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Historiens, anthropologues, linguistes et spécialistes de diverses disciplines sont invités à réfléchir sur les questions de production, transmission et préservation des documents administratifs et légaux africains (documentation coloniale exclue).
Tout d’abord, de façon purement documentaire, il s’agit de dresser un état de l’art sur les pratiques scripturaires africaines administratives et légales. L’attention sera portée sur les écrits qui sont par convention désignés comme « écrits pragmatiques », à savoir ceux ayant pour intention de produire un effet. Cette documentation qui se veut performative et/ou normative peut être composée de : actes de donation, contrats, chartes, inscriptions funéraires, correspondances, inventaires ou tout document devenu « document d’archives ». L’analyse de tels corpus n’exclut pas l’analyse de liens avec des textes ou ensemble de textes plus narratifs, et il est bien entendu que les pratiques de l’écrit peuvent et doivent se comprendre dans des contextes culturels, technologiques ou cognitifs élargis, n’excluant pas non plus la vocalité. Les enjeux liés à la transformation d’un document en archive, un processus qui implique notamment des stratégies de conservation, familiales ou institutionnelles, nous paraissent aussi extrêmement intéressants. Enfin, étudier les textes administratifs et légaux mène presque immanquablement à se poser la question des enjeux de pouvoir dans l’usage de l’écrit, par exemple en soulevant les questions de l’authenticité et de la sincérité des documents, des processus de validation et de copie des documents, ou encore celle des transferts d’autorité qu’ils peuvent susciter. Les pratiques de l’« écrit pragmatique » africain, dans sa matérialité et ses aspects technologiques, ses aspects formels, ses circulations et usages, tout autant que l’histoire des administrations locales et étatiques sont ainsi les thèmes structurants ce dossier.
L’ambition de ce dossier est d’inscrire les études sur la documentation écrite administrative et légale africaine dans le champ aujourd’hui très renouvelé des études sur la literacy. Les années 1970 avaient posé des bases conceptuelles essentielles et il est intéressant de noter que des recherches sur les pratiques de l’écrit et sur l’oralité en Afrique, en particulier celles de Jack Goody, avaient fortement influencé Michael Clanchy, dont l’ouvrage From memory to written records (1973), a marqué un tournant pour les études médiévales occidentalistes. Depuis, le champ d’étude des scripturalités a bénéficié de nombreuses études novatrices comme celles -pour n’en citer que quelques-unes d’Armando Petrucci sur les inscriptions monumentales italiennes, de Bernard Cerquiglini (Éloge de la variante, 1989) ou de Luciano Canfora (Le copiste comme auteur, 2012) sur le rôle intellectuel du copiste, ou encore de Carlo Severi proposant une « anthropologie de la mémoire » (Le principe de la chimère, 2007). Les travaux sur les pratiques linguistiques, tels que pour ne citer qu’un exemple, l’ouvrage Bilingualism and the latin language de J.N. Admas (2008), forment une part essentielle de ce renouveau épistémologique. Les aires culturelles africaines restent aujourd’hui un peu en marge de ce renouveau, même si des ouvrages majeurs tels celui de P. de Moraes Farias sur les inscriptions épigraphiques (Arabic medieval inscriptions from the Republic of Mali. Epigraphy, chronicles and songhay-tuareg history, 2006) ou celui de G. Lydon sur le rôle de l’écrit dans le commerce sub-saharien (On Trans-Saharan Trails, 2009) explorent de façon exemplaire et selon des méthodologies novatrices des corpus jusqu’alors considérés comme marginaux. Nous citerons l’ouvrage collectif publié sous la direction de D. Crummey (2007), Literacy and the state in Sudanic Africa, qui avait été l’occasion de soulever d’importantes questions sur le fonctionnement d’administrations régionales autonomes et sur le pouvoir de l’écrit en particulier pour légitimer l’utilisation des ressources foncières.
L’approche comparatiste existe de longue date dans les études médiévales et peut être bénéfique dans le champ des études africaines. Nous voudrions construire des ponts entre, par exemple, la méthode diplomatique, bien connue pour faire la critique textuelle des sources documentaires européennes médiévales et modernes, et les sources africaines précoloniales.
La publication de sources est fortement encouragée, seule ou en complément d’un article d’analyse. Il s’agit de faire connaître des documents tout autant que de mener une réflexion sur la notion même de corpus. Une collection de documents se forme au cours d’opérations successives, à différents moments de vie des documents et en fonction des intentions de leurs producteurs puis des conservateurs, ou encore -en bout de chaîne- en fonction de critères scientifiques. L’édition de sources ne saurait être une activité neutre et les approches méthodologiques et réflexives mettant en lumière ces processus seront bienvenues.
La documentation produite par les administrations coloniales occidentales contemporaines, hors période au regard de la ligne éditoriale de la revue est exclue. Mais seront néanmoins considérées les propositions d’article analysant des situations de contact, d’échange, de mixité des pratiques scripturaires.
Coordinateurs : Les coordinateurs de ce dossier maîtrisent des domaines d’expertise complémentaires.
Anaïs Wion (CFEE, CNRS) est spécialiste de la documentation éthiopienne émise entre le xve et le xixe siècle au sein du royaume chrétien d’Éthiopie et comprenant actes royaux aux institutions chrétiennes, documents de la pratique émis par les monastères et actes privés.
Sébastien Barret (IRHT, CNRS), médiéviste occidentaliste, a une expertise reconnue dans le domaine de la diplomatique.
Julien Loiseau (université Montpellier) travaille sur l’Égypte mamelouk et a publié de nombreuses études sur le waqf et le droit islamique.
Aïssatou Mbodj-Pouye (IMAF, CNRS), anthropologue, travaille sur les questions de scripturalité en Afrique de l’Ouest.
Calendrier
Les premières propositions d’articles, en français ou en anglais, (titre et résumé de 300 à 500 mots) sont à envoyer à anais.wion[@]univ-paris1.fr pour le 1er octobre 2014.
Les articles définitifs seront attendus pour juin 2015.
Modalités d’évaluation
L’évaluation des propositions (abstract) sera faite par les organisateurs du dossier. À savoir :
Anaïs Wion (CFEE, CNRS)
Sébastien Barret (IRHT, CNRS)
Julien Loiseau (université Montpellier)
Aïssatou Mbodj-Pouye (IMAF, CNRS)
Ensuite, chaque article sera soumis à une double relecture anonyme par des experts, dont les organisateurs du dossier, les membres du comité scientifique de la revue, les membres du comité de rédaction mais aussi des relecteurs externes.
Page créée le vendredi 29 août 2014, par Dominique Taurisson-Mouret.