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Appel
Date limite de soumission : lundi 20 décembre 2021
Depuis le début des années 2000, la zoohistoire et l’histoire culturelle des animaux, issues des apports pionniers des historiens médiévistes[1], ont été considérablement enrichies par deux approches méthodologiques qui doivent encore dialoguer : d’une part, une démarche centrée sur l’identification et la définition de communautés intégrant des humains et d’autres animaux, désignées par le terme de « collectifs[2] ». De l’autre, une recherche visant à faire émerger des expériences individuelles animales ou des échanges inter-individuels entre humains et non-humains, notamment par le biais de « biographies » animales[3]. Ces deux approches ne sont pas opposées et, au contraire, observer les dimensions collectives des relations entre des humains et/ou d’autres animaux permet de mieux prendre en compte l’échelle individuelle.
Ainsi, la notion de communauté hybride, telle que définie par Dominique Lestel, renvoie à « une association d’hommes et d’animaux, dans une culture donnée, qui constitue un espace de vie pour les uns et pour les autres, dans lequel sont partagés des intérêts, des affects et du sens[4] ». Ces collectifs se forment entre des individus appartenant à des espèces différentes et l’individualité de ces agents compte dès lors plus que les espèces impliquées. L’emploi de la notion de communauté hybride a pu montrer son potentiel heuristique pour l’étude de la domestication, en ethnologie et en archéologie[5].
Dans cette perspective, le commun n’est pas seulement créé et entretenu par la cohabitation au sein d’un espace donné mais aussi par l’élaboration d’une relation particulière entre des humains et d’autres animaux qui se reconnaissent mutuellement comme des individus. Le rapport entre le collectif et l’individuel est en outre marqué par la conceptualisation de différents degrés de proximité et de distance, que ce soit entre individus, entre collectifs, ou bien entre individus et collectifs, dans une perspective qui ne se limite pas au seul acteur humain, puisqu’elle permet notamment d’aborder les sociabilités animales. La gradation et l’articulation entre ces divers niveaux d’interactions relèvent enfin de rapports de force historiquement situés, en permanente reconfiguration.
La proximité et la distance peuvent s’entendre comme l’ensemble des stratégies discursives ou relationnelles qui permettent de définir un groupe par ce qui rassemble ses parties et différencie l’autre, en adoptant une perspective plus graduée que l’articulation réductrice entre inclusion et exclusion. Ces degrés de proximité et de distance entre une pluralité d’individus, de groupes d’animaux humains ou non, d’espèces, attendent encore d’être considérés comme un phénomène dynamique, davantage que comme une catégorie descriptive figée, grâce à l’apport des témoignages historiques et archéologiques. Afin de tester la pertinence d’une telle approche, nous invitons historiens, historiennes, archéologues, anthropologues, littéraires et spécialistes de sciences de la vie à comparer, à travers des études de cas variées, des situations complexes s’étendant de la préhistoire jusqu’à nos jours, au sein des espaces géographiques qu’elles et ils jugeront adaptés. Nous proposons pour ce faire d’entendre les notions de proximité et de distance à trois niveaux, complémentaires et interdépendants, intéressant toutes les disciplines, bien que certains enjeux aient été traités plus volontiers par l’une ou l’autre.
Axe 1 : proximité et distance dans l’espace
Le partage d’un territoire soulève de nombreux enjeux qui peuvent notamment s’articuler autour du concept de « proxémie » créé par l’anthropologue Edward Twitchell Hall : les notions de proximité et de distance sont en effet liées à la protection d’une bulle invisible plus ou moins étendue selon les époques, les lieux et les liens sociaux qui unissent les humains et/ou les autres animaux[6]. L’idée de territoire, de domicile, de zone où se définit sans cesse ce qui est à soi ou à nous, existe simultanément à plusieurs échelles, depuis celle du « pays » jusqu’à celle de l’individu. Dès lors, la cohabitation humaine et non-humaine interroge la légitimité de chacun et provoque des ajustements permanents. Elle peut toucher à des enjeux économiques, sécuritaires, moraux ou encore symboliques et souligne l’importance de la mobilité, qui la remodèle sans cesse. Interroger les différents espaces de vie représente enfin un enjeu majeur et d’actualité à l’échelle mondiale, tout à la fois en raison du développement potentiel d’épidémies issues de la globalisation que de questionnements écologiques.
Axe 2 : proximité et distance des corps
Les distinctions opérées entre les divers types d’êtres qui peuplent le monde diffèrent selon des systèmes de classification liés au concept « d’ontologie ». Ainsi, selon Philippe Descola, les humains se distinguent ou non des autres animaux en fonction de traits de nature physique ou renvoyant à l’inverse à des critères intérieurs[7]. Les présupposés de l’ontologie naturaliste de l’Occident moderne, impliquant une discontinuité franche entre les subjectivités humaines et animales, sont actuellement remis en question, tant par l’éthologie, les neurosciences que la philosophie et le droit. Toutefois, l’ensemble des systèmes de catégorisation ontologiques (naturalisme, animisme, totémisme, analogisme) ont en commun de faire du corps ou tantôt une frontière, tantôt une interface avec les non-humains. Loin de relever du donné abstrait, cette articulation s’incarne à travers une proximité et une distance d’ordre alimentaire (incorporation des uns par les autres et inversement) mais aussi médical (descriptions physiques anthropomorphisées, principe des similitudes et théorie des signatures, thérapeutique chamanique, expérimentation animale), aujourd’hui au centre des débats de société mais dont la genèse reste à écrire.
