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Appel
Date limite de soumission : dimanche 30 octobre 2022
Les Doctoriheales sont les journées d’étude des doctorant·e·s du CREDA (Centre de recherche et de documentation sur les Amériques). Pour cette huitième édition, elles se dérouleront à Rennes, en collaboration avec des doctorant·e·s de l’IRP Atacama-SHS et de l’ERIMIT.
Cette année, elles porteront sur la thématique des ressources et des Amériques. Ce thème a été choisi pour sa résonance avec les sujets de thèse de nombre d’apprenti·e·s chercheuses et chercheurs. Définie par les moyens dont un groupe dispose en vue d’une fin, la notion de ressource est aussi vaste que floue et il est nécessaire d’en interroger les limites. Dans le cadre de cette journée, nous invitons les chercheur·se·s en sciences humaines et sociales à penser leur proposition autour de cette notion transversale, qu’elle soit le point central de leur recherche ou que l’appel à communication mène à de nouvelles réflexions.
Définie par les moyens dont un groupe dispose en vue d’une fin, la notion de ressource est aussi vaste que floue et il est nécessaire d’en interroger les limites. Les ressources du sol cristallisent des enjeux de taille, qu’elles soient naturelles, agricoles ou minières, et c’est à celles-ci que l’on pense en premier pour caractériser les moyens matériels d’un territoire. Cependant, la notion de ressource recouvre des objets plus divers, qu’il s’agisse de structures (industries, infrastructures, communications), de capacités de travail (humains, machines, organisations socio-économiques), de connaissances (scientifiques, techniques, quotidiennes), etc. Pouvant être pensées comme matérielles ou immatérielles, réfléchies dans leurs origines ou leurs conséquences, les ressources catalysent de nombreuses et diverses circulations, oppositions et transformations essentielles à la caractérisation économique, sociale, politique et culturelle des Amériques, et ce tant à des échelles locales que nationales et internationales. Dans le cadre de cette journée, nous invitons les chercheur·se·s en sciences humaines et sociales à penser leur proposition autour de cette notion transversale, qu’elle soit le point central de leur recherche ou que l’appel à communication mène à de nouvelles réflexions. Pour ce faire, les communications pourront s’insérer dans l’un des axes suivants :
Axe 1 : Extraire
Une notion a profondément marqué les études sur les ressources, en particulier dans les Amériques, celle d’extractivisme. Elle consiste en l’extraction, directement dans le milieu naturel et sans retour vers lui, des ressources naturelles qui ne se renouvellent pas ou peu, lentement, difficilement ou coûteusement (Bednik, 2016). Mais la ressource ne s’arrête pas à celle d’origine naturelle. Ainsi, par extractivisme, il faut voir un processus d’appropriation et d’exploitation de tout savoir ou matière en vue d’en tirer l’utilité et la rentabilité maximale. Dans une logique prédatrice, l’extractivisme appréhende la ressource comme un gisement à exploiter jusqu’à son épuisement, le site de production étant ensuite délaissé et délocalisé sur un autre site. La place des États est essentielle dans ce processus, car leur position économique internationale oriente de manière significative les modalités d’extraction de leurs ressources. À l’échelle internationale, on passe de l’extraction à l’extractivisme.
La question se pose ensuite de savoir comment se fait la ressource. Toute une série de sciences, de techniques et d’outillages sont alors mis en œuvre afin de l’extraire et de la traiter, de former et d’organiser la main d’œuvre, d’agencer et connecter les espaces d’extraction. Les communications pourront s’intéresser aux échecs dans la mise en place de ces dispositifs : ils permettent d’étudier les limites de conceptualisation d’instruments conçus dans d’autres contextes et les interprétations locales qui en sont faites. Les échecs dans l’application de ces sciences et techniques sont un aspect trop peu souvent travaillé alors qu’il peut être bien plus révélateur des conditions locales de production de ressources, à rebours d’une vision positiviste du progrès.
