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Séances de séminaires terminées
Samedi 23 septembre 2017, 14 h 30-17 h 30 : Marguerite Martin (IDHES Univ. Paris I), « L’indigo de Saint-Domingue : la production du bleu pour l’Europe, des Lumières aux révolutions atlantiques », séance de l’APECE
« À partir de la fin du XVIIe siècle, la partie française de l’île de Saint-Domingue devient le principal fournisseur d’indigo pour les manufactures textiles européennes.
Ce colorant bleu, extrait d’une plante tropicale, est d’une grande importance pour l’industrie européenne. En effet, au siècle de la « culture des apparences » (Daniel Roche), alors que la frontière entre luxe et nécessité s’atténue pour offrir un accès plus large à des étoffes de qualité médiane à une plus grande partie de la population, la solidité et la brillance de la couleur est un argument décisif d’achat pour les consommateurs, et l’approvisionnement en colorants exotiques devient essentiel pour les producteurs.
L’indigo sert principalement à la teinture des étoffes de laine, de coton, de lin et de soie, permettant d’obtenir des bleus, mais aussi une vaste gamme de couleurs, verts, violets, gris, noirs et blancs bleutés. Il est également utilisé en blanchisserie et en peinture. L’essor de son usage en Europe doit se comprendre dans le cadre d’un vaste essor de l’importation de colorants d’origine exotique depuis le XVIe siècle : en particulier la cochenille mexicaine, les bois de teinture (campêche, brésil), qui transforment profondément la palette des teinturiers.
La colonisation des Antilles, en provoquant le déplacement des centres d’approvisionnement en indigo de l’Europe, de l’Asie vers l’Amérique, a pour conséquence la mise en place d’une étroite association entre le modèle économique de la plantation esclavagiste, sur laquelle est produit l’indigo, et la production textile en Europe. L’importance de Saint-Domingue pour le marché européen de l’indigo au XVIIIe siècle a pourtant été longtemps minorée. Elle exige en effet de replacer l’île dans le contexte plus global de l’évolution comparée des zones de production d’indigo pour l’Europe, dans les empires coloniaux espagnol, anglais, français et hollandais. Tel sera l’objectif de cette communication, qui restituera les grandes étapes de l’expansion de la production à Saint-Domingue, examinera les raisons de sa chute et enfin, montrera comment l’indépendance haïtienne provoque un changement majeur dans les flux de distribution du colorant en Europe, obligeant les négociants français à trouver d’autres sources d’approvisionnement. »
Samedi 14 octobre 2017, 14 h 30-17 h 30 : Marie-Jeanne Rossignol et Bertrand Van Ruymbeck, « Une histoire de la Guinée », première édition française de ce livre d’Anthony Bénézet
Texte traduit et présenté par Marie-Jeanne Rossignol et Bertrand Van Ruymbeke
Ouvrage publié par la Société française d’étude du Dix Huitième Siècle
« Avec Une histoire de la Guinée, la traduction de Some Historical Account of Guinea, publié en 1771 à Philadelphie, le public français, grâce à M.-J. Rossignol et B. Van Ruymbeke (et à une équipe de collègues les ayant aidés lors du premier jet), dispose enfin de la « Bible » de l’anti-esclavagisme anglo-américain au 18e siècle. Son auteur, Anthony Benezet, d’origine huguenote, fit partie en 1754 des Quakers de Philadelphie qui réussirent à convaincre leurs coreligionnaires de s’engager sur la voie de l’abolition de la traite et de l’esclavage. A compter de cette date, il se mit à rédiger de nombreux pamphlets antiesclavagistes et à les diffuser en Grande-Bretagne. Une histoire de la Guinée constitue l’aboutissement de sa pensée militante et son plus long ouvrage : nourri de la lecture d’innombrables récits de voyage, traités scientifiques, journaux de bord, Benezet propose d’abord une histoire de la traite atlantique qui peint l’Afrique comme une terre heureuse et civilisée, ensanglantée par les guerres européennes. Puis il dénonce, documents à l’appui, le traitement réservé aux esclaves dans les colonies britanniques. John Wesley, mais surtout Thomas Clarkson, véritable moteur de la campagne britannique qui débute en 1787, seront des lecteurs assidus. En France, Brissot, fondateur de la Société des Amis des Noirs, chercha à faire traduire l’ouvrage mais la tentative ne put aboutir. »
Samedi 18 novembre 2017, 14 h 30-17 h 30 : Hélène Cussac, « Circulation, transmission et représentation de l’expression artistique (musique et danse) des Africains au XVIIIe siècle par des voyageurs européens »
« L’Afrique au 18e siècle, assez peu connue même si elle donna matière à la rédaction de récits par des voyageurs européens, était en Europe surtout envisagée comme un réservoir d’esclaves et pensée comme peuplée d’être primitifs et barbares. Or la littérature viatique nous livre un certain nombre d’informations sur les compétences artistiques des Africains, notamment dans le domaine de la musique et de la danse, dans une période où l’Europe s’intéressait aux découvertes de l’Autre et de l’Ailleurs et où nombre de traités sur la danse voyaient le jour.
