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Appel
Date limite de soumission : vendredi 14 juin 2024
Le colloque international qui se tiendra à La Rochelle les 4 et 5 novembre 2024 Université vise à développer un champ d’études transpacifiques, en se concentrant sur les dynamiques culturelles, sociales, politiques, économiques et environnementales au sein du Pacific Rim. Il examinera les migrations et les transformations culturelles, l’Orientalisme et l’Altérité, les défis auxquels sont confrontées les populations autochtones, l’initiative chinoise Belt and Road (BRI) en Océanie et en Amérique latine ainsi que les relations sino-américaines et les pressions anthropiques qui menacent la durabilité des écosystèmes marins.
Le déplacement du centre de gravité mondial (tant sur le plan économique que géopolitique) de l’Atlantique vers le Pacifique constitue un sujet d’étude majeur et contemporain. Convoité par de puissantes nations soucieuses de prendre part à la production de richesse en Asie et de contrôler l’interconnexion croissante des différentes parties du globe, cet espace maritime complexe nécessite des approches d’analyses renouvelées. Il continue cependant à être étudié par des disciplines scientifiques aussi cloisonnées dans leurs objets d’études que séparées par leurs aires culturelles de spécialisation. Deux écueils majeurs émergent ainsi de cette situation.
En premier lieu, une analyse globale des sociétés humaines qui vivent autour de l’océan Pacifique doit pouvoir mettre en dialogue les données géographiques, politiques et économiques ainsi que les variables des enjeux sociaux, culturels et environnementaux qui la rendent objectivable. Parallèlement, si l’océan Pacifique représente un tiers du globe, il ne peut être seulement compris comme un gigantesque espace d’eau vide entouré de sociétés humaines dépourvues d’autres interactions que les transactions commerciales ou la compétition entre puissances. C’est précisément pour observer l’étendue et la diversité des échanges et les relations entre les habitants de l’Asie, des îles du Pacifique et des côtes américaines, que Matt K. Matsuda appelle à ce que « les spécialistes de l’Asie du Sud-Est, de l’Asie de l’Est et des îles du Pacifique, et de l’Amérique du Nord et du Sud » mettent l’accent sur « l’interconnexion des différents mondes » (Matsuda, 2012). L’étude des sociétés pacifiques reliées entre elles prend toute sa place dans le cadre du Pacific Rim, soit une région géographique qui entoure l’océan Pacifique et comprend les pays bordant cet océan. Un espace qui peut être analysé, tant en considérant les aspirations à jouer le rôle de thalassocraties de la part de plusieurs pays ou des chaines de valeur entre continents, qu’en observant les migrations et les diasporas qui la constituent, les représentations de l’altérité qui la distinguent, les peuples autochtones qui l’habitent ou encore les phénomènes de changement climatique qui la caractérisent.
Deuxièmement, aux impasses d’une lecture ethnocentrique qui ne se focaliserait que sur le récit formulé par des puissances gagnantes s’ajoutent celles d’une perspective qui se voudrait le porte-voix des perdants et des opprimés. Or, comme le note Serge Gruzinsky à l’heure de comparer la conquête ibérique de l’Amérique et de l’Asie à la Renaissance :
« Rapprocher la côte mexicaine de la mer de Chine, c’est aussi atténuer notre inextinguible eurocentrisme et faire surgir de nouvelles questions. Il s’agit de rebrancher des câbles que les historiographies nationales ont arrachés et de soumettre les éléments ainsi réunis à une lecture globale qui les fasse dialoguer entre eux, et non plus seulement avec l’Europe. C’est en variant les focales, et non-plus en inversant les point de vue comme au temps lointain de la « vision des vaincus » que l’on peut espérer parvenir à une histoire qui fasse sens à notre époque ».
Le colloque international qui se tiendra les 4 et 5 novembre 2024 à La Rochelle Université vise, par conséquent, à construire un champ d’études transpacifiques, soit structurer un domaine de recherche pluridisciplinaire sur les dynamiques culturelles, sociales, politiques, économiques et environnementales au sein de cette zone - en prenant autant en compte les enjeux de la rivalité sino-étasunienne que l’interconnexion des populations du pacifique depuis une perspective décentrée. Cet événement sera structuré par six axes de recherche :
Migrations et transformations culturelles
Les routes océaniques ouvertes par les entreprises coloniales européennes du XVIe siècle ont esquissé ce qui, au XIXe et XXesiècles, deviendrait un flux notable de migrations transpacifiques depuis l’Asie de l’Est vers l’Océanie et les Amériques. Il convient par conséquent de se pencher sur les diasporas et les communautés transnationales présentes dans le Pacific Rim en associant des perspectives non confinées aux frontières entre états-nations à des approches qui mettent en lumière des stratégies de soft power. Invisibilisées ou célébrées, singularisées ou assimilées à un processus de métissage, ces migrations ont produit des bouleversements en termes de valeurs, de normes, de croyances, de traditions, d’art et de langues dans les territoires où elles se sont installées, de manière provisoire ou permanente. Les études sur les Nikkei, soit les personnes et les communautés d’origine japonaise vivant dans les Amériques depuis le XIXesiècle, et celles sur les Dekasegi, soit les descendants de japonais qui retournent travailler au Japon depuis la fin du XXe siècle, rendent compte des multiples facettes des phénomènes migratoires et d’« identités hybrides » (Hirabayashi et al., 2002). Un intérêt particulier sera porté aux migrations chinoises, sud-coréennes, polynésiennes et mélanésiennes ainsi qu’aux les liens tissés entre des groupes de migrants originaires de différents pays, tels que les relations entre Asiatiques et Hispaniques aux Etats-Unis (Kang et Torres, 2016).