Par ailleurs, l’organisation du travail, tant dans son quotidien que dans ses structures professionnelles, sociales, économiques, etc., est une partie essentielle de la production de ressources. Pour comprendre les techniques d’extraction des ressources, il faut donc aussi comprendre les techniques appliquées aux travailleurs (gestion de personnel, structures professionnelles, etc.). Cela ouvre plus globalement sur le lien entre homme et machine, dont l’étude anthropologique est riche de sens au moment de caractériser les productions de ressources.
Enfin, l’extraction est souvent évoquée avant tout par ses conséquences. Conséquences sociales tout d’abord, leur exploitation pouvant mettre à mal les organisations sociales locales préexistantes par leur destruction ou remplacement, bien que des hybridations peuvent apparaître, révélatrices des conditions dans lesquelles s’insère l’extractivisme. Conséquences environnementales évidemment, particulièrement intéressantes dans les cas de délocalisation des activités polluantes occidentales vers les territoires américains, à l’image de l’exploitation du lithium. Conséquences économiques également, les modes d’extractivisme définissant la place des territoires et des pays dans les circuits commerciaux internationaux. Conséquences politiques enfin, l’implantation d’activités d’extractivisme pouvant avoir des effets divers sur les régimes politiques : les renforcer par un apport en argent et en travail pour leurs citoyens, les menacer par des contestations locales ou l’entrée d’idées subversives, leur donner du poids de négociation à l’internationale comme renforcer leur position de périphérie extractive. Il est donc bien difficile d’estimer l’ensemble des conséquences que peut avoir l’extraction de ressources, aussi les communications pourront aborder des aspects plus particuliers et révélateurs de conséquences inattendues, notamment par la comparaison entre différents territoires d’extraction.
Axe 2 : Posséder
Les recherches en sciences sociales sur les communs prolifèrent en ce début de XXIe siècle. Elles s’efforcent de clarifier les différents régimes que recouvre la notion de commun au cours de l’histoire mais imaginent aussi de nouveaux systèmes de gestion des communs par delà l’État et les marchés (Ostrom, 2010). À l’instar du concept de propriété, celui de commun n’échappe pas aux confusions à l’origine de malentendus et de méconnaissance des systèmes économiques et sociaux.
Les communications qui s’inscrivent dans cet axe pourront porter un regard sur les systèmes d’usage et de valeur qui font de la matière une ressource. Qui sont alors les acteurs impliqués dans ce système d’usage et de valeur, derrière les termes génériques d’État, d’entreprise privée, organisation sociale, de travailleurs ou de consommateurs ? Comment se coordonnent-ils ? Quels sont les régimes de propriété et de mise en commun des ressources d’un point de vue légal mais aussi vécus par les populations concernées par leur production et leur consommation ? En somme, les communications pourront porter sur les modalités d’octroi et de concession de la propriété des ressources naturelles.
La question de la possession et des usages des ressources peut s’envisager d’un point de vue proprement spatial, auquel cas les communications pourront entre autres porter sur les mutations territoriales et du cours de la vie sur ces lieux, qu’il s’agisse de nouvelles dynamiques économiques comme l’exode rural ou de nouvelles technologies employées, et auquel cas on s’intéressera aux rapports entre l’homme et la machine, du tracteur à l’ordinateur. L’aspect spatial de la ressource inclut les mondes agricoles tout comme la problématique du logement, du tourisme, de l’extraction minière, etc. Tout en interrogeant ce qu’est un paysage, les communications pourront aussi porter sur la modification de ces derniers dans des contextes d’exploitation des ressources, ainsi que leur impact socio-environnemental. Penser la ressource du point de vue de l’espace, c’est aussi envisager sa trajectoire du lieu d’extraction au lieu de consommation tout en mettant en relief les implications du prélèvement de la ressource (Tsing, 2015) sur place comme dans sa circulation.
