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Appel
Date limite de soumission : mercredi 30 avril 2025
S’il est une chose qui a retenu l’attention des observateurs des relations entre la France et l’Afrique, ces derniers jours, c’est bien la passe d’armes diplomatique consécutive aux propos du président français Emmanuel Macron sur l’ingratitude supposée des pays africains ayant bénéficié de l’appui militaire de la France. La critique véhémente du chef de l’exécutif français face à l’absence de reconnaissance de nombre de régimes politiques africains n’a pas manqué de susciter des réactions au plus haut sommet de l’Etat au Tchad comme au Sénégal. Pour les responsables politiques de ces pays, il s’est agi, en substance, de rappeler à la France la nécessité de réformer le regard qu’elle porte sur l’Afrique et sur africains. Cette attitude s’inscrit en droite ligne d’une multitude de travaux dont la particularité est de souligner l’erreur d’une relation qui peine à se renouveler (Borrel et al. (dir.) : 2021). Pour François-Xavier Verschave, par exemple, la politique africaine de la France est prisonnière d’un système politique et institutionnel lui permettant de garder la mainmise sur ses anciennes colonies (1998). Les relations entre la France et l’Afrique marquent ainsi par leur caractère « très personnalisé et inévitablement dévoyé » (Bourgi, 2009), quand elles ne reflètent le paternalisme et une certaine arrogance (Glaser, 2016). Dans ces conditions, il devient difficile d’ignorer l’influence de conceptions passéistes (Banégas et al., 2007) sur la conduite de politique africaine de la France.
L’épisode diplomatique relevé à l’entame de ce texte permet de mettre en lumière les biais caractéristiques des rapports cafouilleux entre la France et l’Afrique. La multiplication d’actes et de prise de parole faisant le procès de la France en Afrique témoigne de la montée d’un « sentiment anti-français » (Tchetchoua Tchokonte : 2024). Au nombre de reproches faits à la France figurent en bonne place le maintien du Franc CFA et de l’Aide publique au développement (APD) ainsi que la présence militaire de la France sur le continent (Vircoulon et al. 2023). S’il est difficile de parler d’un désamour, force est de reconnaitre que la montée d’un discours décomplexé contre la politique africaine de la France n’est pas sans conséquence sur la pérennité des intérêts français en Afrique. Les critiques contre la France ont souvent été accompagnées de manifestations violentes contre des sociétés françaises et des représentations diplomatiques ou culturelles. La perte de vitesse de la France en Afrique se manifeste alors par une baisse progressive de son influence économique. En effet, la part de la France dans le commerce africain est passée de 10 à 5% en un quart de siècle. Selon un rapport d’Hervé Gaymard au ministre français de l’Europe et des Affaires Etrangères et au ministre de l’Economie et des Finances (2019), les exportations de la France vers l’Afrique ont doublé sur un marché dont la taille a été multiplié par quatre en vingt ans. De même, le montant de l’Aide publique au développement (APD), véritable instrument d’influence de la France, est inférieur aux impôts que paient les entreprises françaises sur le continent. Il est passé de 1% à 0,55% du PIB de la France en cinquante ans.
Sur le plan stratégique, les retraits successifs des troupes françaises du continent témoignent de l’affaiblissement de l’influence militaire de la France (Perouze de Montclos : 2020). Après le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Sénégal et le Tchad, c’est au tour de la Côte d’Ivoire d’annoncer le retrait « coordonné et organisé des forces françaises » dès 2025. Loin de constituer un épiphénomène, le départ des troupes françaises de l’Afrique témoigne de la perte de vitesse du projet géopolitique de la France. Contrairement au discours public français, ce retrait ne peut être analysé sous le seul prisme de la réorganisation stratégique de la présence militaire en Afrique. Si l’on considère le rôle historique de l’armée française en Afrique (Evrard, 2016), il devient difficile d’y voir un désengagement volontaire. En effet, la signature et le maintien d’accords de défense et d’assistance militaire technique entre la France et nombre de pays africains avait pour objectif principal d’assurer à la première une zone d’influence sur le continent (Dumoulin, 1998). Par ailleurs, lesdits accords, fruits du pacte tacite de la décolonisation de l’Afrique francophone (Vircoulon, 2024), servaient surtout à rassurer les gouvernements africains qui accueillaient les bases militaires françaises (Evrard, 2016). Ainsi, le dividende géopolitique des dispositifs prépositionnés tient de ce qu’ils confèrent, selon le Livre Blanc sur la défense et la sécurité de 2008, « des avantages opérationnels dépassant le seul champ de la fonction de prévention ». C’est ce qui explique, sans doute, que pour le général Bertrand Ract Madoux, chef d’état-major de l’armée de terre, la liberté qu’octroient à la France ses bases militaires disséminées dans des régions du globe qui lui sont stratégiques est « un atout de tout premier ordre, et même un facteur de puissance »[1].
