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Appel
Date limite de soumission : vendredi 30 avril 2021
Coordination : Anne Rivière-HoneggerUMR 5600 EVS du CNRS – ENS de Lyon anne.honegger chez ens-lyon.fr, et Stéphane Ghiotti, UMR ART’DEV du CNRS - Université de Montpellier 3, stephane.ghiotti chez univ-montpellier3.fr
L’eau : un enjeu de connaissance majeur face aux enjeux environnementaux globaux
L’eau est indispensable pour les écosystèmes, la santé humaine et la plupart des activités qui dépendent de sa qualité et de sa quantité (eau potable, agriculture, industrie, aquaculture, énergie, voie de circulation, navigation, loisirs, pêche, activités de nature et de protection de la nature…). A l’inverse, certains usages exercent des pressions et ont un impact sur la ressource et les milieux aquatiques et limitent ou restreignent les autres usages ; il en résulte des situations de tensions voire de conflits mais aussi souvent dans le même temps de coopérations (Raison et Magrin, 2009 ; Julien, 2010 ; Lasserre et de Palacio, 2016 ; Ganoulis et Fried, 2018). La gestion de l’eau repose en Europe, au travers de l’application de la Directive Cadre Européenne sur l’eau (2000), sur des principes de concertation et de participation de l’ensemble des acteurs de l’eau (élus, usagers, Etat et collectivités territoriales etc.) mais aussi sur des objectifs normatifs d’atteinte du « bon état écologique ». A l’échelle d’un cadre territorial reconnu réglementairement comme cohérent, celui du bassin versant, on vise à la préservation et la reconquête du bon état écologique de l’eau et des milieux aquatiques tout en assurant la satisfaction des usages. Cela passe par la solidarité territoriale entre les différentes catégories d’usagers, qui se traduit dans une gestion durable et équilibrée des ressources en eau et des milieux aquatiques. Celle-ci s’appuie notamment sur des instruments réglementaires (Drobenko, 2015), des mécanismes économiques incitatifs (Petit, 2016,) et des dispositifs participatifs (Hassenforder et al., 2020). Cependant, les récentes lois de décentralisation et la reconnaissance des Etablissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (EPCI-FP) comme responsables de la mise en œuvre de la Gestion des milieux aquatiques et Prévention des Inondations (GEMAPI) rebattent les cartes et réinterrogent la notion de territoires pertinents. A l’échelle internationale, parmi les objectifs de développement durable (ODD) à atteindre à l’horizon 2030 dans la perspective « d’un monde meilleur et plus durable pour tous », plusieurs sont relatifs à l’eau. Ils répondent aux défis mondiaux, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice (ONU, 2015). Partout, l’eau constitue un enjeu de connaissance majeur face aux enjeux environnementaux globaux (Unesco, 2020). Les nombreux programmes de recherche, conférences internationales, colloques et outils de fédération de la recherche témoignent de la vitalité de la communauté scientifique autour de cette thématique.
Des recherches sur l’eau, objet d’un renouvellement en sciences humaines et sociales
Dans ce contexte, les recherches sur l’eau tant dans leurs dimensions matérielles, techniques que sociales ou encore idéelles font l’objet d’un renouvellement dans le champ des sciences humaines et sociales (géographie, histoire, sciences politiques, économie, sociologie, anthropologie, psychosociologie, droit…) (Rivière-Honegger, Morandi et Cottet, 2012 ; Gautier, Benjaminsen, 2012 ; Guay et Britto, 2017 ; Barbier et al, 2020). Elles s’attachent notamment à réinterroger les liens entre sociétés et milieux naturels, envisagés de plus en plus comme un système unique, fait d’interactions et de dépendances dynamiques (Chenorkian et Robert, 2014 ; Dufour et Lespez, 2019) et objets d’une action publique renouvelée. Les retours d’expérience montrent qu’agir sur le territoire suppose de les aborder de manière intégrée. Saisir ces évolutions est crucial, si l’on considère, à la suite de J.-J. Perenes, que « L’eau raconte la société, c’est-à-dire ses rapports de force, mais de manière spatialisée » (Perenes, 1993, p. 185). L’enjeu est double pour la science, à la fois théorique – du territoire de l’eau à l’hydro-socio-système (Ghiotti, 2015) et dans sa capacité à apporter une connaissance adaptée à l’action. Cela repose en particulier sur des approches théoriques, conceptuelles et méthodologiques innovantes qu’il convient de partager et d’analyser. Forts de ces évolutions, les questionnements évoluent, les valeurs sont bousculées (Pierron, 2017), la gouvernance et l’action se réinventent (Barone et Mayaux, 2019 ; Bouleau, 2019). Le contexte de changements globaux accentue indéniablement certains enjeux et suggère de nouvelles hiérarchies à toutes les échelles spatio-temporelles (Daniell, Barreteau, 2014 ; Boulay et Fanchette, 2019).