La ressource n’est pas seulement matérielle ou palpable, elle est aussi intellectuelle. Dès les premières décennies de la colonisation un personnage tel que Monardes donne l’exemple d’une reconnaissance de l’expérience des Indiens, à propos de la pharmacopée en l’occurrence, mêlée au regret que personne ne soit en mesure de s’approprier ces savoirs. Son regard de médecin se conjugue à celui de marchand pour revaloriser la pharmacopée américaine et en faire un objet de conquête (Boumediene, 2016). Qu’il s’agisse de savoirs, de savoir-faire ou de qualifications linguistiques, qu’ils concernent l’appréhension d’un groupe humain, d’un territoire ou de techniques en général, la ressource intellectuelle prend d’autres formes et implique des enjeux différents sans pour autant échapper aux conflits autour de son appropriation légale ou non. Aux yeux des prospecteurs états-uniens au Mexique, la biodiversité est par exemple “un type distinctif de ressource, uniquement et simultanément « participative », productive et informationnelle” (Hayden, 2013, p.53). Ressource matérielle ou intellectuelle, il s’agit de déceler les divergences de perceptions d’un même objet pour comprendre les malentendus et conflits autour d’elle. Les communications pourront notamment porter sur les multiples formes de propriétés et d’appropriation des ressources intellectuelles, qu’elles soient locales ou externes.
Axe 3 : Savoirs
Ce troisième axe portera sur les façons dont se pensent les ressources, et comment ces dernières créent elles-mêmes des savoirs, qui peuvent par la suite eux-même devenir ressources. En tant que productrice de connaissances, la ressource se transforme en lieu d’élaboration, d’évolution et de transformation de savoirs (Jacob, 2007).
La rencontre d’aires géographiques et culturelles très différentes, de multiples origines tant endogènes qu’exogènes, serait féconde en nouvelles compréhensions ou appréhensions et sont autant de facteurs qui participent à l’élaboration des savoirs. De tels phénomènes peuvent engendrer des hybridations, des réappropriations, mais aussi des conflits autour des savoirs. Ces derniers peuvent donc être dépendants des territoires, comme à l’inverse la présence de certains savoirs peut permettre la découverte et l’exploitation de ressources spécifiques. D’où l’importance d’analyser les contextes de création de savoirs, notamment en situation de protectionnisme ou d’extractivisme des ressources.
De ces contextes de création des savoirs dépendent leurs formes et matérialités. Les communications pourront notamment porter sur leurs supports matériels et immatériels, tels que les langues utilisées pour leur caractérisation. L’aspect linguistique est en effet ici essentiel car il définit la façon dont les savoirs sont conceptualisés et transmis, en particulier dans des contextes de forte oralité des connaissances. De même, une attention toute particulière pourra être donnée aux savoirs implicites, plus à même de passer inaperçus car vécus au quotidien et inconscients, à l’image des savoir-faire et savoir-être. De là, les réflexions pourront porter sur la grande diversité des savoirs liés aux ressources et en tant que ressource.
Enfin, la question de la transmission des savoirs est essentielle pour comprendre les enjeux dont ils sont l’objet, plus particulièrement dans des contextes d’exploitation des ressources. Dans ce point pourraient notamment être rassemblées les questions sur l’accès aux technologies de communication à l’ère d’internet et des intelligences artificielles. Il s’agit là d’un aspect de la circulation des savoirs qui peut difficilement être ignoré dans les études en sciences humaines et sociales sur le contemporain. Plus globalement, les formes, moyens et lieux d’apprentissage permettent de saisir les modalités d’élaboration et de circulation des savoirs entre les espaces et les générations. Les communications pourront notamment porter sur les mémoires de ces savoirs, et les conflits qu’elles peuvent générer, montrant que les connaissances en lien avec les ressources restent en constante évolution.
