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Appel
Date limite de soumission : lundi 15 juillet 2024
7ème congrès de la Société Camerounaise d’Histoire Ebolowa : 4-6 décembre 2024
La question des frontières est une question transversale qui croise à la fois la politique, la diplomatie, la culture, l’économie, la guerre, le genre, la religion, etc. En Afrique, cette problématique a pris, depuis 1884, des tournures souvent dramatiques dues aux tragédies que le partage à l’aveuglette des terres a provoqué à l’issue du congrès de Berlin (de novembre 1884 à février 1885). Dès lors, les reconfigurations qui vont se faire vont à la fois désintégrer ceux qui étaient déjà intégrés, et intégrer ceux qui vivaient encore de manières éparses, en dehors de toute structure étatique solide.
Ainsi se décline le drame de l’Afrique dont les conséquences se font encore gravement sentir de nos jours. Le tiraillement entre la vision africaine traditionnelle de la frontière et celle imposée par la colonisation, puis entérinée par l’OUA, pose en effet de sérieux problèmes aux Etats de nos jours. À travers les externalités positives et négatives qui impliquent très souvent les peuples trait d’union, l’Afrique a du mal à se situer dans l’esprit rigide de 1884 (Enoka, 2014 : 18-24).
Les questions de la désintégration et de l’intégration provoquées par le partage de Berlin ont constamment préoccupé les chercheurs et les politiques. Si certains ont préféré maintenir le statu quo issu du découpage des frontières de 1884-1885, d’autres ont pensé qu’il est possible de dépasser ces frontières dessinées à l’aveuglette sur une carte.
Pour corriger les drames causés par les divisions arbitraires de la colonisation depuis le Congrès de Berlin, l’Afrique nouvellement indépendante a, pour ce faire, créé l’OUA le 25 mai 1963, à Addis-Abeba. Cette organisation voulait harmoniser les rapports entre pays africains afin d’éviter que les divisions nées de la colonisation n’entravent la marche de l’Afrique vers sa souveraineté et sa dignité. Si, pour certains, comme Nkrumah, il fallait purement et simplement gommer les frontières souveraines au profit d’un Etat supra national, en quelque, sorte faire un « contre congrès de Berlin »[1], d’autres, comme Felix Houphouët-Boigny, insistèrent sur le principe du respect des frontières héritées de la colonisation.
Dans l’un comme dans l’autre cas, les problèmes et les réticences soulevés devenaient plus complexes et le statu quo fut arrêté sur les frontières bâties par les colonisateurs sur la base du principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Aveu d’échec des Africains ou manque de vision sur leur destin ? Victoire de la ruse du colonialisme due à l’incapacité des Africains à faire face à de nouveaux défis plus inquiétants et plus incertains ? Toujours est-il que le choix qui fut fait de respecter les frontières héritées de la colonisation s’est trouvé dans plusieurs cas remis en cause entre Etats voisins. On peut citer, entre autres, l’Egypte et le Soudan au sujet des deux triangles (Bir Tawil et Halayeb), l’Ethiopie et l’Erythrée, l’Ethiopie et le Soudan, le Tchad et la Libye, le Maroc et l’Algérie, le Maroc et le Sahara Occidental, le Sénégal et la Gambie, le RDC et le Rwanda, l’Angola sur le Cabinda, le Cameroun et le Nigéria, etc. C’est l’Afrique tout entière, hier comme aujourd’hui, qui souffre des conflits frontaliers.
Si l’on considère les frontières comme des lignes de démarcation, on observe que la question des frontières en Afrique va bien au-delà des querelles sur les tracés. En effet, ces découpages ont fait disparaître des langues et ont fait naître d’autres. La culture, les habitudes sont donc intimement liées aux frontières. De même, les questions de mobilité se sont avérées terribles au fil du temps. Les peuples qui hier vivaient ensemble se sont vus divisés et octroyés des nationalités elles-mêmes incapables de tuer les rapports culturels ancestraux.
La question des frontières interpelle donc l’Afrique et le Cameroun sur plusieurs points. Elle invite d’abord à bien connaître le passé en la matière. Ensuite, elle oblige à comprendre les différentes appréhensions de la frontière depuis 1884 avec ses réussites et ses échecs. Enfin, elle invite à observer la frontière avec un regard neuf sur les migrations transfrontalières en particulier et les migrations dans leur sens global, les sécessions ou les tentatives de sécession, les exclusions et les inclusions culturelles et religieuses, le codéveloppement, les peuples traits d’union, la gestion des ressources naturelles partagées, les conflits frontaliers, les frontières religieuses, imaginaires, etc.
Les réflexions pourraient donc toucher les axes ci-dessous :
Axe 1 : Frontières, intégration et désintégration en Afrique des origines à 1884
Ici, il est attendu que les propositions touchent l’Afrique ancienne depuis l’Egypte pharaonique jusqu’aux royaumes, empires et structures politiques plus légères comme les sociétés lignagères qui, contrairement aux apparences, avaient une vision assez originale de la frontière. Cette section gagnera à analyser les réussites, les échecs, les solidités et les fragilités des modèles de frontières adoptés par ces anciennes structures politiques.
Axe 2 : Les tares durables du partage de l’Afrique et leurs effets sur l’évolution et le développement de l’Afrique
L’entérinement du partage de Berlin a produit des effets négatifs sur l’évolution de l’Afrique. C’est ainsi que des micro-nationalismes, des égoïsmes et des replis sur soi peuvent apparaître comme des freins à l’évolution de l’Afrique dans un monde qui laisse peu de place aux micro-Etats. Cet axe va donc examiner les tares qui perdurent jusqu’ici comme les guerres de frontière, les affrontements pour les ressources, les batailles d’hégémonie, les regroupements en blocs aux antagonismes larvés : Afrique Anglophone, Afrique Francophone, Afrique arabe etc., l’insécurité transfrontalière, la guerre des ressources sur fond de protection de la frontière, etc.
