Accueil ▷ Actualités ▷ Actualités
Colloque
Du 14 au 17 octobre 2015
Organisateurs
Michel Figeac, Professeur d’histoire moderne, Université Bordeaux-Montaigne.
Christophe Bouneau, Professeur d’histoire contemporaine, Université Bordeaux-Montaigne.
Les villes portuaires, par définition cosmopolites et donc métissées, présentent une culture matérielle spécifique avec notamment l’arrivée de produits étrangers voire exotiques, l’établissement de communautés étrangères apportant avec elles d’autres habitudes de consommation, le brassage permanent des cultures. La culture matérielle est utile à l’étude des pouvoirs, notamment dans le domaine des représentations. Enfin, c’est un des critères majeurs de définition et de différenciation des élites européennes. Notre démarche s’intéressera aux objets, aux consommations et aux pratiques résultant d’une hybridation culturelle et pas uniquement, bien évidemment, à ceux qui sont issus du commerce intercontinental.
Le Conseil scientifique du Centre des Mondes Modernes et Contemporains (CEMMC-Bordeaux-Montaigne) a décidé de monter un colloque terminal sur la culture matérielle, car c’est une thématique fédérative qui peut concerner tous nos axes de recherche. Les villes portuaires, par définition cosmopolites et donc métissées, présentent une culture matérielle spécifique avec notamment l’arrivée de produits étrangers voire exotiques, l’établissement de communautés étrangères apportant avec elles d’autres habitudes de consommation, le brassage permanent des cultures. La culture matérielle est utile à l’étude des pouvoirs, notamment dans le domaine des représentations. Enfin, c’est un des critères majeurs de définition et de différenciation des élites européennes. Nous avons déjà travaillé sur ce type d’échanges, en particulier dans le cadre des Polonium ou des Balaton, où nos programmes ont été organisés sur les échanges culturels entre France et Pologne, France et Hongrie, sur les échanges croisés, ce qui nous permet d’associer tout ce que nous avons fait avec l’Europe Centrale. Nous avons également poursuivi cette perspective dans le renouvellement des études atlantiques de notre Centre, en particulier sur les dynamiques des mondes coloniaux et post-coloniaux.
Depuis une vingtaine d’années, les recherches sur les circulations internationales à l’époque moderne se sont multipliées dans le cadre de l’histoire globale ou histoire connectée[1]. Le meilleur reflet en est le récent programme d’Agrégation sur les circulations internationales en Europe, année 1680-années 1780[2]. Cette accélération des circulations a eu en effet pour principale conséquence une croissance de la production, des échanges et de la consommation[3]. L’un des problèmes centraux qui a stimulé la réflexion des historiens était lié à cette « révolution » des consommations, en résonance avec la révolution industrielle.
Cette accélération a incontestablement débuté au XVIe siècle avec la mise en contact de l’Europe et des autres continents que Serge Gruzinski a désignée comme « la première mondialisation »[4]. Face aux différentes sortes de pression exercées par l’occidentalisation, les artistes des autres parties du monde ont ainsi élaboré des œuvres qui mêlaient dans des proportions et avec des intensités diverses, tradition européenne et tradition indigène. Par exemple, les mosaïques des plumes mexicaines, les pyxides d’ivoire africain reprenaient des scènes de la vie du Christ. Dans le sens inverse, des figures mexicaines furent confiées à l’orfèvre Benvenuto Cellini pour qu’il leur donnât une monture en or. Une fois retravaillées, les figurines devinrent des œuvres « de la main de Benvenuto Cellini ». Les ateliers de Lisbonne paraissent avoir cherché à jouer avec des matériaux d’origine africaine et asiatique, comme le font de nos jours les grands couturiers européens.