Axe 4 : Conflits
Ce quatrième axe porte sur les conflits, qu’ils éclatent à propos des ressources ou qu’ils constituent des ressources eux-mêmes. Le conflit « est l’une des formes de socialisation les plus actives » (Simmel, 2015 [1992]), de même qu’il « n’est pas un accident dans la vie des sociétés, il en fait partie intégrante » (Freund, 2015 [1992]). En d’autres mots, les dialectiques du je-nous / les autres lui sont fortement liées. Les Amériques offrent une palette très riche de situations où le conflit est présent, que ce soit dans ses configurations les plus silencieuses, discrètes, presque endormies, ou que ce soit dans ses manifestations les plus bouillonnantes et retentissantes. Plurielles et changeantes, les figures du conflit se déclinent sous différentes formes transgressives, libératrices, créatives. Figuratifs d’un monde en changement perpétuel, les récits du conflit mettent en discours un réel spatial « où se sont croisés des mécanismes politiques et des effets de discours » (Foucault, 2004).
Le conflit s’enracine sur des temps longs et devient mémoires, discours, ressources. Éléments constamment mobilisés dans des mouvements sociaux pour clamer ou transformer une identité profondément marquée par le passé. Dans un monde en perpétuelle transformation, les ressources sont aussi à la base de conflits idéologiques à propos de leur utilisation. D’une part, certains souhaitent utiliser les ressources au nom d’un progrès censé apporter des avancées sociales à l’ensemble de la société. Pour d’autres, l’exploitation des ressources est à l’origine d’une crise climatique de plus en plus accentuée, et conduit à une répartition toujours plus inégale du pouvoir économique. Ceux-ci sont notamment attachés à la conception du Buen Vivir qui conteste la notion même de développement et privilégie le “faire” sur l’“avoir”, jusqu’à repenser la relation entre l’homme et la nature, qui ne doit pas être perçue comme une source de prédation et d’appropriation, ce qui revient à questionner la notion même de ressource (Unceta, 2014).
En plus des questions temporelles, les ramifications spatiales des conflits, entre le local et le global, sont un autre facteur important dans leur étude. Les ressources sont notamment au cœur de conflits internationaux pour leur appropriation, mais aussi de tentatives de régulations internationales. Il est également important d’envisager les multiples échelles de conflit, que ce soit entre un territoire et sa capitale régionale, avec les autres régions, les autres pays du continent ou bien à l’échelle des circulations planétaires.
Les propositions pourront, à partir d’approches pluridisciplinaires, aborder des problématiques diverses qui gravitent autour de la notion du conflit : discours, mémoires, organisations sociales, résistantes ou mouvements sociaux. Elles pourront se focaliser sur les conflits pour les ressources immatérielles comme les revendications identitaires ou la demande de reconnaissance de droits sociaux.
Calendrier
Les propositions de communication devront parvenir avant le 30 octobre 2022.
Les notifications d’acceptation seront adressées aux intervenant·e·s au plus tard le 15 novembre 2022. Les communications finales sont attendues pour le 3 janvier 2023.
Modalités de proposition
Les propositions de communication devront contenir entre 3 000 et 4 000 signes (titre, sujet, problématique et éventuelles hypothèses, terrain(s) et/ou corpus, méthode d’enquête et résultats de recherche). Elles indiqueront le titre de la communication, l’axe choisi ainsi que trois mots clés et seront accompagnées d’une brève présentation de l’auteur·e.
Les propositions de communication sont à envoyer en un seul fichier PDF nommé de la façon suivante : 2023_NOMdel’auteur·e_proposition (ex : 2023_DUPONT_proposition.pdf) à doctoriheales2023 chez gmail.com
avant le 30 octobre 2022.
Comité d’organisation : Agathe Alexandre, Vincent Arpoulet, Marie Vesco, Doctorant.e.s du CREDA ; Vincent Daumas, Daniela Durán Cid, María Angélica García Hernández, Doctorant.e.s de l’ERIMIT et IRP Atacama
Colloque
18-19 janvier 2023 (Université de Rennes 2)
Page créée le lundi 26 septembre 2022, par Webmestre.