Orientalismes et altérités
La domination de sociétés asiatiques et océaniennes par des puissances coloniales fut articulée au XIXe siècle à des stéréotypes qui mêlaient fascination et exotisme à leur endroit (Said, 1978, ; Wesley-Smith, 2016). Cet « orientalisme » classique (soit une approche ethnocentriste qui amalgamait des individus à une identité collective et essentialisée) a évolué, voire s’est transformé, au XXIe siècle. Il est par exemple possible d’observer l’émergence d’un « orientalisme numérique » (Suat et al., 2021), soit la représentation des cultures, des traditions et des habitants de l’Asie à travers des supports et des médias numériques élaborés en Californie (tels que les films disponibles en ligne, les jeux vidéo, les applications, les réseaux sociaux) dans le but de proposer des biens de consommation dématérialisés et produits en dehors de ces espaces mais dont le contenu perpétue une représentation biaisée et exogène à ces sociétés. En revanche, il est également possible d’observer un « orientalisme inversé » (Slingerland, 2010), décelable entre autres dans l’offre culturelle des Instituts Confucius, c’est-à-dire, basée sur une simplification et une homogénéisation des expressions culturelles chinoises, telles que la prépondérance du mandarin aux dépends du cantonais ou une version uniformisée du folklore chinois. Cette stratégie renforce les idées préconçues à propos de la Chine mais consolide son influence non- coercitive. Un intérêt particulier sera porté à l’étude des manières et des stratégies de concevoir et de façonner l’altérité dans le Pacific Rim sous l’angle d’expressions créatives, d’imaginaires sociaux et de représentations sociales.
Indigénéités dans le Pacific Rim
Les populations autochtones qui vivent dans les régions insulaires et sur les zones littorales de l’océan Pacifique doivent faire face au XXIe siècle à des stratégies étatiques qui alternent assimilation et marginalisation ainsi qu’aux conséquences des changements climatiques et de l’extractivisme. Aux luttes autour de la reconnaissance de leurs droits collectifs sur des territoires et de leurs usages et coutumes, s’additionnent par conséquent les bouleversements provoqués par l’augmentation de la température de l’eau, l’élévation du niveau de la mer, ainsi que la pollution de leurs habitats. A titre d’exemple, les travaux de Forrest Wade Young (2012) sur Rapa Nui/Île de Pâques révèlent l’impact durable de l’impérialisme sur des peuples indigènes ; dans leur quête de reprendre leurs droits sur leurs terres, les Rapa Nui doivent affirmer leur propre épistémologie face à des discours concurrents provenant non seulement des opérateurs touristiques et des autorités chiliennes mais aussi issus de l’archéologie – en particulier à l’heure de déterminer les contours d’un phénomène d’ « effondrement écologique ». Un intérêt particulier sera porté à une approche en mesure d’offrir une vision comparative des indigénéités entre les différentes rives du Pacifique, soit examiner les similitudes et les différences des expériences autochtones dans un État-Nation comme l’Indonésie, le Japon ou le Chili, un État multiculturel comme le Canada, un État binational comme Aoteroa/Nouvelle-Zélande ou encore un État Plurinational comme l’Équateur.