L’observation d’un corpus d’une vingtaine de récits de voyages en Afrique (Guinée, Sénégal Congo, Sierra Leone, Dahomé, Afrique du sud, avec une incursion dans l’intérieur de l’Afrique) provenant d’auteurs français, anglais, danois, allemands, sur une période allant de la toute fin du XVIIe siècle avec le capucin Cavazzi jusqu’au début du XIXe siècle avec Mungo Park, révèle non seulement la passion des Africains pour la musique et la danse, lesquelles imprègnent leur vie quotidienne, mais aussi qu’ils les conçoivent comme de véritables performances porteuses de sens. L’étude de ce corpus montre aussi que l’approche des voyageurs – dont l’objectif du voyage pouvait être très différent – sur les arts est empreinte d’un ethnocentrisme qui les conduit aisément à dénigrer les talents africains pour exprimer la supériorité de la musique et de la danse européennes, précédant en cela le propos de Moreau de Saint-Méry à l’article DANSE de son Répertoire des notions coloniales paru en 1796, pour qui il semble « difficile de méconnaître à ces traits une danse simple, primitive, et appartenant à des peuples chez lesquels la civilisation a encore presque tout à faire ».
Nous éclairerons ainsi les savoirs que nous ont transmis les voyageurs en Afrique sur ces deux arts majeurs, et nous remarquerons en quelle mesure leur transmission fut parfois restreinte, souvent tronquée, même si on décèle, ici ou là, une écoute et un regard parfois plus généreux, faisant preuve de l’émergence d’une réflexion sur la relativité du goût. »
Cette conférence, qui a fait l’objet de deux communications différentes dans des colloques internationaux, sera publiée très prochainement sous forme de deux articles aux éditions Garnier, respectivement dans Les représentations du Noir dans la littérature, l’histoire et les arts européens et américains des XVIIIe et XIXe siècles, K. Benac éd. ; et dans Représentation des savoirs des « barbares », des « primitifs » et des « sauvages » dans la littérature et les arts des 18e et 19e siècles, F. Le Borgne, O. Barubé-Parsis et N. Vuillemin éds.
Samedi 16 décembre 2017, 14 h 30-17 h 30 : Pierre Serna (IHRF, IHMC, UMR 8066), « L’invention « de la peau noire » 1760-1802 »
L’intervention portera sur une interrogation paradoxale, la « découverte » ou plutôt les sens d’une nouvelle visibilité de la couleur de peau noire au XVIIIe siècle, durant la Révolution française, et enfin au début du XIXe siècle.
Les enjeux scientifiques autour des questions du monogénisme et du polygénisme accaparent une partie des spécialistes des sciences naturelles qui ne sont pas encore les sciences de l’homme après 1750. Buffon est pourtant catégorique sur ce point : la couleur de peau noire est le résultat d’une construction de plusieurs milliers d’années qui ne saurait en rien traduire quoi que ce soit d’une différence interne ou externe des Africains par rapport à tous les autres êtres humains. Le climat, la géographie, la nourriture expliquent cette différence de pigment que l’on peut qualifier de superficielle donc.
Avec la Révolution et ses débats, mais surtout avec l’abolition de l’esclavage, tout à coup, l’enjeu de l’égalité des peaux devient un élément de clivage sous-estimé mais à repenser pour mieux saisir comment l’esclave n’existant plus, c’est le « Noir » qui devient l’objet d’une stigmatisation pour les tenants d’un retour à l’esclavagisme, pour les défenseurs d’une contre-révolution qui rallie à elle les planteurs, et pour la société d’ordre qui ne supporte plus les innovations radicales de la Révolution, aboutissant finalement au rétablissement de l’esclavage en 1802.
