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Appel
Date limite de soumission : vendredi 30 avril 2021
Le centenaire de la bataille d’Anoual (1921) est l’occasion de repenser dans son ensemble la guerre du Rif, qui a mis aux prises les forces armées rifaines, françaises et espagnoles. Objet à la fois singulier, par sa nature et le terrain sur lequel elle se déroule, la guerre du Rif doit se lire de multiples façons, en confrontant les historiographies nationales et en décloisonnant des champs historiographiques particulièrement renouvelés ces dernières années. Le colloque sera très attentif à mettre en relation des archivistes et des chercheurs venus des trois pays concernés par l’événement (France, Espagne, Maroc), et travaillant dans des domaines différents (histoire militaire, histoire coloniale, histoire politique, histoire des relations internationales, liens entre histoire et mémoire, mais aussi anthropologie ou histoire de la santé…), rarement réunis lors de manifestations scientifiques.
En 1921, un corps d’armée espagnol est anéanti à Anoual, près de Mellila (Maroc), par les troupes coalisées venues des montagnes rifaines. Cette défaite, l’un des plus grands désastres militaires subis par une armée coloniale, est considérée comme le début de la guerre du Rif, succession de conflits armés qui opposent les forces coloniales de l’Espagne (entre 1921 et 1926) puis de la France (entre 1925 et 1926) aux forces armées rifaines.
Cent ans après cette bataille, ce colloque exploratoire entend réunir une équipe internationale de chercheurs afin d’établir l’état des sources et de l’art sur la guerre du Rif, de proposer de nouvelles analyses et de lancer une dynamique de recherche autour des questions posées par l’événement.
L’ambition de ce colloque exploratoire est donc de renouveler les approches historiques et de susciter un certain nombre de propositions de recherche. Considérée à l’échelle internationale comme la première guerre de décolonisation, la guerre du Rif apparaît, à l’échelle du Maroc en guerre, comme un conflit colonial dont le colloque entend interroger la définition en s’appuyant sur les derniers renouvellements historiographiques. La guerre du Rif montre également une forte interconnexion entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée, par l’existence d’intenses circulations, qui modifient en profondeur les sociétés concernées : en décloisonnant l’événement, il s’agit de relire l’histoire de l’entre-deux guerres dans ces espaces selon une perspective d’histoire connectée, attentive à la diversité des sources. Il s’agira enfin d’interroger la construction des historiographies nationales et de réfléchir aux prolongements mémoriels de l’événement, souvent occultés dans les sociétés contemporaines.
Le programme entend mettre en valeur l’originalité de l’approche choisie, ainsi que les multiples dimensions et enjeux de la guerre du Rif, en privilégiant notamment la diversité des échelles d’analyse, l’importance des circulations et des connexions entre les deux rives de la Méditerranée, et la confrontation d’analyses de chercheurs venus d’horizons divers, tant par leurs origines que par leurs spécialités et terrains de recherche. Il sera précédé d’une table-ronde composée d’archivistes afin de faire le point sur la documentation disponible.
La vocation exploratoire du colloque est ici réaffirmée : il s’agit de lancer des pistes de recherche et de mettre en place un réseau international de chercheurs, dans l’objectif de poser les bases d’une collaboration future lors de projets à court terme (publication d’ouvrage, édition d’archives).
Les propositions devront prioritairement s’inscrire dans un ou plusieurs axes de réflexion suivants :
Axe 1 : la guerre du Rif, une guerre coloniale ?
Diversifier les lectures du conflit au-delà de la dichotomie pacification/résistance
Les guerres coloniales se distinguent par un certain nombre de caractéristiques spécifiques. Cependant, les récits de la « pacification » comme ceux de la « résistance » aux armées coloniales tendent à homogénéiser les acteurs en présence. C’est particulièrement le cas lors de la guerre du Rif où les affrontements ne se résument pas à l’opposition armée coloniale/populations « indigènes » et mettent en scène une plus grande diversité de protagonistes et de logiques d’affrontements. En dépassant les récits convenus de la « conquête », de la « résistance », l’objectif de ce colloque est d’ouvrir les lectures possibles d’un conflit colonial en intégrant la diversité des acteurs du conflit.
Nouvelles pistes sur la violence des guerres coloniales
La violence de cette guerre a été largement occultée, autant par le pouvoir colonial que par la mémoire nationale au Maroc. Les effets d’un usage intensif de l’artillerie de montagne et du bombardement aérien sont tus et rarement documentés par les archives militaires coloniales alors même que la terreur des bombardements est récurrente dans la littérature orale des populations berbérophones dans le Rif.