Axe 3 : proximité et distance temporelles
Enfin, parce que leur définition est relative et liée à un point de référence fluctuant, la proximité et la distance vis-à-vis des animaux s’articulent nécessairement en termes diachroniques, qu’il s’agisse de l’étude scientifique des traces d’espèces disparues, de la théorie évolutionniste ou de mythes tels que la genèse chrétienne. Il convient d’interroger cette perception des animaux du passé par les acteurs humains, car elle exerce une influence sur les relations qu’ils établissent avec la faune contemporaine, tandis que de nouvelles pratiques sont en mesure de réformer ces représentations. Cet enjeu ne porte donc pas seulement sur les animaux du passé mais également sur ceux de l’ « avenir », comme en témoigne l’importance des rites funéraires animaliers, de la sélection des races ou de la longue histoire des mouvements de secours et de défense des bêtes. Anticipant un futur libéré de la maltraitance, ceux-ci peuvent servir d’utopie politique humaine, comme l’a souligné Pierre Serna[8]. En dernier lieu, de retour vers le présent, une espèce animale donnée peut contribuer à définir une période historique, voire une culture humaine, ce qui pose un enjeu méthodologique et réflexif décisif pour la recherche.
Modalités de soumission des propositions
Les propositions de communication devront comporter un titre (court idéalement), 5 mots clefs, un argumentaire (entre 1200 et 2000 signes espaces compris, présenté en fichier word ou pdf).
Enfin, la contribution devra indiquer l’axe dans lequel elle souhaite s’insérer en priorité (proximité et distance dans l’espace, proximité et distance des corps, proximité et distance temporelle).
N’oubliez pas d’indiquer vos coordonnées lors de l’envoi de vos contributions (courriel, téléphone et coordonnées postales).
Les propositions de communication sont à adresser au plus tard le 20 décembre 2021 à AnimHist31 chez gmail.com
Organisé à l’université Toulouse Jean Jaurès avec le soutien de la commission Recherche et des laboratoires FRAMESPA et TRACES, le colloque aura lieu en modalités hybrides les 1er, 2 et 3 juin 2022.
Les frais de déplacement et d’hébergement des participant·e·s seront pris en charge.
Référente scientifique
Valérie Sottocasa (Professeur des universités, Université Toulouse 2 Jean Jaurès, FRAMESPA UMR 5136)
Coordinateurs
Clément Birouste (docteur associé TRACES UMR 5608)
Thomas Brignon (Université Toulouse 2 Jean Jaurès / FRAMESPA, Casa de Velázquez)
Margot Constans (Université Toulouse 2 Jean Jaurès / FRAMESPA)
Thomas Galoppin (Université Toulouse 2 Jean Jaurès / PLH-Érasme)
Lucie Schneller Lorenzoni (Université Toulouse 2 Jean Jaurès / FRAMESPA)
Comité scientifique
Éric Baratay (Professeur des universités, Université Lyon III Jean-Moulin, LARHRA UMR 5190)
Christophe Chandezon (Professeur des universités, Université Paul-Valéry Montpellier 3, CRISES EA 4424)
Emmanuelle Charpentier (Maître de conférences Université Toulouse 2 Jean Jaurès, FRAMESPA UMR 5136)
Sandrine Costamagno (Directrice de recherche CNRS, TRACES UMR 5608)
Violette Pouillard (Chargée de recherche CNRS, LARHRA UMR 5190 / Université de Gand)
Valérie Sottocasa (Professeur des universités, Université Toulouse 2 Jean Jaurès, FRAMESPA UMR 5136)
Charles Stepanoff (Maître de conférences EPHE, Directeur d’études EHESS, LAS)
Jacques Voisenet (Professeur agrégé – Toulouse)
Notes
[1] Robert Delort, Les animaux ont une histoire, Paris, Seuil, 1993 [1984] ; Jacques VOISENET, Bêtes et hommes dans le monde médiéval. Le bestiaire des clercs du Ve au XIIe siècle, Brepols, Turnhout, 2000 ; Michel Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, Points, 2014 [2004].
[2] Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris, La Découverte & Syros, 1997 [1991] ; Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.
[3] Éric Baratay, Le point de vue animal. Une autre version de l’histoire, Paris, Seuil, 2012 ; Biographies animales. Des vies retrouvées, Paris, Seuil, « L’univers historique », 2017.
[4] Dominique Lestel, L’animal singulier, Paris, Seuil, 2004.
[5] Charles STEPANOFF et Jean-Denis VIGNE (dir.), Hybrid Communities : Biosocial Approaches to Domestication and Other Trans-species Relationships, Londres, Routledge, 2018.
[6] Edward Twitchell HALL, La dimension cachée, Paris, Seuil, 1971.
[7] Philippe DESCOLA, Par-delà nature et culture… op. cit.
[8] Pierre SERNA, Comme des bêtes. Histoire politique de l’animal en révolution (1750-1840), Paris, Fayard, 2017.
Colloque
Du 1er au 3 juin 2022 (UTJ2, Toulouse)
Possibilité de participer via ZOOM
Page créée le jeudi 12 mai 2022, par Webmestre.