Afin de mener cette enquête, une dizaine de dictionnaires d’histoire naturelle et ouvrages scientifiques ont été utilisés afin de mieux comprendre comment, loin de se tenir à l’écart de ce débat de société, les savants et médecins avaient largement contribué à l’invention de la catégorie de la Personne Noire (homme et femme traités distinctement) et finalement participé, à de rares exceptions intéressantes à étudier, à la stigmatisation nouvelle des Africains, préparant en retour la légitimation du second empire colonial.
Samedi 20 janvier 2018, 14 h 30-17 h 30 : Cécilia Elimort-Trani (Paris 1– IHMC-IHRF), « Etre prêtre sous le Consulat et l’Empire en Martinique (1802-1815) »
« L’année 1789 est un tournant dans l’histoire du royaume de France et de ses colonies. La Révolution française pose de nouvelles problématiques politiques, économiques et sociales. L’abolition des privilèges et la déclaration des droits de l’homme marquent définitivement les esprits et les mentalités. La religion catholique dominante depuis près d’un millénaire avait toujours tenu un rôle moteur dans l’ordre du clergé.
D’ailleurs, dans les espaces coloniaux, l’Église jouait un rôle missionnaire majeur en direction des populations à convertir (Amérindiens et Africains). Dès 1685, la parution et l’application de l’édit de Colbert rappelle la toute puissance de l’Église catholique dans la conversion et le respect du dogme dans les colonies esclavagistes.
Les idées révolutionnaires offrent de nouvelles perspectives aux populations de « couleur » dominées. Le clergé semble à bout de souffle. Pourtant, la Martinique touchée par la violence révolutionnaire (Patriotes contre royalistes) va écarter en 1794 ces menaces. L’occupation britannique va permettre une préservation des infrastructures économiques, politiques et sociales de la colonie. Le clergé est maintenu avec ses pratiques d’Ancien Régime, tout en intégrant les nouveaux enjeux de l’ordre colonial. Le clergé intégré à la société créole doit se reconstituer ainsi que son dogme. Le retour de l’administration française en 1802 par la Paix d’Amiens ouvre de nouvelles perspectives pour le clergé, en application du Concordat de 1801 et par le maintien et le renforcement des pratiques d’Ancien Régime en Martinique. Le clergé colonial est également perçu par l’administration et l’élite blanche comme défaillante depuis la Révolution. Certains appellent à un renouveau dit « missionnaire ». Quel impact sur le clergé colonial ? »
Samedi 10 février 2018, 14 h 30-17 h 30 : Éric Saugera, « Le retour de la France aux côtes occidentales d’Afrique sous le Consulat : la campagne de la corvette l’Impatient de Rochefort au service de la traite des Noirs »
« Après l’interruption de la navigation au long cours pendant les guerres de la Révolution, la signature de la paix d’Amiens avec l’Angleterre conjuguée au rétablissement de l’esclavage en mai 1802 permirent au commerce français métropolitain de réarmer vers les côtes occidentales et orientales de l’Afrique : à l’exception notable de La Rochelle, et de quelques ports de second plan comme Vannes, de Dunkerque à Marseille, tous les ports français qui avaient pratiqué la traite au XVIIIe siècle, reprirent du service. Pour stimuler la relance négrière, les négociants français, qui savaient le gouvernement consulaire acquis à leur cause, demandèrent la réapplication des incitations financières à la traite en vigueur sous l’Ancien Régime, à savoir prime par tonneau de jauge et prime par tête de Noir débarqué dans une colonie française. Avant de pouvoir exaucer cette demande, le gouvernement, conscient qu’il devait agir en faveur de sa marine marchande aux côtes d’Afrique, fit partir, le 21 septembre 1802, de son port-arsenal de Rochefort la corvette l’Impatient, pour Saint-Louis du Sénégal. Dans ses instructions le ministre de la Marine et des Colonies Decrès assignait au capitaine de l’Impatient, le lieutenant de vaisseau Arnous-Dessaulsays, une quadruple mission : prendre des fonds à Cadix et les remettre au comptable du Trésor de Saint-Louis ; transporter le nouveau gouverneur du Sénégal, le chef de brigade Blanchot de Verly, en remplacement du commandant Laserre dont la gestion à Saint-Louis avait provoqué l’expulsion ; participer à la reddition de Gorée que les Anglais devaient rendre à la France comme cela avait été convenu au traité d’Amiens ; mener une navigation de surveillance et de reconnaissance des côtes d’Afrique de Gorée au cap Formose, à l’ouest du delta du Niger, dans