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Colloque
8-9 novembre 2018 (Université Paris-Nanterre)
Autorisation de la GPA, statut des embryons congelés, réflexion sur l’euthanasie, légalisation de la prostitution, réattribution sexuelle, la question du corps est plus que jamais d’actualité pour le législateur, le juge et le justiciable. L’absence de consensus sur ces questionnements et les débats passionnés qu’entrainent toutes les problématiques liées au corps sont la conséquence directe de la difficulté à définir juridiquement ce concept.
Effectivement, il faudra attendre les lois dites bioéthiques (94-653) du 29 juillet 1994 pour observer une prise en compte du corps par le législateur en France. L’article 16 de ce corpus est particulièrement décisif puisqu’il dispose que le corps humain est inviolable. En cela, le législateur vient consacrer les principes que le juge avait dégagé à plusieurs reprises : le 3 juin 1969 lorsque le TGI affirme qu’une convention portant sur la peau est nulle ; le 22 janvier 1988 et le 13 décembre 1989, quand, respectivement, le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation décident que les contrats de mères porteuses sont invalides.
Pour autant, même lorsque le corps est pris en compte, protégé par la loi, c’est compte-tenu de son lien avec ce qui fait de nous des personnes : l’humanité, ce concept immatériel qui confère à tout homme une dignité qu’il convient de respecter. C’est ainsi que les lois bioéthiques de 1994 ont attribué au corps un statut juridique au nom de « la primauté de la personne et de l’interdiction de toute atteinte à la dignité de celle-ci ».
C’est aussi cette motivation qui anime le juge administratif dans le célèbre arrêt du Conseil d’Etat du 27 octobre 1995 qui interdit au nom de la dignité de la personne humaine, le lancer de nain. Au final, nulle définition juridique du corps. Seulement la qualification de res extra commercium pour ce qui est du corps vivant ou mort, et de ses dérivés. On notera que si les pays de tradition civiliste tendent à considérer juridiquement le corps de la même façon qu’en France, les systèmes de Common Law se révèlent globalement plus souple quant à sa réification. L’impuissance du droit à définir et encadrer juridiquement le corps s’explique par le fait qu’il s’agit philosophiquement d’une zone grise. A minima, le corps est ce qui constitue la matérialité d’un être vivant, sa dimension physique, mais il est difficile d’aller plus loin.
En effet, il existe dans la doctrine une ferme opposition entre dualisme et monisme quant à la question du corps et de sa définition.
Dans la conception traditionnelle dualiste, le corps corruptible et l’âme immortelle coexistent au sein d’un même Être humain, mais de manière séparée et antagoniste. L’âme fonde l’existence humaine en valeur tandis que le corps n’en est que l’incarnation matérielle. Par ailleurs, il y a dans la tradition dualiste un soupçon porté sur le corps qui est un lieu de passion, de maladie, d’illusion et qui emprisonne l’âme qui ne peut accéder à la vérité qu’une fois la mort survenue.
La conception moniste est plus récente. On peut dater son avènement avec Spinoza au XVIIe siècle pour qui l’âme et le corps sont les deux expressions distinctes d’une même substance. Il n’y a pas de hiérarchie et l’un n’agit pas sans l’autre. On observe au contraire un parallélisme : ce qui se passe dans l’un à une correspondance dans l’autre. L’âme existe par l’intermédiaire du corps qui, en tant qu’espace expressif, véhicule l’être au monde et fait de nous des personnes. Selon que le corps est envisagé comme subordonné (dualisme) ou non (monisme) à l’humanité qui réside en chaque personne, son appréciation par le Droit change.
Pour reprendre la classification que le professeur Jean-Pierre Baud a dégagé dans L’affaire de la main volée – Une histoire juridique du corps, le corps peut, selon la tradition philosophique embrassée, être envisagé de trois façons différentes. Tantôt comme simple chose parmi les choses dans la tradition dualiste la plus pure ; tantôt comme une extension de la personne pour les partisans du monisme ; tantôt encore comme une res sui generis pour les tenants d’une troisième voie intermédiaire entre le monisme et le dualisme.
Nous allons aujourd’hui modestement tenter de faire le point sur le statut juridique du corps. Pour ce faire, nous convierons l’Histoire du Droit, l’Anthropologie juridique, la Philosophie du Droit et le Droit positif. Surtout, tout au long de ces deux journées, nous nous transporterons en différents lieux et à différentes époques pour, au moyen de ce voyage temporel et spatial, tenter de dessiner une histoire et une géographie de l’appréciation du corps par le Droit.
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A noter :
Jeudi 8 novembre 2018, matin
Amanjit Kaur Sharanjit, Université Paris Nanterre, « De l’Anthropométrie au Droit – La juridicisation d’une approche racialisée des castes dans l’Inde coloniale »
Jeudi 8 novembre 2018, AM
Maurice Sanou, Université Paris Nanterre, « En quête de vérité : l’interrogation du corps pour une réponse juridique chez les Bobo-Fing du Burkina Faso »
Vendredi 9 novembre 2018 AM
Boubou Ba, Université Paris Nanterre, « L’excision, entre coutume et mutilation : Regard anthropologique »
Page créée le mardi 25 septembre 2018, par Dominique Taurisson-Mouret.