Au XVIIIe siècle, la mondialisation de l’économie s’accélère sous l’égide d’Européens (armateurs, négociants, planteurs, colons…) avec la mise en place de systèmes coloniaux ou « impériaux » nationaux, homologues et concurrents, segmentant les trafics intercontinentaux. Des objets jusqu’alors peu connus se généralisent (livres, montres, miroirs), des ustensiles nouveaux apparaissent (services de porcelaine, tabatières) destinés aux marchandises d’origine coloniale (thé, café, chocolat, tabac). En un siècle certains biens sont donc passés du statut de produits de luxe à celui de consommations ordinaires[5]. Le sucre et le café sont donc devenus en Europe comme dans les colonies américaines, des produits de première nécessité.
Avec la révolution industrielle, l’invention de la vitesse se traduit par une révolution globale des transports, qui alimente une dynamique continue d’internationalisation/mondialisation/globalisation de la culture matérielle depuis le XIXème siècle[6]. L’innovation du chemin de fer, avec ses Transcontinentaux qui repoussent les frontières et alimentent la prose cosmopolite du Transsibérien, l’avènement du steamer et des paquebots, la genèse du transport aérien accélèrent les brassages de culture matérielle et la circulation des produits et des procédés. Ainsi la classe internationale ostentatoire des loisirs, chère à Thorstein Veblen[7], construit une culture de luxe cosmopolite, de la Nouvelle-Angleterre aux Indes britanniques, en passant par la riviera des lost generations. Mais à partir de la seconde révolution industrielle l’innovation radicale réside dans la convergence de trois processus : la dilation spatiale des horizons de la culture matérielle, avec l’affirmation régulière de nouvelles puissances émergentes, inaugurée par le Meiji pour le Japon en 1868 ; la moyennisation, plutôt que la massification, de la culture matérielle, portée par de nouveaux produits et procédés comme l’aluminium et le plastique ; la recherche dans l’économie de la consommation[8] de l’éclectisme et du fonctionnalisme international, incarnée par la cuisine fusion et les hôtels d’affaires. Enfin avec la troisième révolution industrielle, l’ère de l’instantanéité et de l’ubiquité tend à dématérialiser la culture matérielle ou du moins à l’iconiser, comme en atteste le culte design du smartphone sur l’ensemble de la planète numérique.
Notre démarche s’intéressera aux objets, aux consommations et aux pratiques résultant d’une hybridation culturelle et pas uniquement, bien évidemment, à ceux qui sont issus du commerce intercontinental. La circulation entre les nations d’un même espace géographique retiendra aussi l’attention à l’instar des ceintures de soie fabriquées à Lyon et expédiées en Pologne pour le vêtement sarmate ou de la porcelaine anglaise de Wedgwood qui inonda l’Europe et stimula nombre d’imitations. La culture matérielle d’un lieu est bien souvent le résultat d’influences diverses qui se suivent, se superposent, s’intriquent et/ou se contrarient . Pensons par exemple à ces jardins où se mélangent jardin à la française, influence anglaise, statues antiques et fabriques orientalisantes.
Axes thématiques
Les communications s’attacheront plus particulièrement aux formes et aux modalités de l’avènement et de la diffusion d’une nouvelle culture matérielle née du métissage :
Rôle des voyages, des relations diplomatiques (pratique des cadeaux), des échanges commerciaux, des migrations de travail, de la correspondance, des journaux d’annonces, de la vente de brevets…
Spécificités artistiques de ces nouveaux objets et leurs représentations en faisant appel au regard des historiens de l’art.
Diffusion de ces nouveaux objets et de ces nouvelles pratiques dans les franges plus ou moins importantes de la population, du cabinet de curiosité du prince à la boutique ouverte sur toutes les nouveautés exotiques.
Soumission de propositions avant le 15 décembre (Titre et résumé de la communication en 15-20 lignes)
Comité scientifique
Reynald Abad,
Christophe Bouneau,
Olivier Chaline,
Natacha Coquery,
Jaroslaw Dumanowski,
Michel Figeac,
Pascal Griset,
Caroline Le Mao,
Philippe Meyzie,
Jean-Pierre Willot
Contacts : michelfigeac chez yahoo.fr et florence.verdier chez u-bordeaux-montaigne.fr
[1] . Voir « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, t.54-4bis, 2007.
