L’étude des dynamiques de christianisation des sociétés évangélisées et son pendant, l’entreprise missionnaire de contextualisation, voire “d’autochnonisation” du christianisme est essentielle pour comprendre l’élaboration de ces microcosmes missionnaires. Leur fonction ultime est cependant de s’effacer pour faire place à une Église locale autonome, ne dépendant plus du soutien humain et financier d’agences missionnaires.
Agentivité nationale
La question des liens entre religion et empire, qui est au fondement de notre sujet, a été́ longtemps délaissée des historiens. L’ouvrage d’Andrew Porter (2004) souligne que les questions impériales ont principalement été étudiées dans une optique économique et politique et que les récits des missionnaires étaient davantage utilisés pour comprendre et analyser les cultures locales que dans une optique introspective des stratégies missionnaires. Nous tenterons de dépasser toute simplification binaire faisant des missionnaires de purs agents impérialistes ou des saints désintéressés de tout aspect politique. Bien que la présence des missionnaires chrétiens et des Églises qu’ils représentaient ait constitué une forme de soft power des nations d’origine, on aborde et on étudie rarement ces hommes d’Église comme acteurs non étatiques d’une diplomatie internationale comprise au sens large. Aucune étude sérieuse du soft power ne peut se faire sans aborder la question des acteurs non étatiques (Joseph Nye, 2013, p. 67). Nous rappelons qu’il n’est pas question ici de proposer simplement une vision des missions d’évangélisation en tant qu’agents des impérialismes occidentaux qui auraient contribué à l’expansion territoriale de ces empires, notamment à travers la soumission ou l’assujettissement culturels. Notre objectif consiste bien à enrichir le discours sur les missions en prenant en compte par exemple les liens missionnaires/locaux et missionnaires/politiques. Nous cherchons plutôt à mettre en lumière l’influence que pouvaient avoir et qu’ont eue les institutions religieuses sur la politique intérieure et extérieure, ainsi que sur l’imaginaire “impérial" de leurs pays (cas des Etats-Unis et du Brésil).
Agentivité transnationale
Enfin, nous nous interrogerons sur les ressorts menant à l’émergence d’un nouveau modèle de coopération œcuménique protestante, manifestée par le succès de la Conférence missionnaire mondiale d’Edinburgh, en 1910, qui rassembla plus de mille deux cents missionnaires de différentes obédiences protestantes. Il conviendra d’étudier l’agentivité transnationale des missionnaires et leur rôle dans des projets œcuméniques locaux, consistant à mettre en commun personnel et infrastructures pour plus de visibilité et dépassant ainsi les logiques de concurrence entre missions. L’essor de nouvelles dynamiques de coopération œcuménique sera étudié à l’échelle des missionnaires sur place, mais également au niveau des comités centraux de différentes missions. Nous questionnerons la portée de ces figures missionnaires comme messagers véhiculant une forme de conciliation internationale, afin de repenser les relations entre missions sur place, mais également, à plus grande échelle, entre différentes nations. Cela permettra de considérer la notion de conciliation internationale dans une périodisation nouvelle, comme un courant antérieur à la Première Guerre mondiale. La question du dialogue inter-religieux et du rapport des missionnaires avec les traditions religieuses des lieux où ils s’implantèrent sera également abordée. Bien que le catholicisme ou le protestantisme soient invariablement présentés par les missions étrangères comme porteurs de progrès social sur des questions comme l’esclavage, le mariage forcé ou dans certains cas le traitement des femmes, nous étudierons les tentatives de dialogue que les missionnaires mirent en place avec les traditions religieuses autochtones (culte des ancêtres, chamanisme, animisme) et les religions conquérantes ou instituées (Islam, hindouisme).
Modalités de soumission
Les propositions de communication, en français ou en anglais, composées d’un titre, d’un résumé de 500 mots maximum et d’une courte bibliographie sont à envoyer à cmorsikarim chez hotmail.fr et alice.decouvelaere chez hotmail.fr avant le 25 mars.