La guerre du Rif se distingue par un investissement opérationnel rarement égalé dans un conflit colonial, que ce soit par les effectifs rifains mobilisés et l’emploi massif de l’artillerie dans les trois armées espagnoles, françaises et rifaines. Coexistent également durant le confit des formes très diverses de violences sur les corps sur lesquels le colloque entend s’interroger : des bombardements aériens massifs aux armes chimiques en passant par la mutilation des corps, notamment dans les mises en scènes des cadavres photographiées, européens ou rifains.
Axe 2 : expériences et engagements politiques
La « République du Rif » : un objet politique non-identifié
Chef de guerre, Abdelkrim El Khattabi est aussi un chef politique : il met en place une « République du Rif », qu’il tente de faire reconnaître par la SDN, et dont la nature est encore un motif d’interrogation pour les historiens. Cette république confédérée des tribus du Rif, qui prend forme en février 1923, a l’apparence d’un modèle politique délibératif, d’une greffe d’un État moderne, mais dont le contenu reste problématique notamment en raison du maintien des structures tribales et du confrérisme, dont elle est la négation. L’utilisation de nouvelles sources, notamment espagnoles et marocaines, doivent être l’occasion d’une relecture de cette expérience politique singulière, portée par un chef charismatique.
Fractures politiques métropolitaines (France et Espagne)
La revendication nationale des Rifains a eu d’importants échos dans les milieux révolutionnaires de France et d’Europe. D’abord hésitant sur la nature du combat mené par Abdelkrim, le Kominterm change de position avec l’entrée de la France dans le conflit et affirme son soutien à la lutte anti-impérialiste. Pour les communistes français, la guerre du Rif devient le symbole de la mauvaise guerre et le point de départ d’une virulente contre-offensive antimilitariste, riche d’incidents fortement médiatisés. Si ces épisodes ont fait l’objet de plusieurs études, on connaît moins les répercussions politiques de la guerre du Rif sur le reste du paysage politique et sur les relations politico-militaires, notamment en France.
Axe 3 : enjeux historiographiques et mémoriels (France, Espagne, Maroc)
Des historiographies nationales concurrentes
Une des originalités de l’approche est de décloisonner et de confronter les historiographies nationales, qui sont parfois concurrentes. Il s’agira de mettre en avant les différences de traitement dans les histoires officielles, et de comprendre notamment la persistance de silences autour de l’événement et ce qu’ils révèlent.
Un enjeu de mémoire(s)
De la même manière, la guerre du Rif n’occupe pas la même place dans les mémoires collectives suivant les groupes ou les pays concernés. Il faut souligner ici l’apport de nouvelles sources : enquêtes orales, mais aussi productions culturelles ou audiovisuelles, afin de fournir des clés de compréhension de l’événement mais aussi des sociétés méditerranéennes concernées, dans leur rapport au passé, en particulier la part coloniale de leur histoire. L’appel à d’autres disciplines sera également fécond : nous pensons notamment aux anthropologues ou autres spécialistes de la santé, pour envisager la question des effets sanitaires à long terme du conflit sur les populations. Enfin, la mémoire militaire du conflit a peu été étudiée, en particulier la circulation des mémoires combattantes et les interactions des politiques mémorielles (France, Espagne, Maroc).
Modalités de contribution
Les propositions de communication (en français ou en anglais) sont à renvoyer à colloquerif2021 chez gmail.com avant le 30 avril 2021
Elles devront comporter un titre, un résumé de la proposition ainsi que les sources envisagées (une page maximum). Le comité scientifique se réunira au début du mois de juin 2021 et donnera sa réponse dans les jours suivants.
Comité d’organisation : Walter Bruyère-Ostells (SHD/Sciences Po Aix/Mesopolhis), Karima Dirèche (CNRS-TELEMME), Aurélia Dusserre (AMU-IREMAM), Arnaud-Dominique Houte (Sorbonne Université - CRH19), Mathieu Marly (Université de Lille - IRHIS).