Les enjeux stratégiques des nouvelles routes de la soie en Amérique latine et en Océanie
Depuis 2013, la Chine organise un axe terrestre qui vise à relier la Chine à l’Europe ainsi qu’un un axe maritime reliant la Chine à l’Afrique riveraine de l’océan Indien. Appelés « Belt and Road Initiative » (BRI), ces axes prennent la forme de routes, chemin de fer, ports, aéroports, réseaux de fibre optique, gazoducs, câbles sous-marins, réseaux électriques et réseaux de transports d’énergie. Aux objectifs économiques visant à s’assurer de nouveaux marchés et sécuriser ses approvisionnements énergétiques s’ajoutent les desseins politiques de garantir une stabilité interne et se placer au centre du continent asiatique. Dans ce contexte, il convient de s’interroger sur la manière dont cette initiative s’articule à l’approvisionnement en ressources naturelles et la création de nouveaux marchés en Amérique latine et en Océanie. En effet, le « pivot » stratégique opéré par des Etats-Unis vers le Pacifique et son désintéressement pour l’Amérique latine semblent avoir été saisis comme une opportunité par la République Populaire de Chine pour accroître son partenariat économique et commercial avec une série de pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Dans le cas des îles du Pacifique, celles-ci constituent également des partenaires qui, après avoir établi des relations diplomatiques avec la République Populaire de Chine, rejoignent les nouvelles routes de la soie dans le Pacifique sud, notablement intéressées par les projets d’investissement dans des infrastructures associées au développement durable. Un intérêt particulier sera porté aux stratégies de la RPC de proposer une alternative à une tradition occidentale des relations internationales (jugée comme coloniale) en tant que membre d’un « Sud Global ».
Les relations sino-américaines
Deux grandes puissances aux économies aussi concurrentes que liées, la Chine et les Etats-Unis entretiennent des relations bilatérales qui se sont dégradées depuis la présidence du Président Donald Trump, au point de remettre en question la participation américaine au projet de partenariat transpacifique. A la guerre commerciale s’ajoute une rivalité militaire autour du contrôle de la mer de Chine et une ouverte hostilité concernant le statut de l’île de Taiwan. Dans le cadre d’une compétition stratégique avec la Chine, le Président Biden promeut l’Indo- Pacific Economic Framework for Prosperity (IPEF), une initiative visant à sécuriser les chaînes de valeur dans une cartographie qui lierait le littoral pacifique des Etats-Unis à l’océan Indien, englobant l’Asie du Nord-Est, l’Asie du Sud-Est, l’Asie du Sud et l’Océanie (y compris les îles du Pacifique). Un intérêt particulier sera porté aux diverses formes de coopération et d’intégration économiques, politiques, diplomatiques et militaires, autant institutionnelles qu’informelles, qui se dessinent dans le Pacific Rim autour de la rivalité sino-étasunienne ainsi qu’aux initiatives politiques régionales qui tentent de s’émanciper de cette compétition telles que le « Blue Pacific Continent » porté par le Forum des Iles du Pacifique (FIP).
Une « mer d’îles » (Hau’ofa 1994) sous pression
L’océan Pacifique fait aujourd’hui l’objet de pressions anthropiques qui menacent la durabilité des écosystèmes marins. Dans un contexte de changements globaux, la pêche industrielle, l’extraction minière, le transport maritime ou les activités militaires ne sont que quelques exemples des activités qui renforcent la vulnérabilité des écosystèmes marins, tout en révélant les interdépendances sociales et écologiques. Dès lors, des logiques d’accaparement et de mise en commun s’intensifient, à l’image de la création d’aires marines protégées ou de la gestion de pêcheries à l’échelle régionale. Ces logiques mobilisent un ensemble d’acteurs à la fois humains (communautés locales, organisations internationales, associations, scientifiques) mais aussi d’organismes autres qu’humains (animaux non- humains, végétaux et minéraux). Un intérêt particulier sera porté à la « construction sociale et politique de l’océan » (Dahou et al., 2021) et aux formes de gestion des espaces marins.
Modalités de contribution
Les propositions de communication sont à envoyer (réponses le 28 juin) à etudestranspacifiquescolloque chez gmail.com au plus tard le 14 juin 2024
Ces propositions seront rédigées en français ou en anglais et envoyées au format .doc ou .docx. Elles comporteront :
Le titre de la proposition et l’axe dans lequel s’inscrit la communication
Un résumé́ de la proposition de 500 mots maximum
Une notice biographique de l’auteur ou de l’autrice de la communication.
Informations pratiques
Le colloque aura lieu sur le campus de La Rochelle Université (La Rochelle, France).
Les présentations auront lieu en présence. Elles doivent être faites en anglais ou en français.
Une partie des frais de voyage et d’hébergement pourra être prise en charge pour des orateurs sélectionnés.
Les organisateurs prévoient de publier un volume édité avec une sélection des articles présentés lors du colloque.
Comité d’organisation
Sebastian Urioste (La Rochelle Université)
Martine Raibaud (La Rochelle Université)
David Waterman (La Rochelle Université)
Comité scientifique
German A. Zarate-Hoyos (State University of New York at Cortland) Rémi Castets (Université de Bordeaux Montaigne)
Sebastian Urioste (La Rochelle Université) Martine Raibaud (La Rochelle Université) David Waterman (La Rochelle Université)
Colloque
4-5 novembre 2024 (La Rochelle Université)
Page créée le lundi 6 mai 2024, par Webmestre.