le golfe de Guinée, de visite des forts et comptoirs français délaissés depuis 1794, et de reprise de contact avec les souverains locaux dans la perspective de réactiver les affaires : achat de captifs, poivre, ivoire, gomme, huile de palme, etc. Pour « faciliter ses communications », écrit-il au ministre, le préfet maritime fit charger l’Impatient de marchandises de traite prélevées aux Magasins des Colonies et de la Marine de Rochefort, qui reprenait là son ancien rôle de port des colonies. La corvette de l’État fit plus que communiquer, en janvier 1803, elle chargea à Amokou, l’un des deux seuls comptoirs français sur la Côte d’Or avec Ouidah, une cargaison de 223 captifs… »
Samedi 17 mars 2018, 14 h 30-17 h 30 : J.-C. Halpern, « L’Égypte à la fin du XVIIIe siècle : embarras et incertitudes de la politique coloniale française »
L’Empire ottoman, et plus encore l’Égypte, occupent une position-clé pour le commerce français en Méditerranée. L’Égypte se trouve au carrefour de plusieurs mondes, l’Orient musulman, les Indes, et l’Afrique, au cœur de l’imaginaire colonial de la France de la fin de l’Ancien Régime, qui a perdu une partie de son empire après la guerre de Sept Ans, et assiste avec perplexité à la révolte des colons d’Amérique du Nord. L’Empire ottoman, allié traditionnel de la France, est l’objet des convoitises des deux empires tant d’Autriche que de Russie, et semble promis à un inéluctable démembrement.
L’Égypte elle-même connaît une crise profonde à la fin du XVIIIe siècle. La concurrence des empires coloniaux européens et des produits transformés ou fabriqués en Europe, vendus par les marchands marseillais, bouleverse les termes de l’échange et ruine son commerce. Le sultan de Constantinople peine à faire reconnaître son autorité et exerce une tutelle très relative sur le pouvoir des Mamelouks, qui se disputent le pouvoir et multiplient les prélèvements fiscaux et les exactions, y compris à l’égard des commerçants français : la production agricole régresse, et la population ne dépasse guère quatre millions et demi d’habitants.
Dans la France des dernières années de la Révolution, la fuite en avant de la république directoriale trouve dans une expédition en Égypte des enjeux multiples : maintenir des intérêts commerciaux menacés par la décadence de l’Empire ottoman, établir de nouveaux rapports de force en Méditerranée orientale, déplacer la guerre contre l’Angleterre et briser sa mainmise sur le commerce de l’Inde, mais fonder aussi une colonie nouvelle selon les idéaux libérateurs de la « Grande Nation », alternative prometteuse aux colonies esclavagistes d’Ancien Régime…
Samedi 7 avril 2018 : journée d’hommages à Léo Élisabeth
Samedi 7 avril 2018 : Une journée d’hommages à Léo Élisabeth (programme à venir)
Samedi 9 juin 2018, 14 h 30-17 h 30 : Jean-Pierre Le Glaunec, « Résister à l’esclavage dans le monde atlantique français et l’océan Indien : historiographie et pistes de recherche »
Jean-Pierre Le Glaunec, « Résister à l’esclavage dans le monde atlantique français et l’océan Indien : historiographie et pistes de recherche »
« L’objet « résistance à l’esclavage » n’occupe pas, semble-t-il, la « juste place » qui lui revient dans l’historiographie française. Alors que la question n’a pas cessé d’être étudiée dans l’historiographie anglo-saxonne depuis les années 1960, on est frappé par la "rareté" des travaux en France et par la perspective typologique généralement adoptée pour en parler, comme si les esclaves « résistants » devaient se contenter de rôles de figurants.
La présentation s’inscrit dans un tournant analytique récent porté par des chercheur-e-s dont l’objectif est de faire toute la lumière sur les stratégies de résistance des hommes et femmes esclavisés du monde atlantique français. »
La communication sera précédée de l’assemblée générale annuelle de l’APECE.
L’objectif de l’Association pour l’étude de la colonisation européenne (1750-1850) (APECE) est de favoriser les recherches et leur diffusion autour de la période dite "intermédiaire" entre les deux grandes phases de l’expansion coloniale européenne. C’est-à-dire entre l’apogée de la colonisation plantationnaire esclavagiste et sa remise en cause puis sa destruction plus ou moins radicale selon les lieux et les temps, ouvrant la voie à la "colonisation nouvelle" qui répudiait la traite et l’esclavage et se fixait une "mission civilisatrice" envers les peuples extra-européens...
Page créée le jeudi 25 janvier 2018, par Dominique Taurisson-Mouret.