Comité d’organisation
Alice Laydevant- doctorante Université Paris Cité – Université Paris Saclay
Abdelkrim Morsi- doctorant Université Paris Cité
Comité scientifique
Bernard Heyberger - Directeur d’études de l’EHESS
François de Chantal, P.U Université Paris Cité
Edouard l’Hérisson – MCF l’Inalco
Maud Michaud – MCF le Mans Université
Colloque
Vendredi 7 juin 2024 (En ligne)
Veuillez-vous enregistrer en nous contactant sur morsikarim chez hotmail.fr
10h45 : mot d’introduction par les organisateurs
11h-12h : Panel 1 Agentivité locale des missionnaires : Implantation, acculturation et rivalités interdénominationnelles.
Présidence : Marie de Rugy, maître de conférences en histoire contemporaine (Asie du Sud-Est, colonisations françaises et britanniques et cartographie), ARCHE UMR 4800, Sciences Po. Strasbourg.
- Tan Caixia, Maître de conférences, Institut Catholique de Paris, Religion, Culture et Société : « les missionnaires protestants et l’éducation en Chine ».
- Anne Dalles Maréchal, docteure en histoire des religions et anthropologie religieuse, membre associée du Groupe Sociétés, Religions, Laïcité (CNRS), PRCE - Université de Saint Etienne Jean Monnet. : « Conflits entre Catholiques et Protestants en Mandchourie à la fin du XIXe siècle : exemples d’agentivités locales et transnationales ».
Temps d’échange : 20 minutes.
12h-13h : Pause déjeuner/lunch break
13h-14h30 : Panel 2 Rencontre interculturelle avec l’Autre : agency, genre et conflit d’altérité.
Présidence : Alan Kahan, Professeur des universités en civilisation britannique, CHCSC, Université Paris Saclay.
Catherine Ramey, PhD Candidate, Department of History, University of Waterloo. : “To give the mothers a chance to learn” : Canadian Missionary Women in Central Angola, 1880-1920.”
Edouard Coquet, Docteur en histoire contemporaine, Membre de la section Époques moderne et contemporaine, École française de Rome. : « Les missionnaires spiritains et "l’émancipation" des femmes au Cameroun et au Congo français dans l’entre-deux-guerres ».
Anthony Keller, Doctorant, Université de Strasbourg, UMR 7044 Archimède. : « Les missionnaires face à l’hindouisme : entre prosélytisme et ‘indigénisation’ 1890-1910 ».
Temps d’échange : 30 minutes.
14h30-15h : pause-café/Coffee break
15h- 16h30 : Panel 3 Charité chrétienne ! Amour du prochain ou prosélytisme opportuniste ?
Présidence : Bernard Heyberger, Professeur d’histoire (monde méditerranéen), directeur d’études de l’EHESS, chaire d’Anthropologie historique des chrétiens en Islam.
Gabriel Doyle, docteur en histoire, ATER en Études Turques Université Aix-Marseille, CETOBaC. : « L’humanitaire « catholique » pendant l’occupation d’Istanbul : Conceptions idéologiques et réseaux interpersonnels ».
Inès Mrad Dali, docteure en anthropologie sociale et culturelle, chercheuse rattachée au Centre d’Histoire de Sciences-Po-Paris, l’ERC « Slave Voices ». : « La congrégation des Pères blancs en Tunisie et la lutte antiesclavagiste à la fin du XIXe siècle ».
Giacomo Ghedini, docteur en histoire, chercheur associé au Centre Roland Mousnier - Sorbonne Université. : « Former un clergé indigène africain au XIX siècle : le phénomène méconnu des "moretti ».
Temps d’échange : 30 minutes
16h30 : Conclusion de la journée d’études
Page créée le mardi 21 mai 2024, par Webmestre.