[2] . P.-Y. Beaurepaire et P. Pourchasse, Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Rennes, PUR, 2010.
[3] . Dans une très abondante production, voir notamment John Brewer et Roy Porter ( dir.), Consumption and the World of Goods, Londres/ New-York, Routledge, 1997.
[4] . S. Gruzinski, Les quatre parties du monde, Histoire d’une mondialisation, Paris, Points Seuil, 2006.
[5] Très représentatif de cette démonstration, le numéro spécial d’Histoire urbaine consacré à l’exotisme et à la ville, placé sous la direction de N. Coquery,
[6] Voir B. Marnot, La mondialisation au XIXème siècle, A. Colin, Collection U, 2012 .
[7] Voir T. Veblen, The Theory of the Leisure Class, Macmillan, 1899.
[8] Voir A. Chatriot et M.E. Chessel et M. Hilton dirs, Au nom du consommateur : consommation et politique en Europe et aux Etats-Unis au XXème siècle, Paris, La Découverte, 2004, 424 p.
Annonce from http://calenda.org/304949
(Re)Lire / Écouter / Voir
Mercredi 24 mars 2021
« À la suite de l’ouvrage pionnier de Fernand Braudel, Civilisation matérielle, Économie et capitalisme, les historiens ont montré à quel point les relations avec les mondes extra-européens ont pu être à l’origine de nouvelles manières de vivre, par suite du goût pour les produits exotiques et de l’accroissement de leur consommation au siècle des Lumières. Le sujet est considérable puisqu’il s’insère aussi bien dans le nouveau concept d’histoire globale que dans celui d’Atlantic History. La question est d’une importance essentielle parce qu’elle engendre des transformations des sociétés de l’Europe de l’Ouest et du Nord-Ouest et qu’il faut aussi penser aux transferts qui s’opérèrent dans l’autre sens, de l’Europe vers l’Amérique.
Les auteurs travaillent de manière concrète sur des objets, des produits, des denrées susceptibles de déclencher de nouvelles formes de consommations et de nouvelles manières de vivre de part et d’autre de l’Atlantique. La mondialisation de l’économie s’accélère sous l’égide d’Européens (armateurs, négociants, planteurs, colons...) avec la mise en place de systèmes coloniaux ou « impériaux », homologues et concurrents, segmentant les trafics intercontinentaux. Des objets jusqu’alors peu connus se généralisent (livres, montres, miroirs), des ustensiles nouveaux apparaissent (tabatières, porcelaine), destinés aux marchandises d’origine coloniale (thé, café, chocolat, tabac). En un siècle, certains biens sont donc passés du statut de produits de luxe à celui de consommations ordinaires. Notons que ces produits, le thé mis à part, s’inscrivent dans le cadre de l’Atlantic History, le sucre étant en particulier, avec la traite des noirs, la cause d’un accroissement quasi vertigineux des trafics atlantiques."
Michel Figeac est professeur d’histoire moderne à l’université Bordeaux Montaigne. Il est spécialiste de l’histoire de la noblesse et de l’histoire de la culture matérielle. Dans ce dernier domaine, il est l’auteur de L’Ancienne France au quotidien, Armand Colin, 2007 ; Circulation, métissage et culture matérielle, Classiques Garnier, 2017 et L’Habitat des élites urbaines en Europe à l’époque moderne, MSHA, 2019.
Ludovic Balavoine est docteur et agrégé d’histoire. Spécialiste d’histoire économique et sociale, il a récemment publié Enquête sur la recette des dîmes dans la généralité de Caen. Le bon grain et l’ivraie, Honoré Champion, 2019. Il participe au projet NAOM (La Nouvelle-Aquitaine et les Outre-Mers) dirigé par Caroline Le Mao en qualité de post-doctorant.
Page créée le mercredi 24 mars 2021, par Dominique Taurisson-Mouret.