Le reclassement géopolitique de la France en Afrique peut également être analysé en considérant l’émergence de nouvelles puissances rivales. Considéré comme un espace sans intérêt stratégique, à la fin de la guerre froide, l’Afrique est aujourd’hui très convoitée. Le statut du continent dans la division internationale du travail en fait un espace de rivalités entre puissances industrielles et émergentes pour le contrôle de ses ressources (Tchetchoua Tchokonte et Noah Noah : 2021). C’est ainsi que les Etats-Unis et la Chine se positionnent comme les principaux acteurs de la géopolitique du pétrole en Afrique. Si les Etats-Unis font de la sécurisation de leurs approvisionnements un enjeu de sécurité nationale, la Chine met, quant à elle, ses ressources en capitaux au service de la multiplication des projets d’exploration et d’exploitation du pétrole. A côté de ces pays, la Russie avance ses pions dans la perspective de contester les certitudes géopolitiques (Noah Noah, 2019). Elle est très présente dans les projets gaziers et nucléaires tout en fournissant un appui technique et militaire indirect à des régimes politiques à travers la firme Wagner. D’autres pays comme le Japon, l’Inde, la Turquie ou le Brésil renforcement leur présence sur le continent à travers divers médium (coopération pour le développement, commerce, projets industriels, etc.).
Le présent appel à contribution vise à analyser la trajectoire des relations entre la France et l’Afrique en insistant sur les éléments de crise et de discontinuité. Aussi, les contributions devront être élaborées en s’inspirant des axes de réflexion suivants, et au-delà :
Le procès à charge du FCFA et de l’aide publique française ;
La floraison du sentiment et des manifestations anti-français ;
L’inflation des discours anti-français ;
La rupture des accords de défense et le retrait des troupes françaises ;
Le recul de l’influence économique de la France ;
L’offensive des puissances concurrentes.
Les auteurs enverront simultanément leurs articles à :
tchokonteseverin chez gmail.com
fabricenoah07 chez gmail.com
capedetudestrategiques chez gmail.com
Les textes devront avoir un format de 40.000 signes (espaces, notes de bas de pages et bibliographie compris) ainsi qu’un court résumé 800 signes (espaces compris), d’un abstract de même format, de cinq mots clés et la biographie de l’auteur (150 signes). Les auteurs pourront intégrer à leur article des iconographies (cartes, graphiques, tableaux, photos, dessins, etc.).
Les propositions d’articles sont attendues au plus tard le 30 avril 2025.
Comité de sélection
Professeur, Sévérin Tchetchoua Tchokonté, Université de Garoua, Rédacteur en chef de la Revue Dialectique des Intelligences ;
Professeur, Eric Marcel Ngango Youmbi, Université de Garoua ;
Docteur Fabrice Noah Noah, Université de Maroua ;
Docteur Serge Eric Dzou Ntolo, Université de Ngaoundéré ;
Docteur Embiede Eballa Chantal, Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC).
Bibliographie
Banégas, Richard, Roland Marchal et Julien Meimon, « La fin du pacte colonial ? La politique africaine de la France sous Jacques Chirac et après. », Politique Africaine, n°105, Mars 2007, pp.7-26.
Borrel, Thomas et al. (Dir.), L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique, Paris, Seuil, 2021, 1008 p.
Bourgi, Albert, « Aux racines de la françafrique : la dégradation de l’image de la France en Afrique », AFRI, Vol. X, 2009.
Dumoulin, André, La France militaire et l’Afrique. Coopération et interventions : un état des lieux. Bruxelles, GRIP, Éditions Complexe, 1998, 136 p.
Evrard, Camille, « Retour sur la construction des relations militaires franco-africaines », Relations internationales, n°165, 2016, pp.23-42.
Glaser, Antoine, Arrogant comme un français en Afrique, Paris, Fayart, 2016, 192 p.
Noah Noah, Fabrice, « La Russie dans le ‶Grand jeu″ en Afrique Centrale : entre continuités et ruptures stratégiques », Dialectique des intelligences, n°6, Premier semestre 2019, pp.28-43.
Perouze de Montclos, Marc-Antoine, Une guerre perdue : la France au Sahel, Paris, JC Lattès, 2020, 312 p.
Tchetchoua Tchokonte, Sévérin, « Les convulsions géopolitiques franco-russes en Afrique subsaharienne », Aquila, vol.1, n°26, 2022, pp.85-105.
Tchetchoua Tchokonte et Noah Noah, Géostratégie de la démocratie et gouvernance des industries extractives en Afrique subsaharienne, Paris, L’Harmattan, 2021, 252 p.
Verschave, François-Xavier, Françafrique. Le plus long scandale de la république, Paris, Stock, 1998, 379 p.
Vircoulon, Thierry, Alain Antil et François Giovalucchi, « Thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone », Etudes de l’IFRI, Juin 2023.
Note
[1] Cf. Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement par la Commission de la défense nationale et des forces armées en conclusion des travaux d’une mission d’information sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique et sur le suivi des opérations en cours, Juillet 2014.
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