A côté de ces tares, nous observons une montée croissante des sécessionnismes qui mettent à mal les regroupements déjà existants. C’est le cas de la CEDEAO qui s’est vu amputée du Mali, du Burkina Faso et du Niger ou même du Soudan qui s’est vu divisé en deux.
Axes 3 : Les migrations et les frontières en Afrique
Dans un contexte marqué par la mondialisation, la question des migrations internationales est une préoccupation constante. Les frontières tendent ainsi à devenir des barrières migratoires entre les Etats. Il s’agit ici de prendre en compte le paradoxe résidant dans l’érection de multiples barrières migratoires en Afrique et dans le monde en ce qui concerne la ruée des Africains vers l’Occident. La migration ne doit pas ici se limiter aux à celles qui mènent les Africains hors de leur continent mais aussi aux migrations intra-africaine, etc.
Axe 4 : Les peuples traits d’union et les externalités transfrontalières
Les frontières héritées de la domination coloniale européenne n’ont jamais pris en compte les facteurs ethniques et claniques des peuples africains. Elles avaient pour but de contribuer, quelque part, à diviser les peuples partageant la même histoire, les mêmes us et coutumes. Seulement, les frontières exerceraient désormais des fonctions de trait d’union, au point de devenir les bases d’une intégration par le bas. Elles sont alors des ponts entre plusieurs territoires et peuples. Il s’agit donc, ici, d’analyser les enjeux des frontières et le caractère des relations transfrontalières qu’entretiennent les peuples traits d’union depuis 1960 au niveau des frontières du Cameroun. Bien évidemment, des analyses issues d’autres pays africains permettront d’élargir le niveau de compréhension du rôle des peuples traits d’union dans la vision de l’intégration africaine. A ce niveau, on peut faire ressortir les éléments culturels qui transcendent les frontières (les festivals, les rites, les fêtes conjointes, etc., les relations socio-économiques transfrontalières, etc.
Axe 5 : Les tentatives de solution engagées pour sortir l’Afrique du découpage de Berlin
Conscient des problèmes posés par le partage des frontières de Berlin, les Africains ont engagé des réflexions pour en minimiser les effets négatifs. C’est ainsi qu’est née l’OUA, organe supranational censé travailler pour l’Unité africaine. En septembre 1999, à Syrte, l’idée de changer l’OUA en une organisation plus forte et plus dynamique est adoptée. Cette décision de changement amène alors à la création de l’UA en 2002 à Durban. Ainsi, de l’OUA à l’UA, les Africains ont tenté de trouver les remèdes pour soigner les blessures provoquées par le partage de Berlin. Ici, des analyses sur les regroupements régionaux, le plan d’action de Lagos, la zone de libre-échange africaine, le marché commun africain montreront les difficultés rencontrées par la volonté de dépasser les frontières qui érigèrent des barrières douanières dans les échanges entre Etats africains qui demeurent malheureusement très faibles comparés aux échanges avec l’Europe ou l’Asie.
Axe 6 : Quelles perspectives pour l’Unité africaine aujourd’hui ? Le rêve est-il possible ?
Face aux multiples obstacles qui bloquent le dépassement des frontières héritées de la colonisation, on peut légitiment se demander si le rêve de transformer l’Afrique en une puissance est encore possible. En effet, l’ossification des Etats-Nations laissent souvent le pessimisme prendre le pas sur l’optimisme des années 1960. Dans cet axe, les réflexions porteront sur les perspectives déjà énoncées comme l’agenda 2063 ainsi que sur des propositions innovantes que l’érudition pourrait proposer. Aussi, en scrutant l’évolution du monde aujourd’hui, cet axe pourrait aussi développer une sorte de prospective africaine pour l’avènement, non pas d’une unité, mais d’une union capable de produire la puissance jusqu’ici recherchée.
Modalités de soumission
Cet appel s’adresse aux chercheurs de différents horizons scientifiques intéressés par ce thème. Les propositions de communication, ne dépassant pas 300 mots chacune, doivent clairement s’inscrire dans l’un des axes ci-dessus mentionnés. Les auteurs sont invités à préciser l’axe choisi. Naturellement, des propositions originales, qui ne s’inscrivent dans aucun de ces axes, sont aussi les bienvenues au plus tard le 15 juillet 2024 à cameroonhistory chez yahoo.com et abwa_daniel chez yahoo.fr
Les auteurs des propositions retenues seront notifiés de l’acceptation de leurs résumés le 15 août 2024. Ils recevront, en même temps, les normes éditoriales. Les textes définitifs sont attendus au plus tard le 10 novembre 2024, pour être mis à disposition des participants avant la tenue du Congrès.
Frais de participation
Les frais de participation aux congrès s’élèvent à :
25 000 XAF pour les membres de la SCH dont les cotisations sont à jour ;
50 000 XAF pour les participants n’appartenant pas à la SCH.
Les frais de transport des participants ne sont pas pris en charge par l’organisation.
[1] Cette expression est de l’ancien Président de la République du Mali, l’Historien Alpha Omar Konaré qui l’employa dans son discours d’ouverture du symposium international sur les frontières en Afrique du XIIe au XXe siècle tenu à Bamako du 15 au 19 mars 1999.
Colloque
Du 4 au 6 décembre 2024 (Cameroun)
Page créée le mercredi 29 mai 2024, par Webmestre.