En lien direct, les politiques publiques dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques doivent aujourd’hui appréhender une grande diversité de problématiques : aménagements relatifs au petit (adduction d’eau potable et assainissement) et au grand cycle de l’eau (barrages, transferts…) ; gestion et protection de la ressource (de surface et souterraine), tant en termes de qualité (pollution, déchets aquatiques…) que de quantité (tensions sur la ressource), protection de la biodiversité, restauration écologique des milieux aquatiques (fluviaux, littoraux…), développement des usages économiques et récréatifs, gestion des risques (inondations…), régulation des conflits d’usage de l’eau, mise en œuvre de gouvernance adaptée à l’objectif visé, etc.). Ces problématiques, aux imbrications toujours plus complexes, doivent être articulées à différentes échelles territoriales. Mettre en œuvre des réponses adaptées requiert souvent une approche faisant discuter les sciences sociales, les sciences de l’environnement et les sciences de l’ingénieur (Hellier et al., 2009 ; Carré et Deutsch, 2015 ; Goeldner-Gianella et al., 2016 ; Bouarfa, Brelle et Coulon, 2020 ; Leenhardt, Woltz et Barreteau, 2020) dans la formulation des questionnements, la démarche de recherche et la mise en œuvre des politiques de l’eau (Ferraton, 2016).
Le défi, pour les chercheurs travaillant en lien avec les acteurs de la gestion, est de produire des connaissances formalisées, partagées et transférables malgré les incertitudes qui leur sont attachées du fait des changements environnementaux rapides et profonds.
Au cours des dernières décennies, les adaptations continuelles et la recherche d’innovations sont observables en termes de gouvernance et d’intégration des acteurs. Le succès n’est plus le fait d’un acteur tout puissant mais d’un collectif d’acteurs du territoire. Cette évolution se traduit également dans le statut accordé aux différentes formes de connaissances : les savoirs techniques, les savoirs scientifiques et les savoirs locaux visent à être mis en dialogue et non plus cloisonnés (Claveau et Prud’homme, 2017). La question de la concertation et de la participation des publics est centrale bien qu’elle montre certaines limites. Les retours d’expériences montrent que les apports du dialogue « institué » entre acteurs sont multiples (co-construction des projets/adhésion, diminution des dissensus/conflits, acquisition d’une culture de l’eau, meilleure adaptation aux nouveaux défis, etc.). Ceux du dialogue « élargi aux citoyens » vont jusqu’à la construction d’expertises alternatives au travers de mouvements de mobilisation, d’implication, d’apprentissage, etc. (Barone et al., 2018). Un paradoxe s’observe aussi : celui d’un faible intérêt des élus et plus largement de la population pour débattre de la politique de l’eau et s’engager. Faut-il y voir une limite de la démocratie de l’eau représentative et institutionnalisée ? Que peut apporter la démocratie participative ? Nombreux sont les travaux qui relaient ces questions. Mais quelles solutions pourraient être apportées alors même que l’enjeu actuel est d’élargir le dialogue aux acteurs du monde de l’aménagement et aux riverains et habitants ?
Comment se construit la connaissance aujourd’hui, en sciences humaines et sociales, pour penser la gestion territorialisée de l’eau et des milieux aquatiques ? Quelles analyses sont proposées sur les futurs enjeux « eau/milieux aquatiques/biodiversité/risque » relatifs au petit et/ou au grand cycle de l’eau ? Ces questions se posent partout dans le monde. Multiplier les exemples dans des contextes géographiques diversifiés contribuera à des réponses contrastées.
Trois entrées non exclusives sont privilégiées :
Comment les recherches en sciences humaines et sociales peuvent-elles représenter et analyser spatialement les liens entre les sociétés et les milieux aquatiques ?
Avec les réformes territoriales (pour la France notamment), le dernier cycle à venir de la DCE (2021-2027) et les directives européennes plus largement, les enjeux internationaux (transition écologique, changement climatique, maintien de la biodiversité, adaptation, etc.), les volets compétences, acteurs, échelles, financements, les lignes directrices (gestion par bassin-versant, continuité écologique, restauration, participation, biodiversité, etc.) sont discutées avec force (Leclabart, Quentin, 2019 ; Touchart, Bartout, 2020). Il est utile d’en rappeler les évolutions successives, d’en dresser le panorama, de définir les changements en cours en s’appuyant sur des études de cas ; mais il est aussi utile d’identifier les enjeux à venir, de décrypter les jeux d’acteurs pour la mise en œuvre de sa politique de planification, et de s’appuyer sur les retours d’expérience. La question de la gouvernance de l’eau est posée en termes de gestion intégrée de l’eau et des milieux aquatiques par bassin versant. Le débat autour du choix et de l’opérationnalité de cette unité de gestion reste vif (quelle prise en compte, par exemple des eaux souterraines ?) - tout comme celui autour de l’efficacité de la politique de gestion intégrée de l’eau.
Quels sont les cadres théoriques, les notions et concepts mobilisés actuellement pour penser la gestion territorialisée de l’eau et des milieux aquatiques ?