Colloque
Du 17 au 19 novembre 2021 (Maison méditerranéenne des sciences de l’homme)
Accès libre sur présentation d’un pass sanitaire
Accès à distance par lien Zoom (bientôt disponible sur https://www.iremam.cnrs.fr/fr/actualites
Mercredi 17 novembre 202
14h15 -15h30 Ouverture du colloque
Cédric Parizot (IREMAM) et Céline Regnard (MMSH, TELEMMe) : Ouverture officielle du colloque
Aurélia Dusserre (AMU) et Arnaud-Dominique Houte (Sorbonne Université) : Introduction du colloque
Daniel Rivet (Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne) : Introduction générale
15h30-16h45 Session 1, histoire du mouvement rifain
Présidence : Mimoun Aziza (Université Moulay-Ismail, Meknès)
- Maria Rosa de Madariaga (Sorbonne Université) : Quelques considérations sur l’État rifain
- Mathieu Marly (Sorbonne Université) : Mobilisations armées et motivations combattantes dans le mouvement rifain
17h-18h15 Session 2, réactions à la guerre
Présidence : Severiano Rojo Hernandez (AMU)
Géraud Letang (Service Historique de la Défense) : La mémoire de la guerre du Rif chez les Français libres (1940-1944)
- Aurore Kamichetty (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Montréal) : Les représentations de l’usage des armes chimiques lors de la guerre du Rif
Jeudi 18 novembre 2021
9h15-10h45 Session 3, théâtres de guerre
Présidence : François Dumasy (Sciences-Po Aix)
James Roslington (Université de Cambridge) : Piracy and maritime jihad in the Rif War, 1921-26
- Mohamed Daoudi, (Université Hassan II, Casablanca):Yankee Flyers on the Rif Front : the Story of the Escadrille de la Garde Chérifienne
11h-12h15 Session 4, à l’échelle méditerranéenne
Présidence : Daniel Rivet (Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Antoine Perrier (CNRS) : La guerre du Rif vue de Tanger : les échelles du conflit rifain dans le nord du Maroc
- Odile Moreau (Université Montpellier 3) : Prélude à la guerre du Rif au Maroc (1921-1926)
14h-15h15 Session 5, un débat politique international
Présidence : Arnaud-Dominique Houte (Sorbonne Université)
Alfonso Bermúdez Mombiela (Université de Saragosse) : New approaches to the Rif War from the anarchist perspective
- Eloïse Dreure (Université de Bourgogne) et Corentin Lahu (Université de Bourgogne) : Bolchévisation et répression : les communistes à l’épreuve de la guerre du Rif
15h45-17h45 Session 6, mémoires et récits berbères
Présidence : Karima Dirèche (CNRS)
Malika Assam (AMU) : Narrations berbères de la guerre du Rif
- Lahcen Addichane (AMU) : La guerre du Rif dans les manuels scolaires d’enseignement du berbère au Maroc
- Brahim El Manouti (AMU) : La guerre du Rif à travers les romanceros espagnols et la poésie de résistance rifaine
Vendredi 19 novembre 2021
9h30-10h : Philippe Merchez (Université Lumière-Lyon 2)
Travail photographique en cours : traces et symboliques, l’histoire au présent
10h-12h : les archives en question
Présidence : Walter Bruyère-Ostells (Sciences-Po Aix/SHD)
Table-ronde : Jamâa Baïda (Archives nationales du Maroc), Agnès Chablat (Archives diplomatiques de Nantes), Sarah Clinet (Archives diplomatiques de La Courneuve), Adrien Delmas (Centre Jacques Berque), François Royal (Service historique de la Défense )
13h30-15h30 Session 7, mémoires vives
Présidence : Sophie Baby (Université de Bourgogne)
Mònica Rius-Piniés (Université de Barcelone) : L’utilisation du genre pour blanchir l’histoire : une analyse de Tiempos de Guerra
- Badiha Nahhass (IURS-Université Mohamed V, Rabat) et Zakaria Rhani (Université Mohamed V, Rabat) : La guerre chimique au Rif et ses mémoires incorporées
- Mimoun Aziza (Université Moulay-Ismail, Meknès) : Les enjeux historiographiques et mémoriels de la Guerre du Rif (Maroc-Espagne)
15h30-16h Conclusions du colloque
Karima Dirèche (CNRS)
Comité d’organisation :
Aurélia Dusserre, Aix-Marseille Université, IREMAM
Karima Dirèche, CNRS, TELEMMe
Arnaud-Dominique Houte, Sorbonne Université, CRH19
Mathieu Marly, Sorbonne Université, IRHiS
Walter Bruyère-Ostells, Sciences-Po Aix, MESOPOLHIS, SHD
Cécile Kensy, MMSH
Sylvie Laurens, MMSH
Isabelle Lenoir, IREMAM
Marie-Pierre Oulié, IREMAM
Page créée le samedi 23 octobre 2021, par Dominique Taurisson-Mouret.