Il s’agira de réfléchir aux intérêts, aux limites, à ce qu’il faudrait dépasser. Que disent les approches actuelles des rapports eau/environnement/sociétés avec bien sûr un focus central sur les dimensions spatiales, géographiques et territoriales ? Comment est pris en compte le territoire ? Quels sont les limites et apports de l’approche systémique ? Quelle réflexion est-elle menée sur l’adaptation des « territoires de l’eau » face aux évènements, aux aléas, aux situations de crises de plus en plus fréquentes, ponctuelles ou à long terme ? Quels sont les apports d’une réflexion sur la résilience des territoires (Pigeon et al., 2018) ? Quelles sont les articulations entre l’approche systémique et la political ecology et plus globalement les questions de pouvoirs (Molle, 2008 ; Linton, 2010 ; Linton et Budds, 2014 ; Blanchon, 2016) ? Comment sont interrogées les liaisons entre pouvoir, connaissance et représentations sociales ? Dans quelle mesure les territoires hydrosociaux définis par Boelens et al. (2016, p. 2) comme « la matérialisation imaginaire et socio-environnementale contestée d’un réseau multi-scalaire spatialement délimité dans lequel les humains, les flux d’eau, les relations écologiques, les infrastructures hydrauliques, les moyens financiers, les arrangements juridico-administratifs et les institutions et pratiques culturelles sont définis, alignés et mobilisés de manière interactive par des systèmes de croyances épistémologiques, des hiérarchies politiques et des discours de naturalisation » (Boelens et al, 2016) mettent-ils en évidence la diversité des projets territoriaux liés à l’eau et les luttes pour leur matérialisation (Hommes et Boelens, 2017 ; Valadaud et Aubriot, 2019) ?
Quels méthodes/outils/données sont - ils mobilisés, pour quels types de réponses ?
Les recherches en sciences humaines et sociales s’attachent notamment à réinterroger les liens entre sociétés et milieux naturels, envisagés de plus en plus comme un système unique, fait d’interactions et de dépendances dynamiques. Les retours d’expérience montrent qu’agir sur le territoire suppose de les aborder de manière intégrée. Les outils se multiplient, que ce soit pour identifier les fonctions rendues par les écosystèmes ou services écosystémiques, ou pour mettre en œuvre des processus de concertation et participation (Fleury et Prévot-Julliard, 2012 ; Mathevet et Godet, 2015). Beaucoup de démarches innovantes ont été déployées sur les territoires en vue de favoriser l’implication des parties prenantes ou l’adhésion sociale à un projet ou à un aménagement. Quels sont- les retours ? Quelle évaluation en fait-on ? Sur quoi reposent-t-elles (indicateurs, etc.). Les outils de modélisation concourent à leur représentation dynamique et spatialisée. Il conviendra d’en discuter les enjeux conceptuels et méthodologiques mais aussi leur statut dans le dialogue ou encore leur performance, leur appropriation par les différents acteurs de la gouvernance de l’eau. Quels sont les enseignements de la recherche concernant les outils réglementaires ? Quels sont ceux sur les mécanismes économiques incitatifs ?
L’objectif de ce dossier thématique est de mesurer une effervescence perceptible en sciences humaines et sociales et son contenu scientifique autour de cette question, mais aussi de saisir la nature des ouvertures vers d’autres sciences et les apports des entrelacements interdisciplinaires en construction. Il en est attendu des articles qui donnent à voir la diversité des enjeux sociaux autour de l’eau et mettent en perspectives ceux bio-physiques.
Délais et consignes
Cette proposition fait suite à l’organisation à l’ENS de Lyon en septembre 2019 des « 4e doctoriales en Sciences sociales de l’eau ». Les contributions des doctorant.es et des jeunes chercheur.se.s sont souhaitées mais aussi d’auteurs au-delà de ce cadre et de disciplines diverses.
Les auteurs peuvent s’adresser aux coordinateurs du numéro, Anne Rivière-Honegger UMR 5600 EVS du CNRS – ENS de Lyon, anne.honegger chez ens-lyon.f et Stéphane Ghiotti, UMR ART’DEV du CNRS - Université de Montpellier 3, stephane.ghiotti chez univ-montpellier3.fr pour signaler leur intérêt dans un résumé d’une page pour le 30 avril 2021.
Une réponse sera envoyée aux auteurs mi-mai 2021. L’envoi des articles définitifs devra être fait pour le 10 septembre 2021.
La proposition sera rédigée en français ou en anglais, transmise en format Word, police Times New Roman, et devra comprendre : un titre, un résumé entre 3000 et 5000 signes maximum (bibliographie comprise) présentant la problématique de l’article, le cadrage théorique, le ou les terrains d’étude sur lesquels la proposition s’appuie, une courte bibliographie et 3 à 5 mots clés.
La rédaction de l’article devra respecter les normes de la revue. L’article pourra être rédigé en français ou en anglais, d’un volume optimum de 40 000 signes espaces compris. Les articles seront évalués en double aveugle par le comité de lecture. Les auteurs recevront une notification de la décision (et des instructions de correction) en octobre 2021.
Page créée le mardi 9 mars 2021, par Webmestre.